I - INTRODUCTION
Honorables
Députés Nationaux,
Madame/Monsieur,
Distingués
participants,
Les
organisateurs des présentes assises m’ont demandé de vous entretenir pendant
quelques minutes à propos de l’économie de la « Convention Internationale sur les droits
des personnes handicapées », de son Protocole facultatif et sur le contenu
du « Guide à l’usage des parlementaires », élaboré par les
Nations Unies et l’Union interparlementaire en vue d’une meilleure protection
et d’une promotion adéquate des droits des personnes handicapées.
Cet
exercice s’inscrit, vous vous en doutez bien, dans un double objectif, à
savoir :
-
contribuer
à la vulgarisation de ces deux outils de première importance pour le
législateur à qui incombe le premier devoir d’adapter la législation congolaise
aux obligations contractées par le pays au niveau international ; et
-
sensibiliser
le législateur sur les obligations internationales et nationales qui lui
incombent dans le domaine de la mise en œuvre de ces deux outils dans son propre
pays.
En
considération du bref moment imparti à la présentation de cet exposé, nous avons
fait le choix de nous limiter aux seules obligations qui incombent aux
parlements et donc aux parlementaires en matière de protection et de promotion
des droits des personnes handicapées en vertu de la Convention, du Protocole
facultatif et du Guide.
II - DES OBLIGATIONS
La
Convention, le Protocole facultatif et le Guide engagent les parlementaires à
« adopter une loi nationale reprenant la teneur de la Convention[1] ou même
l’intégralité de son texte en spécifiant que cette loi peut directement être
invoquée devant les cours et tribunaux ».[2]
Il
s’agit d’une obligation d’ordre générale, mais qui s’impose à l’endroit de tous
les Etats notamment à travers le contrainte qui leur est faite d’élaborer
annuellement leurs rapports nationaux sur l’état de la mise en œuvre de la
Convention, de son Protocole facultatif et de les présenter devant l’organe
conventionnel établi par les Nations Unies, qui est le « Comité des droits
des personnes handicapées ».
En effet, le Protocole facultatif à la Convention établit
dans le chef du « Comité » le droit de regard sur les efforts que
fournissent les Etats pour la mise en œuvre des droits reconnus dans la
Convention.
Son article 1er dispose à ce titre que « Tout État Partie reconnaît que le Comité des droits des
personnes handicapées a compétence pour recevoir et examiner les communications
(c’est à dire des plaintes ou des rapports situationnelles) présentées par des
particuliers ou groupes de particuliers ou au nom de particuliers ou groupes de
particuliers relevant de sa juridiction qui prétendent être victimes d’une
violation par cet État Partie des dispositions de la Convention ».[3]
De ce fait, la
République démocratique du Congo peut se voir trainée devant le Comité pour se
justifier à propos d’une absence ou d’une faiblesse de protection et de
promotion des droits des personnes handicapées sur son territoire, dans sa
législation et dans ses politiques de manière générale.
Il
échait ici de rappeler que la République démocratique du Congo a déjà adhéré à
la Convention et à son Protocole.
Le
7 juillet 2013, le Président de la République a promulgué la loi n°13/024
autorisant l’adhésion du pays à la Convention relative aux droits des personnes
handicapées et à son Protocole facultatif[4]
et qu’à ce titre, ces deux textes qui ont besoin d’être mise en œuvre de
manière concrète s’incorporent déjà dans sa législation interne de manière en
vertu du principe moniste.
C’est
en fait sur fond de menace de la sanction, la Convention va plus loin et engage
les parlements à adopter des lois d’application supplémentaire pouvant aller
jusqu’à « abroger des dispositions discriminatoires ou incomplètes de
certaines lois existantes », à « compléter » ces dernières ou
simplement à en « prendre de nouvelles lois » ; tout en veillant
à ce que des groupes consultatifs ou des organisations spécialisées sur la
question du handicap soient consultés et associés à l’ensemble de ce processus
de discussions et de votes des lois.
En
fait, une lecture empressée des dispositions de la Convention, du Protocole
facultatif et du Guide peut laisser croire qu’en fait il s’agit, pour les Etats
et pour leurs parlements respectifs d’une simple obligation de prendre des
mesures interdisant toutes les formes de discrimination à l’endroit des
personnes handicapées.
Bien
au-delà de ces mesures qui peuvent paraitre purement formalistes et dépourvues
de toutes sanctions matérielles, il s’agit véritablement des mesures pénalisant
toutes formes de discriminations et qui peuvent instaurer des discriminations
positives dans tous les secteurs de la
vie nationale.
Voilà
d’ailleurs pourquoi limiter les droits des personnes handicapées à la seule
participation à la vie de l’Etat à travers les institutions publiques, droit du
reste consacré par l’article 29 de la Convention, devient caricatural et à la
limite un acte de stigmatisation.
Stigmatisation,
parce qu’il ne prend pas en compte les droits des personnes handicapées en âge
mineur ni même des personnes handicapées n’ayant pas nécessairement les
capacités physiques ou mentales suffisantes mais qui demeurent des personnes
dont les droits doivent être promus et protégés de manière particulière, moins
encore les personnes handicapées n’ayant pas été à l’école.
L’article 3 de la Convention pose huit
principes clés qui doivent guider les interventions du législateur et d’autres
institutions agissant dans le domaine en ces termes. Il s’agit :
1.
du respect de la dignité intrinsèque, de
l’autonomie individuelle, de la liberté et de l’indépendance pour la personne
handicapée de faire ses propres choix ;
2.
de la non-discrimination ;
3.
de la participation et de l’intégration
pleines et effectives à la société ;
4.
du respect de la différence et de l’acceptation
des personnes handicapées comme faisant partie de la diversité humaine et de l’humanité
;
5.
de l’égalité des chances ;
6.
de l’accessibilité ;
7.
de l’égalité entre les hommes et les femmes
;
8.
du respect du développement des capacités
de l’enfant handicapé et du respect du droit des enfants handicapés à préserver
leur identité.
Et avec plus de précision, l’article 4 de
la Convention énumère les obligations à charge des Etats et de leurs
parlements. La plus importante de ces obligations consiste à garantir et
promouvoir le plein exercice de TOUS les droits de l’homme et de TOUTES les
libertés fondamentales de toutes les personnes handicapées sans discrimination d’aucune
sorte fondée sur le handicap, en :
- adoptant toutes mesures appropriées d’ordre législatif, administratif
ou autre pour mettre en œuvre les droits reconnus dans la Convention ;
- prenant toutes mesures appropriées, y compris des mesures législatives,
pour modifier, abroger ou abolir les lois, règlements, coutumes et pratiques
qui sont source de discrimination envers les personnes handicapées ;
- en prenant compte la protection et la promotion des droits de l’homme
des personnes handicapées dans TOUTES les politiques et dans tous les
programmes ;
- en entreprenant et encourageant la recherche et le développement
de biens, services, équipements et installations de conception universelle, selon
la définition qui en est donnée à l’article 2 de la Convention, qui devraient
nécessiter le minimum possible d’adaptation et de frais pour réponde aux
besoins spécifiques des personnes handicapées, encourage l’offre et
l’utilisation de ces biens, services, équipements et installations et encourage
l’incorporation de la conception universelle dans le développement des normes
et directives ;
- en élaborant et en mettant en œuvre des lois et des politiques adoptées
aux fins de l’application de la Convention.
III - DES DROITS SPECIFIQUES
Honorables
Députés Nationaux,
Madame/Monsieur,
Distingués
participants,
Il est évident qu’entre 2009 et 2013, notre
pays a consenti d’énormes efforts pour consacrer, promouvoir et protéger les
droits de la femme et de l’enfant. Plusieurs lois ont été prises dans ces deux
domaines.
Force est de constater, cependant que les
lois prises sur ces deux groupes spécifiques et généralement vulnérables
n’intègrent pas encore la donne « handicap » ni la donne
« santé » ni la donne « éducation ».
Une brèche est désormais ouverte à
l’endroit des parlementaires par la Convention, le Protocole et le Guide qui
fournissent les dispositions pertinentes à incorporer dans la législation,
prenant en compte la donne « handicap » à l’égard de la femme et de
l’enfant.[5]
A propos de la femme, l’article 6 de la
Convention affirme que les États Parties reconnaissent que les femmes et les
filles handicapées sont exposées à de multiples discriminations.
Qu’à ce propos « ils doivent prendre
des mesures voulues pour leur permettre de jouir pleinement et dans des conditions
d’égalité de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales ».
Ils doivent, en outre prendre « toutes les mesures appropriées pour
assurer le plein épanouissement, la promotion et l’autonomisation des femmes,
afin de leur garantir l’exercice et la jouissance des droits de l’homme et des libertés
fondamentales énoncés dans la présente Convention ».
Pour ce qui est des enfants, l’article 7 de la Convention engage
les Etats et leurs parlement à :
- prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir aux enfants
handicapés la pleine jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les
libertés fondamentales, sur la base de l’égalité avec les autres enfants ;
- considérer primordialement l’intérêt supérieur de l’enfant
handicapé dans toutes les décisions qui concernent les enfants en
général ;
- garantir à l’enfant handicapé, sur la base de l’égalité avec les
autres enfants, le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question
l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu
égard à son âge et à son degré de maturité, et d’obtenir pour l’exercice de ce
droit une aide adaptée à son handicap et à son âge.
IV - CONCLUSION
Si donc nous nous accordons que tel est le contenu des
obligations qui incombent aux Etats et à leurs parlements, ou plus
spécifiquement à leurs parlementaires, nous nous accordons donc sur le fait que
la proposition de loi sur les droits des personnes handicapées en cours de
discussion au parlement est d’une importance capitale.
Importance capitale pour consacrer, sur le plan national, les
droits des personnes handicapées mais surtout pour les protéger et les
promouvoir dans l’ensemble de la vie nationale : à travers les secteurs
clés tels que l’école, la santé, le social et l’emploi.
De ce fait, puisque le seul article 49 de la Constitution[6]
ne peut plus suffire pour motiver le vote et la promulgation de ce texte, il devient
plus qu’urgent d’y considérer l’esprit et la lettre de la Convention et de son
Protocole facultatif pour enrichir sa motivation.
A ce titre, la motivation du texte actuelle en discussion au
parlement et qui traite des droits des personnes handicapées devra tenir en
compte, en vertu de l’article 215 de la Constitution[7],
non seulement les dispositions dudit article 49 mais aussi des dispositions
pertinentes de la Convention afin de consacrer l’ensemble des droits des
personnes handicapées et surtout de considérer l’ensemble des groupes des
personnes concernées en même temps que les types d’handicaps établis.
Honorables Députés Nationaux,
Madame/Monsieur,
Distingués
participants,
Je vous remercie.
Fait à Kinshasa, le 09 décembre 2014
Maître Charles-M. MUSHIZI
Avocat à la Cour
Directeur du
Centre d’Echanges pour des Réformes Juridiques et Institutionnelles (CERJI)
Consultant du
Fonds National de Promotion et de Service Social (FNPSS)
http://charlesmushizi.blogspot.com
[1] Ce que le parlement peut faire pour que la
Convention soit incorporée au droit interne, in « INCAPACITES
- De l’exclusion à l’égalité. Réalisation des droits des personnes handicapées. Guide à
l’usage des parlementaires : la Convention relative aux droits des personnes
handicapées et son Protocole facultatif »
Nº 14 — 2007, page 63
[2] Guide, page 63
[3] Lire à ce
titre : Protocole facultatif se
rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, in « INCAPACITES - De
l’exclusion à l’égalité. Réalisation des droits des personnes
handicapées. Guide à l’usage des parlementaires : la Convention relative
aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif » Nº 14 — 2007,
page 171
[5] Lire notamment
« Rapport mondial sur le
handicap », WHO/NMH/VIP/11.02, OMS et Banque Mondiale
[6]
« La personne du troisième âge et la
personne avec handicap ont droit à des mesures spécifiques de protection en
rapport avec leurs besoins physiques, intellectuels et moraux.
L’Etat a le devoir de promouvoir la
présence de la personne avec handicap au sein des institutions nationales,
provinciales et locales.
Une loi
organique fixe les modalités d’application de ce droit. »
[7] « Les traités et accords internationaux
régulièrement conclus ont, dès leur publication, une autorité supérieure à
celle des lois, sous réserve pour chaque traité ou accord, de son application
par l’autre partie. »
L'auteur défend les libertés dans un pays en voie de devenir un Etat, une République et une Démocratie...