mardi 11 juin 2019

LES MECANISMES DE COLLABORATION ET DE DELEGATION DE POUVOIRS ENTRE LE GOUVERNEUR ET LES MINISTRES PROVINCIAUX

I.                    INTRODUCTION

Notre pays, la République démocratique du Congo (RDC) a, depuis 2006, opté pour la décentralisation comme mode de gestion du pouvoir politique en considérant qu’elle permet le mieux de rapprocher les décideurs politiques de leur population.

C’est dans ce cadre que le constituant, après le référendum populaire organisé en 2005, a :
-        réparti le pays en 26 provinces au lieu de 11 seulement qui existaient avant (article 2 de la constitution) ;
-        doté chacune de ces provinces de la personnalité juridique et d’une large autonomie de gestion (article 3 de la constitution et article 2 de la loi du 31 juillet 2008 sur la libre administration des provinces) ; et
-        doté chacune de ces provinces de deux institutions, à savoir : l’assemblée provinciale et le gouvernement provincial (article 195 de la constitution) dont la légitimité est assise sur le vote des populations dont elles ont la charge.

Je ne vais pas aborder les questions liées aux parlements provinciaux.

L’essentiel de mon intervention va tourner autour du fonctionnement interne des gouvernements provinciaux, particulièrement pour ce qui est des mécanismes de collaboration et de délégation de pouvoirs entre les gouverneurs et les ministres provinciaux.

Pour favoriser plus d’échanges et d’interactions entre nous et profiter du temps qui nous est donné, je serai très bref.

En effet, la nature de l’activité qui nous réunit, à savoir : une tribune d’expression populaire, voudrait à ce qu’il soit donné plus de temps de parole aux participants et que les intervenants ne soient que des encadreurs des échanges provoqués.

Revenons donc rapidement au sujet qui nous réunit ce jour et qui tourne autour des mécanismes qui régissent la collaboration et la délégation des pouvoirs entre les gouverneurs des provinces et les ministres provinciaux.

II.                 LA COLLABORATION ET LA DELEGATION DES POUVOIRS

L’article 198 de la constitution stipule entre autres que « le gouvernement provincial est composé d’un gouverneur, d’un vice-gouverneur et des ministres provinciaux ».

Il ajoute que « les ministres provinciaux sont désignés par le gouverneur au sein ou en dehors de l’assemblée provinciale » et que « le nombre de ministres provinciaux ne peut dépasser dix ».

Les modalités de collaboration entre eux sont prévues par la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces.

Cette loi affirme, à son article 22 que « le gouvernement provincial est l'organe exécutif de la province », bien entendu sous la direction du gouverneur de la province qui, au sens de l’article 27 de la même loi « organise la répartition des compétences entres les ministres provinciaux ».

La loi dit que « l'organisation et le fonctionnement du gouvernement provincial ainsi que la répartition des compétences entre les ministres provinciaux sont fixés par un arrêté du gouverneur délibéré en conseil des ministres ».

On peut affirmer qu’au sens de ces dispositions de la constitution et de la loi, la politique de chaque province doit être élaborée de manière consensuelle entre le gouverneur, le vice-gouverneur et les ministres provinciaux réunis dans le cadre d’un conseil de ministre.

On peut même affirmer que la mise en œuvre de la politique provinciale s’opère sur la base d’un consensus et d’une solidarité permanente entre tous les membres du gouvernement provincial.

L’incise « un arrêté du gouverneur délibéré en conseil des ministres » est éloquent à ce propos et rend chacun des membres du gouvernement provincial responsable de l’ensemble de la politique élaborée et adoptée en conseil des ministres.

Elle insinue non seulement ce consensus et cette solidarité, mais en même temps l’obligation qui incombe au gouverneur de province de consulter les ministres provinciaux sur la manière avec laquelle il entend organiser la gestion de la province.

Ainsi, la participation des ministres provinciaux à la création et à la répartition des compétences qu’ils sont appelés à assumer ultérieurement consacre la solidarité et l’union d’action qui doivent en tous temps caractériser le fonctionnement du gouvernement provincial.

Cette participation renforce aussi surtout les pouvoirs que disposent les ministres provinciaux qui, loin d’être de simples outils sous la main du gouverneur de province, sont de véritables bâtisseurs de la politique provinciale à la fois dans son élaboration et dans sa mise en œuvre.

Cette obligation qui incombe au gouverneur de la province tire sa source des dispositions constitutionnelles mais surtout des dispositions de l’article 29 de la loi du 31 juillet 2008 qui est relative aux principes de la libre administration des provinces.

Les dispositions dont il est question ici voudraient que le ministre provincial soit et demeure « responsable de son département ministériel » pendant que le gouverneur de province n’assume que le rôle de coordonnateur de l’action de son gouvernement.

C’est d’ailleurs en conséquence de cette responsabilité que cette même loi dispose que chaque ministre provincial « applique le programme du gouvernement provincial dans son ministère, sous la coordination et l'autorité du gouverneur de province ».

C’est aussi en conséquence de ces dispositions que la loi donne à chaque ministre provincial le pouvoir réglementaire dans son secteur. Les ministres provinciaux exercent cette attribution par voie d'arrêté.

Il est bien entendu que pour maintenir le consensus, la solidarité, l’unité de l’action du gouvernement provincial ainsi que l’unité de sa coordination « toutes les mesures réglementaires sont délibérées en conseil des ministres ».

III.               EN CONCLUSION

Bien que le gouverneur soit le chef de l’exécutif provincial et qu’il ait le droit de nommer et de révoquer ses ministres, on remarque tout de même combien le législateur insiste sur le caractère solidaire et sur l’union permanente que chaque gouvernement provincial doit observer dans le cadre de la gestion de toutes les affaires qui concerne la province.

C’est là d’ailleurs tout le sens de l’article 28 in fine de la loi ci-dessus qui dispose que « sans préjudice des pouvoirs propres qui lui sont dévolus par les lois et les règlements nationaux ou les édits provinciaux, le gouverneur agit par voie d'arrêté provincial délibéré en conseil des ministres. L'arrêté est contresigné par le ministre provincial chargé de son exécution ».

Nous devons ainsi retenir que les gouvernements provinciaux sont régis par les principes du consensus permanent, de la solidarité, de l’union de l’action et de l’union de la coordination.

Les ministres provinciaux acquièrent et exercent leurs attributions sur la base d’un arrêté du gouverneur de province. Cet arrêté est pris par ce dernier après qu’il ait été voté de manière consensuelle au cours d’un conseil des ministres.

Autant dire, avec risque de me répéter, mais pour une bonne compréhension, que les mécanismes de répartition et de délégation des attributions entre le gouverneur et ses ministres sont basés sur les principes ci-dessus :
-        le consensus dans l’élaboration de la politique provinciale ;
-        la solidarité dans la mise en œuvre de la politique provinciale ;
-        l’unité de l’action dans la mise en œuvre de la politique provinciale ; et
-        l’unité de la coordination de la politique provinciale tant dans son élaboration que dans sa mise en œuvre.


Je vous remercie !

_________________________________________ 
L'auteur défend les libertés dans un pays en voie de devenir un Etat, une République et une Démocratie...