L’APPELLATION « LOI TSHIANI », UNE VERITABLE HERESIE !
Par Charles-Mugagga MUSHIZI
Avocat – Directeur du
« Centre d’Echanges pour des
Reformes Juridiques et Institutionnelles » (CERJI)
L’actualité congolaise demeure caractérisée par la controverse autour de cette fameuse « prose » qui est abusivement appelée « loi Thiani ». A voir de près, toutes les analyses qui s’y sont penchées, pour ou contre, se sont limitées à piocher sur son opportunité et sur sa pertinence. Aucune ne s’est arrêtée à l’examen de son appellation.
Pour rechercher l’appellation qu’il convient de donner à ce texte, autant vite rappeler ce qu’en général on appelle « loi » et ce à quoi le constituant a donné le nom de « loi », de « projet de loi » et d’initiative de loi ».
Au sens général, la « loi » désigne l’ensemble des normes, des dispositifs textuels qui régissent les communautés. Il s’agit des règles qui autorisent ou qui interdisent un comportement ou un agissement, et qui sont ou non assorties des sanctions (c’est toute la différence entre les lois pénales et les lois morales. La question ne se pose pas ici).
A cette première lecture, le texte en cause n’est pas une loi en cela qu’il ne régit rien, nulle part.
Au sens strict, cependant, l’expression « loi » désigne tout texte voté par le parlement et promulgué par le président de la République. Il s’agit là des conditions cumulatives et non alternatives.
Le texte ainsi appelé doit donc avoir été reçu en examen par le parlement, voté par celui-ci, envoyé par le parlement au président de la République pour promulgation et effectivement promulgué par celui-ci.
Même à cette deuxième lecture, le texte en cause n’est toujours pas une loi.
A examiner la qualité des personnes qui sont admises par le constituant pour amorcer la procédure de vote et de promulgation des lois, l’appellation du texte critiqué soulève une curiosité supplémentaire.
En effet, au sens de l’alinéa 1er de l’article 130 de la constitution de la République démocratique du Congo « l’initiative des lois appartient concurremment au gouvernement, à chaque député et à chaque sénateur ».
On constate ici que le concerné n’étant ni membre du gouvernement ni membre de l’une ou de l’autre chambres du parlement, l’expression « loi Thiani » devient plus qu’incompréhensible en cela qu’elle n’a aucun contenu juridiquement défendable à la lecture des dispositions constitutionnelles.
Non seulement qu’elle ne réunit pas les conditions constitutionnelles pour être ainsi appelée, mais son auteur n’a pas non plus la qualité de pouvoir présenter un texte à même de mériter une telle appellation.
Les deux derniers alinéas du même article de la constitution, qui font une nette différence entre un projet de loi et une proposition de loi, offrent une meilleure compréhension de l’allégation ci-dessus.
L’alinéa 2 de cet article considère qu’un projet de loi ne peut émaner que du gouvernement, statuant en conseil des ministres, alors qu’in fine, l’alinéa 3 de cet article considère que toute initiative de loi émanant du parlement (d’un parlementaire) doit, avant délibération et adoption, être notifié pour information au gouvernement qui adresse, dans les quinze jours suivant, ses observations à la chambre qui le lui a transmis.
Une fois encore, à cette lecture supplémentaire le texte querellé n’est ni projet de loi ni proposition de loi en cela qu’il n’émane ni du gouvernement ni du parlement, moins encore une loi.
Pour peu que l’auteur demeure à la recherche plutôt d’un effet sensationnel sur sa propre personne, l’appellation de sa « prose » quant à elle reste à chercher ailleurs. En tout cas loin du champ juridique…
Modestie et honnêteté scientifique obligent !