Une proposition pour la réforme sur la nationalité congolaise, déposée en juin 2021 à l’Assemblée Nationale de la République démocratique du Congo, fait actuellement couler encre et salive.
Puisque ce débat m’intéresse aussi, très humblement, j’en aborde un aspect qui me semble le moins incompris, avec espoir que ma modeste réflexion contribuera à la voie vers la lumière recherchée.
Tout d’abord, la notion de congolais de père et de mère ne se réduit nullement à celle de la nationalité d’origine. Etant entendu que cette dernière notion englobe la première et la dépasse à quelques égards.
Être congolais de père et de mère peut vouloir dire avoir un père et une mère qui sont congolais depuis leur naissance et qui n’ont jamais, du vivant de leur enfant (et non pas nécessairement du vivant des parents), acquis une autre nationalité ou avoir été déchus de la nationalité congolaise.
Mais, être congolais de père et de mère peut aussi vouloir dire avoir un père et une mère qui peuvent être devenus congolais en acquérant la nationalité congolaise par naturalisation, par exemple.
Dans le cadre du débat relatif à l’accès aux fonctions politiques de souveraineté, ce qui est exigé est plutôt que la personne, reçue en demande de fonction, ait un père et une mère ayant la nationalité congolaise.
Être congolais d’origine ?
La question n’est certainement pas aisée à comprendre notamment pour les personnes qui n’ont pas fait les études de droit ou simplement celles qui ne sont pas au courant du fait que le constituant et le législateur ont prévu plusieurs critères pour conférer la nationalité congolaise d’origine.
Le constituant et le législateur congolais recourent, en effet, tantôt au critère du « jus sanguinis » (droit du sang/filiation) tantôt, mais dans une mesure très limitée dans le temps, au critère du « jus soli » (droit du sol).
Ce double critère loge dans les dispositions de l’article 4 de la Loi 87-010 du 1er août 1987 portant Code de la famille qui stipulent qu’ « Est Congolais d’origine, à la date du 30 juin 1960, toute personne dont un des ascendants est ou a été membre d’une des tribus établies sur le territoire de la République démocratique du Congo dans ses limites au 1er août 1885, telles que modifiées par les conventions subséquentes ».
La Loi N° 04/024 du 12 novembre 2004 relative à la nationalité congolaise n’a pas modifié de manière sensible ces dispositions et ne les a pas abrogées non plus du fait que bien qu’elles lui sont antérieures, elles ne sont heureusement pas contraires à son esprit et à sa lettre.
En effet, pour le législateur de 2004 « la nationalité congolaise d'origine est reconnue dès la naissance à l'enfant en considération de deux éléments de rattachement de l'individu à la République Démocratique du Congo, à savoir sa filiation à l'égard d'un ou de deux parents congolais (jus sanguinis), son appartenance aux groupes ethniques et nationalités dont les personnes et le territoire constituaient ce qui est devenu le Congo (présentement la République Démocratique du Congo) à l'indépendance (jus sanguinis et jus soli) ou sa naissance en République Démocratique du Congo (jus soli) ».
Lorsque l’un ou l’autre de ces deux critères sont réunis dans le chef de la personne concernée, pour le législateur congolais celle-ci est détentrice de la nationalité congolaise d’origine « par appartenance ».
Ces dispositions sont conformes à l’alinéa 3 de l’article 10 de la Constitution de la République démocratique du Congo de 2006 telle que modifiée et complétée en 2011.
Il est important de relever cependant que la nationalité congolaise d’origine peut aussi être acquise par filiation. C’est ce que renseignent les dispositions de l’article 5 de la même Loi au sens desquelles « Est Congolais : 1. l’enfant dont le père est Congolais ; 2. l’enfant dont la mère est Congolaise ».
Remarquez que le législateur ne dit pas « l’enfant dont le père et la mère sont congolais ». il dit, en énumérant et en conjuguant le verbe être au présent à la troisième personne du singulier « 1. l’enfant dont le père est congolais (point) ; 2. l’enfant dont la mère est congolaise (point) ».
Il s’agit ici d’une possibilité alternative qui fait toute la différence d’entre la Loi vantée ci-dessus et le Code civil livre 1 qu’elle avait abrogée et qui donnait au seul père le droit de conférer la nationalité à l’enfant, la maman n’ayant acquis ce droit qu’ultérieurement avec la promulgation de la Loi du 1er août 1987.
La conséquence de ces dispositions, est c’est très important de le relever pour éviter l’équivoque souvent entretenue sur la question, est que depuis 1987, il suffit que l’un des parents soit congolais pour que l’enfant ait le droit d’être congolais d’origine.
C’est aussi cette compréhension qu’il faut imprimer à l’article 7 de la Loi de 2004 dont l’alinéa 1er dispose qu’ « Est Congolais dès la naissance, l'enfant dont l'un des parents- le père ou la mère- est Congolais ». C’est la nationalité congolaise d’origine par filiation.
A ces deux catégories de nationalité congolaise d’origine s’ajoute une troisième, prévue par les articles 7 et 8 de la même Loi : il s’agit de la nationalité congolaise d’origine par présomption de la loi.
En effet, au sens de l’alinéa 1er de cet article 7 « Est Congolais, l’enfant nouveau-né trouvé en République démocratique du Congo ».
Sans particulièrement modifier les dispositions ci-dessus, l’alinéa 1er de l’article 8 de la Loi de 2004, affirme, quant à lui qu’ « Est Congolais par présomption de la Loi, l'enfant nouveau-né trouvé en République Démocratique du Congo dont les parents sont inconnus ».
A l’alinéa 2 de cet article, le législateur dispose cependant, mais de manière maladroite, que cet enfant « est toutefois réputé n’avoir jamais été Congolais si, au cours de sa minorité, sa filiation est établie à l’égard d’un étranger ».
La maladresse du législateur consiste ici à parler « d’un étranger » et non de deux étrangers alors même qu’au sens des dispositions de l’article 6 de la même loi, il suffit qu’un seul de deux parents soit congolais pour que l’enfant, tant qu’il n’y a pas renoncé au cours de son âge majeur, puisse bénéficier, à vie, de la nationalité congolaise d’origine.
Plus en clair, et en application des dispositions de l’article 6 de la même Loi, tant que la filiation d’un enfant « trouvé » ou « ramassé » (si vous voulez) sur le sol congolais n’est pas établie à l’égard de deux parents étrangers, ce dernier a bel et bien la nationalité congolaise d’origine.
C’est d’ailleurs dans ce sens qu’abonde finalement le législateur lorsqu’il affirme à l’alinéa 1er de l’article 8 de cette Loi que « L’enfant qui est Congolais en vertu des dispositions du présent chapitre est réputé avoir été Congolais dès sa naissance même si l’existence des conditions requises par la loi n’a été établie que postérieurement ».
Parlant des « conditions requises », le législateur fait allusion, entre autres, à la procédure de la déclaration de l’enfant à l’état civil.
L’article 9 de la Loi de 2004 qui ajoute des éléments
plus sensibles, conformes aux dispositions des accords internationaux en
matière de nationalité, en ajoutant les deux éléments ci-dessous :
« Est également congolais par présomption de
la Loi : 1. l'enfant né en République Démocratique du Congo de parents
ayant le statut d'apatride ; 2. l'enfant né en République
Démocratique du Congo de parents étrangers dont la nationalité ne se transmet
pas à l'enfant du fait de la législation de l'Etat d'origine qui ne reconnaît
que le jus soli ou ne reconnaît pas d'effet sur la nationalité à la filiation
naturelle ».
J’espère que ces petits riens ont été utiles pour vous !