Par Charles-Mugagga MUSHIZI
Avocat
La clameur publique nous a finalement
habitués à croire en un caractère particulièrement emblématique du procès de l’honorable
Kamerhe.
Moi, je n’y crois pas.
La raison ? C’est un procès
théâtral qui est jalonné, visiblement de manière très consciente, de plusieurs erreurs
de forme (procédure) qu’il n’offre pas beaucoup de chances d’enrichir réellement
la jurisprudence pénale congolaise. Le politique y est très perceptible d’ailleurs.
Prévenu, à la barre ! Mais n’oubliez
pas de relever :
La première erreur de forme qui
jalonne le procès touche à la nature de l’acte de procédure qui a permis à
Kamerhe de comparaître dès le premier jour devant l’officier du ministère
public.
Pour appeler un justiciable à
comparaitre par devant lui, l’officier du ministère publique (magistrat du
parquet) décerne un mandat de comparution ou un mandat d’amener et non une
invitation qui n’a aucune base légale en droit pénal congolais.
Cette pratique, plutôt cette
exigence, est conforme aux dispositions de l’article 15 du code congolais de
procédure pénale ainsi qu’à la lettre et à l’esprit du code d’organisation et
de compétences judiciaires.
Cet article stipule en effet à son
alinéa 1er que « L’officier du ministère public peut décerner
mandat de comparution contre les auteurs présumés des infractions ». L’alinéa
2 ajoute qu’ « à défaut par l’intéressé de satisfaire à ce mandat,
l’officier du ministère public peut décerner contre lui un mandat d’amener ».
A la lecture de ces dispositions de
la loi, on constate que nulle part dans le code d’organisation et de compétence
judiciaire et nulle part dans le code de procédure pénale le législateur
congolais invoque la possibilité de faire comparaître un justiciable devant l’officier
du ministère public sur la base d’une invitation.
Le droit pénal étant de strictes
interprétation et application, la pratique au visa de laquelle le parquet
général de Matete a décerné une invitation pour faire comparaître Monsieur
Kamerhe s’avère illégale. Elle vicie si gravement la procédure.
La deuxième erreur qui vicie la
procédure consiste en l’abus par l’officier du ministère public de la bonne foi
du justiciable. Les principes généraux de droit appliqués en droit pénal en
République démocratique du Congo n’admettent pas que la bonne foi du
justiciable soit abusée.
En effet, lorsqu’il souhaite faire
comparaitre par devant lui un justiciable, le ministère public, comme relevé
ci-dessus est limité dans la nomenclature des procédures par lesquelles il doit
procéder.
Le ministère public n’est pas fondé
de recourir à la ruse ni à des manœuvres quelconques pour abuser de la bonne
foi d’un justiciable appelé à comparaître. Il ne peut pas non plus surprendre
le justiciable aux fins d’abuser de son ignorance.
Dans l’affaire Kamerhe, non
seulement qu’en violation des alinéas 1er et 2 du code de procédure
pénale, le magistrat a recouru à une procédure non prescrite, mais il a surtout
abusé de la bonne foi du concerné, le laissant croire en une invitation
courtoise aux fins d’un échange.
Ceci est d’autant établi que la
première invitation ne portait aucune mention sur la nature du dossier pour
lequel il était voulu au parquet général. Le dossier n’était ni une réquisition
d’information (RI) et ne portait aucun identifiant « RMP » (registre
du ministère public).
La pratique à laquelle a recouru le
parquet général a ainsi violé le droit de la défense du concerné, en cela qu’il
l’a pris par surprise à l’occasion avec une audition sur procès-verbal pendant
de longues heures et pour des faits dont il n’avait aucune connaissance. Séance
tenante et donc par surprise, le concerné a été pris de cours par le parquet
général.
Il est évident, d’un point de vue strictement
juridique, que le manque d’informations préalables sur la nature et sur le
contenu du dossier pour lequel il comparaissait a fait manquer à Monsieur
Kamerhe toute possibilité de structurer ses moyens de défense.
Les manœuvres quasi dolosives
auxquelles le parquet général a recouru pourraient ainsi donner lieu à une
procédure d’annulation de l’ensemble de la procédure menée par le parquet
général tout en laissant le juge recommencer son instruction, comme de droit,
ab ovo !
_________________________________________L'auteur défend les libertés dans un pays en voie de devenir un Etat, une République et une Démocratie...