LA GOUVERNANCE DE
L’INTERNET :
« Quelles actions citoyennes et législatives à
prendre pour garantir et améliorer la gouvernance de l'Internet en RDC ? »
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Communication de
Maître Charles-M. MUSHIZI
Avocat à la Cour
et Directeur du « Centre d’Echanges pour des Réformes Juridiques et
Institutionnelles » (CERJI)
I. CONSIDERATIONS
GENERALES
Les organisateurs des présentes assises m’ont
demandé de vous entretenir à propos des « actions citoyennes et
législatives qu’il est possible de prendre pour garantir et améliorer la gouvernance
de l'internet en République démocratique du Congo ».
Etant acquis au principe de la liberté d’expression
qui, sans doute, intègre de plus en plus la communication en ligne dans les
pays comme le notre, j’ai accepté de venir partager avec vous quelques unes des
réflexions que j’ai toujours muries et que j’offre à vos critiques et commentaires
constructifs pour un débat réellement citoyen.
Ma modeste contribution ne s’éloignera pas du
contexte purement congolais.
Ce contexte est caractérisé par une démocratie
balbutiante.
Une démocratie qui consacre un régime parlementaire,
de par sa Constitution, mais qui voit exercer le pouvoir d’état tantôt sous la
forme d’un régime présidentiel, tantôt sous la forme d’un régime semi
présidentiel, tantôt carrément sous la forme tricheuse de présidentialisme,
dans une vue globale de dilution de la responsabilité des autorités devant le
parlement ou simplement du peuple congolais.
Ma modeste contribution à ce débat n’occultera
certainement pas la trop forte répression de la liberté de critique
actuellement consacrée par la quasi monopolisation du domaine médiatique par le
régime en place.
Elle n’occultera pas non plus l’incompétence et
l’opacité avec lesquelles le même régime traite la question de l’accès du
public à l’information, en ce compris l’information en ligne. C’st une totale
remise en cause du droit du public à l’information.
J’en voudrais pour preuve l’absence d’un débat
ouvert et sincère sur la fameuse fibre optique, dont nul ne connait ni le vrai
coût, ni l’état d’avancement du point de vue de son l’installation, ni les
capacités réelles à desservir, ni les conditions préalables d’accès pour la
population, etc.
Je ne voudrais pas revenir sur ces manières
cavalières d’interruption regrettable de toutes les communications en ligne au
cours des périodes électorales et en janvier 2015, lors des manifestations
populaires contre la modification de la loi électorale.
Je ne reviendrai pas non plus sur les coupures des
signaux des médias nationaux et étrangers à des occasions diverses ; ni
aux coupures pures et simples des signaux des médias identifiés comme proches
de l’opposition politique depuis les élections plurales de 2006 jusqu’à ce jour.
Constatez donc que c’est dans ce contexte que les
organisateurs de la présente journée m’ont demandé de vous livrer ma réflexion
sur les possibles actions citoyennes et législatives à mener pour améliorer
notre démocratie, pour favoriser une réelle participation citoyenne, pour
impulser le développement intégral de la République démocratique du Congo.
II. QUELLES
ACTIONS CITOYENNES ?
Par « actions citoyennes », j’entends
toutes sortes d’actions et d’inactions ou des abstentions, organisées dans le
cadre d’une revendication citoyenne ; c’est à dire une demande qui vise l’amélioration
d’une situation particulière pour le plus grand bien de la communauté.
De ceci s’entend le fait que les actions citoyennes
peuvent être de deux ordres, à savoir :
Des actions matérielles, à l’exemple d’une
manifestation publique, d’une déclaration publique, d’une pétition adressée à
une autorité publique, etc. ainsi que,
Des inactions ou des actions négatives ou des
abstentions, à l’exemple d’une abstention au titre de revendication ;
telles que les « journées ville morte », le boycott, etc.
Loin d’être réducteur, il me semble, qu’au regard du
contexte spécifique de la République démocratique du Congo, les actions
citoyennes qui doivent être conduites dans le cadre du sujet qui nous préoccupe
en ce moment, doivent viser à améliorer le cadre juridique et institutionnel
existant.
En République démocratique du Congo, nous avons, en
effet, la chance d’être en présence d’une grande avancée textuelle et
institutionnelle sur base de laquelle nous pouvons juste revendiquer des
améliorations :
Plusieurs plateformes de la société civile ainsi que
le cadre de concertation de la société civile sont en place.
L’Autorité nationale de régulation de la poste et
des télécommunications (ARPTC) et l’Autorité de régulation des médias (CSAC) sont
aussi en place.
L’instance corporative d’autorégulation de la
profession journalistique est en place.
Ces atouts devraient déjà faciliter les actions
citoyennes à mener dans le cadre de l’appui à la bonne gouvernance de
l’internet, et tout particulièrement dans le cadre de l’amélioration de l’impact de la
tarification de l'Internet sur l'accès à l'information, liberté d'expression et
la liberté des médias en ligne.
Je voudrais attirer votre attention sur le fait que
ces actions citoyennes à mener ne pourront produire du fruit que si elles sont
tenues à travers des cadres réunissant un plus large consensus des
organisations de la société civile.
Je pense ici à une exigence préalable de
renforcement des plateformes existantes ou de la mise en place d’une initiative
toute nouvelle adaptée au contexte et à même de constituer un interlocuteur
crédible dans le cadre du dialogue avec les institutions qui disposent des
compétences dans le domaine de la gouvernance de l’internet au regard de la loi.
Le plus souvent, les actions citoyennes conduites
par des organisations de la société civile congolaise manquent de rayonnement
et du retentissement notamment à cause de leur caractère quasi isolé et non
concerté.
Ceci dit, l’autre condition ou l’autre préalable qui
me semble urgent à réaliser, c’est le renforcement des capacités
communicationnelles internes et externes au sein des organisations impliquées
dans les actions citoyennes.
Il est évident qu’une communication de qualité
renforce la visibilité des organisateurs et de leurs actions, elle renforce
leur crédibilité et peut largement contribuer à l’atteinte de bons résultats.
Je voudrais soulever un point de discussion à propos
du rôle de la corporation des professionnels des médias, parmi lesquels on trouve
de plus en plus des bloggeurs, des chroniqueurs en lignes, etc. et qui doivent
remplir toutes les conditions exigées pour exercer la profession de journaliste
au sens de la loi congolaise et des principes de référence établis à travers le
monde.
L’intérêt de cette question réside dans les
nouvelles attributions qui devraient revenir à la corporation et à l’instance
chargée de l’autorégulation professionnelle pour ce qui est des professionnels des
médias en ligne.
Cet intérêt n’élude en aucun cas les interventions
de l’ARPTC ni du CSAC qui ont un rôle évident à jouer dans ce domaine.
Là et ici aussi, le besoin du renforcement des
capacités textuelles s’en faut, en même temps que le renforcement
institutionnel des organes impliqués au mieux d’une profession toujours
organisée, efficace, crédible, partenaire à la construction de la démocratie et
au développement intégral du pays et au mieux du droit du public à
l’information par internet.
Finalement, si nous, organisations de la société
civile congolaise retrouvons les capacités techniques d’action et de
communications efficaces, pouvons être à la base de la mise en place d’un cadre
concerté impliquant nos propres organisations aux côtés des institutions
compétentes.
Ce cadre aura essentiellement pour missions
d’échanger des informations pertinentes sur la question de la gouvernance de
l’internet en République démocratique du Congo, d’évaluer les avancées et les
reculs afin de proposer des améliorations et des réajustements dans un
cadre tout à fait transparent et républicain.
Je plaide donc ici en faveur de la mise en place de
ce cadre concerté qui doit être exigé par les organisations de la société
civile et celles des médias aux fins d’une meilleure gouvernance de l’internet
en République démocratique du Congo.
C’est donc la seule action citoyenne qui me semble
urgente à ce jour et qui peut produire des effets durables et largement
bénéfiques pour tous les congolais et pour tous les autres citoyens qui vivent
en République démocratique du Congo.
Les autres actions ultérieures pourront consister au
suivi de sa mise en place, de son opérationnalisation et de son renforcement
régulier.
III. QUELLES
ACTIONS D’ORDRE LEGISLATIF ?
A priori, les actions législatives ne peuvent être
que du ressort du parlement et du gouvernement.
Cependant rien n’empêche les organisations de la
société civile et des médias à pouvoir être à la base d’initiatives de réformes
des textes.
J’en voudrais pour preuve le projet de loi sur la
liberté de presse, actuellement en discussion à l’assemblée nationale ainsi que
la loi d’accès à l’information déjà votée par les deux chambres du parlement et
qui attend d’être promulguée par le Chef de l’Etat.
Les deux initiatives viennent de nos organisations
de la société civile.
Les seules actions qui restent à faire pour leur
aboutissement consisteront en :
des plaidoyers,
en des lobbyings,
en des pétitions,
en des rencontres directes avec l’autorité législative,
en des rencontres avec d’autres partenaires
impliquées pour évaluer les parcours et améliorer les stratégies.
En dehors du suivi de ces initiatives existantes, il
me semble, comme je l’ai dit plus haut qu’il est aussi important de rechercher
l’amélioration du cadre juridique et institutionnel existant.
Je vois dans ce cadre la possibilité pour nos
organisations respectives d’être à la base de nouvelles lois visant à renforcer
la régulation des médias, notamment les médias en ligne et l’internet ;
question à ce jour, théoriquement logée dans la Loi organique du « Conseil
supérieur de l’audiovisuel et de la communication » (CSAC) et pour
laquelle il devient urgent de faire ressortir les aspects techniques afin
d’encadrer, de manière concrète l’action du régulateur des médias dans le
domaine de l’internet.
Il n’est pas non plus interdit aux organisations de
la société civile d’être à la base des directives de régulation pouvant
compléter les lacunes et les vides juridiques de la loi pour ce qui est de la
régulation des médias en ligne ou plus généralement de la gouvernance de
l’internet.
Une fois encore, un cadre concerté entre l’ARPTC qui
est l’autorité établie pour la régulation de ce domaine, le CSAC dans les
attributions de qui la régulation des médias en ligne loge ainsi que les
organisations de la société civile s’en faut.
C’est sur ce vœu que je souhaite m’arrêter et me
soumettre à vos critiques, commentaires et autres questions pouvant nous
permettre tous de nous approprier cette importante question de la gouvernance
de l’internet qui conditionnera très largement la qualité de notre vie de
demain, si il ne le fait déjà pas depuis de longues années.
Madame/Monsieur, Je vous remercie !
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L'auteur défend les libertés dans un pays en voie de devenir un Etat, une République et une Démocratie...