mardi 27 janvier 2015

ECONOMIE DE LA CONVENTION INTERNATIONALE SUR LES DROITS DES PERSONNES HANDICAPEES, DE SON PROTOCOLE FACULTATIF ET DU GUIDE DES NATIONS UNIES A L’USAGE DES PARLEMENTAIRES

-  INTRODUCTION

Honorables Députés Nationaux,
Madame/Monsieur,
Distingués participants,

Les organisateurs des présentes assises m’ont demandé de vous entretenir pendant quelques minutes à propos de l’économie de la « Convention Internationale sur les droits des personnes handicapées », de son Protocole facultatif et sur le contenu du « Guide à l’usage des parlementaires », élaboré par les Nations Unies et l’Union interparlementaire en vue d’une meilleure protection et d’une promotion adéquate des droits des personnes handicapées.

Cet exercice s’inscrit, vous vous en doutez bien, dans un double objectif, à savoir :
-       contribuer à la vulgarisation de ces deux outils de première importance pour le législateur à qui incombe le premier devoir d’adapter la législation congolaise aux obligations contractées par le pays au niveau international ; et
-       sensibiliser le législateur sur les obligations internationales et nationales qui lui incombent dans le domaine de la mise en œuvre de ces deux outils dans son propre pays.

En considération du bref moment imparti à la présentation de cet exposé, nous avons fait le choix de nous limiter aux seules obligations qui incombent aux parlements et donc aux parlementaires en matière de protection et de promotion des droits des personnes handicapées en vertu de la Convention, du Protocole facultatif et du Guide.

II  -  DES OBLIGATIONS

La Convention, le Protocole facultatif et le Guide engagent les parlementaires à « adopter une loi nationale reprenant la teneur de la Convention[1] ou même l’intégralité de son texte en spécifiant que cette loi peut directement être invoquée devant les cours et tribunaux ».[2]

Il s’agit d’une obligation d’ordre générale, mais qui s’impose à l’endroit de tous les Etats notamment à travers le contrainte qui leur est faite d’élaborer annuellement leurs rapports nationaux sur l’état de la mise en œuvre de la Convention, de son Protocole facultatif et de les présenter devant l’organe conventionnel établi par les Nations Unies, qui est le « Comité des droits des personnes handicapées ».

En effet, le Protocole facultatif à la Convention établit dans le chef du « Comité » le droit de regard sur les efforts que fournissent les Etats pour la mise en œuvre des droits reconnus dans la Convention.

Son article 1er dispose à ce titre que « Tout État Partie reconnaît que le Comité des droits des personnes handicapées a compétence pour recevoir et examiner les communications (c’est à dire des plaintes ou des rapports situationnelles) présentées par des particuliers ou groupes de particuliers ou au nom de particuliers ou groupes de particuliers relevant de sa juridiction qui prétendent être victimes d’une violation par cet État Partie des dispositions de la Convention ».[3]

De ce fait, la République démocratique du Congo peut se voir trainée devant le Comité pour se justifier à propos d’une absence ou d’une faiblesse de protection et de promotion des droits des personnes handicapées sur son territoire, dans sa législation et dans ses politiques de manière générale.

Il échait ici de rappeler que la République démocratique du Congo a déjà adhéré à la Convention et à son Protocole.

Le 7 juillet 2013, le Président de la République a promulgué la loi n°13/024 autorisant l’adhésion du pays à la Convention relative aux droits des personnes handicapées et à son Protocole facultatif[4] et qu’à ce titre, ces deux textes qui ont besoin d’être mise en œuvre de manière concrète s’incorporent déjà dans sa législation interne de manière en vertu du principe moniste.

C’est en fait sur fond de menace de la sanction, la Convention va plus loin et engage les parlements à adopter des lois d’application supplémentaire pouvant aller jusqu’à « abroger des dispositions discriminatoires ou incomplètes de certaines lois existantes », à « compléter » ces dernières ou simplement à en « prendre de nouvelles lois » ; tout en veillant à ce que des groupes consultatifs ou des organisations spécialisées sur la question du handicap soient consultés et associés à l’ensemble de ce processus de discussions et de votes des lois.

En fait, une lecture empressée des dispositions de la Convention, du Protocole facultatif et du Guide peut laisser croire qu’en fait il s’agit, pour les Etats et pour leurs parlements respectifs d’une simple obligation de prendre des mesures interdisant toutes les formes de discrimination à l’endroit des personnes handicapées.

Bien au-delà de ces mesures qui peuvent paraitre purement formalistes et dépourvues de toutes sanctions matérielles, il s’agit véritablement des mesures pénalisant toutes formes de discriminations et qui peuvent instaurer des discriminations positives dans  tous les secteurs de la vie nationale.

Voilà d’ailleurs pourquoi limiter les droits des personnes handicapées à la seule participation à la vie de l’Etat à travers les institutions publiques, droit du reste consacré par l’article 29 de la Convention, devient caricatural et à la limite un acte de stigmatisation.

Stigmatisation, parce qu’il ne prend pas en compte les droits des personnes handicapées en âge mineur ni même des personnes handicapées n’ayant pas nécessairement les capacités physiques ou mentales suffisantes mais qui demeurent des personnes dont les droits doivent être promus et protégés de manière particulière, moins encore les personnes handicapées n’ayant pas été à l’école.

L’article 3 de la Convention pose huit principes clés qui doivent guider les interventions du législateur et d’autres institutions agissant dans le domaine en ces termes. Il s’agit :

1.       du respect de la dignité intrinsèque, de l’autonomie individuelle, de la liberté et de l’indépendance pour la personne handicapée de faire ses propres choix ;
2.      de la non-discrimination ;
3.      de la participation et de l’intégration pleines et effectives à la société ;
4.     du respect de la différence et de l’acceptation des personnes handicapées comme faisant partie de la diversité humaine et de l’humanité ;
5.      de l’égalité des chances ;
6.     de l’accessibilité ;
7.     de l’égalité entre les hommes et les femmes ;
8.     du respect du développement des capacités de l’enfant handicapé et du respect du droit des enfants handicapés à préserver leur identité.

Et avec plus de précision, l’article 4 de la Convention énumère les obligations à charge des Etats et de leurs parlements. La plus importante de ces obligations consiste à garantir et promouvoir le plein exercice de TOUS les droits de l’homme et de TOUTES les libertés fondamentales de toutes les personnes handicapées sans discrimination d’aucune sorte fondée sur le handicap, en :

-       adoptant toutes mesures appropriées d’ordre législatif, administratif ou autre pour mettre en œuvre les droits reconnus dans la Convention ;
-       prenant toutes mesures appropriées, y compris des mesures législatives, pour modifier, abroger ou abolir les lois, règlements, coutumes et pratiques qui sont source de discrimination envers les personnes handicapées ;
-       en prenant compte la protection et la promotion des droits de l’homme des personnes handicapées dans TOUTES les politiques et dans tous les programmes ;
-       en entreprenant et encourageant la recherche et le développement de biens, services, équipements et installations de conception universelle, selon la définition qui en est donnée à l’article 2 de la Convention, qui devraient nécessiter le minimum possible d’adaptation et de frais pour réponde aux besoins spécifiques des personnes handicapées, encourage l’offre et l’utilisation de ces biens, services, équipements et installations et encourage l’incorporation de la conception universelle dans le développement des normes et directives ;
-       en élaborant et en mettant en œuvre des lois et des politiques adoptées aux fins de l’application de la Convention.

III  -  DES DROITS SPECIFIQUES

Honorables Députés Nationaux,
Madame/Monsieur,
Distingués participants,


Il est évident qu’entre 2009 et 2013, notre pays a consenti d’énormes efforts pour consacrer, promouvoir et protéger les droits de la femme et de l’enfant. Plusieurs lois ont été prises dans ces deux domaines.

Force est de constater, cependant que les lois prises sur ces deux groupes spécifiques et généralement vulnérables n’intègrent pas encore la donne « handicap » ni la donne « santé » ni la donne « éducation ».

Une brèche est désormais ouverte à l’endroit des parlementaires par la Convention, le Protocole et le Guide qui fournissent les dispositions pertinentes à incorporer dans la législation, prenant en compte la donne « handicap » à l’égard de la femme et de l’enfant.[5]

A propos de la femme, l’article 6 de la Convention affirme que les États Parties reconnaissent que les femmes et les filles handicapées sont exposées à de multiples discriminations.

Qu’à ce propos « ils doivent prendre des mesures voulues pour leur permettre de jouir pleinement et dans des conditions d’égalité de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales ». Ils doivent, en outre prendre « toutes les mesures appropriées pour assurer le plein épanouissement, la promotion et l’autonomisation des femmes, afin de leur garantir l’exercice et la jouissance des droits de l’homme et des libertés fondamentales énoncés dans la présente Convention ».

Pour ce qui est des enfants, l’article 7 de la Convention engage les Etats et leurs parlement à :
-       prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir aux enfants handicapés la pleine jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales, sur la base de l’égalité avec les autres enfants ;
-       considérer primordialement l’intérêt supérieur de l’enfant handicapé dans toutes les décisions qui concernent les enfants en général ;
-       garantir à l’enfant handicapé, sur la base de l’égalité avec les autres enfants, le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité, et d’obtenir pour l’exercice de ce droit une aide adaptée à son handicap et à son âge.

IV  -  CONCLUSION

Si donc nous nous accordons que tel est le contenu des obligations qui incombent aux Etats et à leurs parlements, ou plus spécifiquement à leurs parlementaires, nous nous accordons donc sur le fait que la proposition de loi sur les droits des personnes handicapées en cours de discussion au parlement est d’une importance capitale.

Importance capitale pour consacrer, sur le plan national, les droits des personnes handicapées mais surtout pour les protéger et les promouvoir dans l’ensemble de la vie nationale : à travers les secteurs clés tels que l’école, la santé, le social et l’emploi.

De ce fait, puisque le seul article 49 de la Constitution[6] ne peut plus suffire pour motiver le vote et la promulgation de ce texte, il devient plus qu’urgent d’y considérer l’esprit et la lettre de la Convention et de son Protocole facultatif pour enrichir sa motivation.

A ce titre, la motivation du texte actuelle en discussion au parlement et qui traite des droits des personnes handicapées devra tenir en compte, en vertu de l’article 215 de la Constitution[7], non seulement les dispositions dudit article 49 mais aussi des dispositions pertinentes de la Convention afin de consacrer l’ensemble des droits des personnes handicapées et surtout de considérer l’ensemble des groupes des personnes concernées en même temps que les types d’handicaps établis.

 Honorables Députés Nationaux,
Madame/Monsieur,
Distingués participants,

Je vous remercie.

Fait à Kinshasa, le 09 décembre 2014
Maître Charles-M. MUSHIZI
Avocat à la Cour
Directeur du Centre d’Echanges pour des Réformes Juridiques et Institutionnelles (CERJI)
Consultant du Fonds National de Promotion et de Service Social (FNPSS)
Contacts : +243 810 516 908  -  charles.mushizi@gmail.com
http://charlesmushizi.blogspot.com


[1] Ce que le parlement peut faire pour que la Convention soit incorporée au droit interne, in « INCAPACITES - De l’exclusion à l’égalité. Réalisation des droits des personnes handicapées. Guide à l’usage des parlementaires : la Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif » Nº 14 — 2007, page 63
[2] Guide, page 63
[3] Lire à ce titre : Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, in « INCAPACITES - De l’exclusion à l’égalité. Réalisation des droits des personnes handicapées. Guide à l’usage des parlementaires : la Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif » Nº 14 — 2007, page 171
[4] Journal Officiel N°15 du 1ère Août 2013.
[5] Lire notamment « Rapport mondial sur le handicap », WHO/NMH/VIP/11.02, OMS et Banque Mondiale

[6] « La personne du troisième âge et la personne avec handicap ont droit à des mesures spécifiques de protection en rapport avec leurs besoins physiques, intellectuels et moraux.
L’Etat a le devoir de promouvoir la présence de la personne avec handicap au sein des institutions nationales, provinciales et locales.
Une loi organique fixe les modalités d’application de ce droit. »
[7] « Les traités et accords internationaux régulièrement conclus ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque traité ou accord, de son application par l’autre partie. »
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 L'auteur défend les libertés dans un pays en voie de devenir un Etat, une République et une Démocratie...