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samedi 2 janvier 2021

LE DROIT D’ACCÈS À L’INFORMATION : CHAMP D’APPLICATION, BÉNÉFICIAIRES ET PRINCIPES

INTRODUCTION

Dans le cadre du Programme de Développement du Secteur des Médias en République démocratique du Congo, les organisateurs de la présente rencontre m’ont convié d’échanger avec vous autour du thème suivant : « Le droit d’accès à l’information : Champ d’application, bénéficiaires et principes ».

Ce thème me semble être d’une importance indéniable et d’un caractère plus qu’actuel particulièrement pour un pays comme la République démocratique du Congo qui, depuis le début des années 1990, s’évertue à se muer en une démocratie, à promouvoir les libertés fondamentales et à fonder sa gestion sur la transparence et la redevabilité à tous les niveaux.

Le droit d’accès à l’information est l’un de principaux pivots autour desquels se construisent tous les systèmes de gouvernance fondés sur la transparence et la redevabilité de tous les responsables, quel que soit leur domaine d’intervention.

On peut bien conclure d’ailleurs que c’est pour les raisons ci-dessus que le constituant a inséré ce droit dans le Titre II de la Constitution, loi des lois, qui est relatif aux « droits humains, libertés fondamentales et devoirs du citoyen et de l’Etat ».

Au sens de la Constitution, le droit d’accès à l’information est ainsi un droit humain, une liberté fondamentale et un devoir du citoyen, entendu de tout gestionnaire de pouvoir, quelque qu’en soit le niveau. Il est aussi un devoir, une obligation qui incombe à l’appareil étatique, en cela qu’il doit en tout temps être protégé au titre de droit humain et de liberté fondamentale.

LA BASE JURIDIQUE DU DROIT D’ACCÈS À L’INFORMATION

Parler de la base juridique du droit d’accès à l’information revient à expliquer les soubassements, mieux les dispositions du droit international, régional et national qui prévoient et qui protègent ce droit.

On trouve, en effet, dans l’arsenal juridique élaboré par les Nations Unies, l’Union Africaine, les regroupements régionaux d’Etats et dans la législation congolaise un nombre considérable des principes énoncés autour du droit d’accès à l’information.

1.        Les instruments juridiques des Nations Unies

La notion de « liberté de l’information » a été reconnue très tôt par l’ONU. En 1946, durant sa première session, l’Assemblée Générale des Nations Unies a adopté la résolution 59, qui affirmait que : « La liberté de l’information est un droit fondamental et la pierre de touche de toutes les libertés à la défense desquelles se consacrent les Nations Unies »[1].

Quelques mois plus tard la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH)[2] a été adoptée le 10 décembre 1948 par l’Assemblée Générale des Nations Unies à San Francisco, en Amérique.

Ce texte, de portée générale a toujours été considéré comme le texte qui a balisé, au XXème siècle, le fondement le plus solide des droits de l’homme au plan international, au sein des Etats et entre les Etats.

Plusieurs de ses dispositions consacrent le droit d’accès à l’information. Les plus importantes de ces dispositions sont celles de son article 19 qui stipule notamment que « Tout individu (…) de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit ».

Bien qu’il y ait plus d’une source juridique de référence, pour ce qui est des textes élaborés par les Nations Unies, nous allons nous limiter à l’examen de deux instruments importants qui nous paraissent plus spécifiquement axés sur la question qui fait objet du présent échange.

Il s’agit, d’une part du document appelé « Principes directeurs pour le développement et la promotion de l'information du domaine public gouvernemental », qui a été élaboré par l’Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) à Paris, en 2004[3] et, d’autre part, l’ « Observation générale N° 34 » formulée par le « Comité des droits de l’homme » des Nations Unies lors de sa 102ème session tenue à Genève du 11 au 29 juillet 2011.

Le premier document, bien que faisant recours à une expression qui pourrait se révéler limitative, parle de l’accès à « l'information du domaine public gouvernemental ». 

Plus largement cependant, il fait référence aux dispositions de l’article 19 et à celle de l’article 27 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) qui sont relatives à la liberté d’expression en général et du droit du public à l’information.

En effet, en vertu de l'article 19 de la DUDH, le droit à la liberté d'opinion et d'expression implique celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit.

Et son article 27 garantit le droit pour tous citoyen de prendre part librement à la vie culturelle de sa communauté, de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent, notamment par l’accès à l’information, je dirai plutôt à l’information tirée de la formation, notamment scientifique.

C’est dans ce sens que ce document affirme entre autres que « l'un des buts suprêmes de toute société œuvrant au développement humain est de rendre chacun de ses citoyens maître de son destin en lui donnant les moyens d'accéder à l'information et aux connaissances et de les utiliser ».

L’accès aux connaissances et l’utilisation de ces dernières peut être formalisé dans un système d’enseignement, de recherche scientifique. Il peut aussi être a-formalisé et consister en de simples mécanismes administratifs et en des dispositifs moins rigoureux qui facilitent l’accès à l’information, quelle qu’elle soit, tant qu’elle recèle une certaine utilité pour la personne qui la recherche.

Le deuxième document se base aussi sur les dispositions de l’article 19 de la DUDH. Mettant le citoyen au centre du droit d’accès à l’information, il réaffirme le principe universel selon lequel « La liberté d’opinion et la liberté d’expression sont des conditions indispensables au développement complet de l’individu ».

Pour ce document, ces deux libertés sont essentielles et constituent le fondement de toute société libre et démocratique, en cela qu’elles battent en brèche la gestion opaque et la culture du secret dans la gestion de la chose publique tout en promouvant la transparence et la redevabilité.

Il est tout de même important d’épingler un autre document de grande importance qui est relatif au droit d’accès à l’information, et qui a été élaboré par les Nations Unies.

Il s’agit de la Convention des Nations Unies contre la corruption qui est l’un des instruments les plus fondamentaux relatifs au droit d’accès à l’information et qui constitue le gage de la transparence et de la redevabilité sur la gestion de la chose publique.

 Elle a été adoptée par la résolution 58/4 de l’Assemblée Générale des Nations Unies du 31 Octobre 2003.

Elle tend à lutter et à éradiquer au sein des Etats parties l’ensemble des pratiques par lesquelles passe la corruption et qui ont tendance à renforcer l’opacité sur l’état de la gestion de la chose publique.

2.      Les instruments juridiques régionaux

Au niveau régional, nous pouvons nous limiter à citer :

§  La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples dont l’article 25 qui est plus ou moins relatif au droit d’accès à l’information commence par mettre à charge des Etats membres l’obligation de promouvoir et d’assurer, par l’enseignement, l’éducation et la diffusion, le respect des droits et des libertés contenus dans la présente Charte, et de prendre des mesures en vue de veiller à ce que ces libertés et droits soient compris de même que les obligations et devoirs correspondants.

§  La Déclaration de principes sur la liberté d’expression en Afrique au sens de laquelle (article IV - 1) « les organes publics gardiens du bien public et (que) toute personne a le droit d’accéder à cette information, sous réserve de règles définies et établies par la loi ».

§  La Charte africaine sur la démocratie, les élections et la gouvernance qui réaffirme, l’engagement pris par les Etats africains de « promouvoir l’établissement des conditions nécessaires à la participation du citoyen protégé, à la transparence, accès à l’information, liberté de la presse, et à la responsabilité dans la gestion des affaires de l’Etat ».

§  La convention africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption dont le cinquième objectif repris à son article 2 appelle les Etats africains à « créer les conditions nécessaires pour promouvoir la transparence et l’obligation de rendre compte dans la gestion des affaires publiques ».

§  La Charte africaine sur les valeurs et principes du service et de l’administration publics dont l’article 6 est relatif aux valeurs et aux principes du service et de l’administration publics dans chaque Etat membre.

3.      Les dispositions constitutionnelles de la RDC

La République démocratique du Congo ne dispose pas encore d’une loi spécifique sur le droit d’accès à l’information.

Néanmoins, au titre des droits civils et politiques le constituant congolais inscrit le droit d’accès à l’information en ces termes « Toute personne a droit à l’information[4] » et enjoint le législateur d’organiser les modalités de son exercice.[5]

En RDC, pour rendre plus compréhensibles les dispositions de l’alinéa 1er de l’article 24 de la Constitution, une loi spéciale s’en faut. Ces dispositions sont, en effets applicables à la fois au droit du public à l’information et au droit d’accès à l’information, qui sont deux concepts totalement différents du point de vue de leurs contenus respectifs.

Pour nous conformer aux prescrits des organisateurs de la présente rencontre, nous allons maintenant parler du champ d’application du droit d’accès à l’information et de ses bénéficiaires.

CHAMPS D’APPLICATION ET BENEFICIAIRES

Les instruments juridiques internationaux auxquels la RDC est partie ainsi que le constituant congolais veulent que toute personne, quelle qu’elle soit et quel que soit son domaine d’activités, soit titulaire du droit d’accès à l’information.

Ce droit qui est de plus en plus au centre de la gouvernance démocratique des Etats « modernes », constitue désormais le fondement du développement social, scientifique, culturel, économique dans les Etats où il est mis en œuvre de manière adéquate.

Bien souvent, le droit d’accès à l’information est confondu avec le droit du public à l’information, le droit d’être informé et le droit de pouvoir informer, par voie des moyens de communication de masse.

Cette conception est très restrictive et, à la limite, erronée, du fait que le droit d’accès à l’information couvre une étendue matérielle de loin plus large qui ne peut être réduite à la seule modalité informationnelle par voie des médias (de la presse) et se rapporte à une étendue tout aussi large des professionnels qui ne peuvent être réduits aux seuls journalistes.

En effet, ce droit se rapporte à toutes sortes d’informations, de quelques natures qu’elles soient, qui peuvent être en la possession des organismes publics, parapublics ou même privés, pour autant que l’information détenue par eux ait un caractère d’utilité publique.

On est donc bien au-delà du seul droit du public à recevoir des informations par la voie des médias et l’on s’inscrit dans un ensemble plus large qui, au titre des sources d’informations, inclut les médias aux côtés de bien d’autres sources parmi lesquelles l’administration publique, les services de renseignements, les entreprises publiques, les bibliothèques, les entreprises privées, etc.

Le droit d’accès à l’information s’applique ainsi à toute personne qui recherche, à titre individuel ou professionnel une information ainsi qu’à tous les corps de métiers parmi lesquels, bien entendu les médias dans leur travail quotidien de recherche de l’information, mais aussi :

  • Les parlementaires dans l’exercice le plus ordinaire de leur contrôle parlementaire, de proposition des réformes basées sur des évidences ;
  • Aux chercheurs scientifiques, aux autorités publiques dans l’exercice de leurs enquêtes administratives de routine ;
  • À la police en général et à la judiciaire en particulier ainsi qu’à la justice institutionnelle dans leurs enquêtes judiciaires,
  • Aux investisseurs économiques qui désirent obtenir des informations précises pouvant leur permettre d’orienter leurs capitaux, etc.

Ainsi vu, le droit d’accès à l’information est un pivot autour duquel tournent la gouvernance démocratique des Etats modernes, la transparence de la gestion de la chose publique, la redevabilité des autorités publiques, le développement économique, social, scientifque.

PRINCIPES DU DROIT D’ACCES A L’INFORMATION

Bien qu’en RDC certaines des premières lois garantissant un droit d’accès aux informations détenues par les organes publics aient reçu le nom de lois sur la liberté de l’information ou même de loi relative aux modalités d’exercice de la liberté de la presse, le contexte congolais montre clairement que le droit d’accès à l’information n’est ni suffisamment compris ni suffisamment intégré.

Telle qu’elle est utilisée dans les différents instruments juridiques des Nations Unies, le droit d’accès à l’information se réfère plus en général au libre accès et à la libre circulation de l’information dans les sociétés et non à l’idée plus spécifique d’un droit d’accès aux informations détenues par les seuls organes publics.

Aussi, les deux principes les plus importants qui s’attachent à ce droit et que la RDC devrait intégrer dans l’ensemble de sa législation sont :

§  Le principe de l’universalité du droit d’accès à l’information. Il s’agit d’un droit non exclusif et qui s’attache à l’universalité du genre humain, non pas comme un privilège du prince, mais comme un droit humain et comme une liberté fondamentale.

§  Le principe de la non restriction du droit d’accès à l’information. L’information, dans sa diversité et dans sa pluralité doit en tout temps être rendue disponible à toute personne qui la recherche, tant pour son besoin individuel que pour des raisons plus largement sociales, professionnelles, etc.



[1] ONU, Résolution 59 de 1946

[2] Proclamée par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 217A/III du 10 décembre 1948 et entrée dans la législation congolaise par sa publication à la page 1206 du Bulletin officiel de la RDC.

[3] Principes directeurs pour le développement et la promotion de l'information du domaine public gouvernemental/document établi par Paul F. Uhlir. - Paris, UNESCO, 2004. - ix, 46 p. ; 30 cm. (CI-2004/WS/5)

[4] Alinéa 1er de l’article 24 de la Constitution de la RDC.

[5] Alinéa 3 de l’article 24 de la Constitution de la RDC.


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L'auteur défend les libertés dans un pays en voie de devenir un Etat, une République et une Démocratie...