Nouveau livre publié par Maître
Charles-M. MUSHIZI
PRÉFACE
Par Monsieur David Mugnier
Suite à la
victoire, fin 2013, de l’armée congolaise et de la Mission des Nations Unies au
Congo (MONUSCO) sur la rébellion du M23, les chances de voir la paix revenir
durablement sur l’ensemble du territoire Congolais n’ont jamais été aussi
grandes depuis deux décennies. Même si la situation demeure précaire et
l’avenir semé d’embûches, la RDC est, espérons-le, en train de progressivement
tourner la page des conflits pour s’engager sur celle de la reconstruction et
de la réconciliation nationale.
Pour y parvenir,
de nombreux défis sécuritaires, économiques et politiques restent, évidemment,
à relever. Parmi ceux-ci, l’importance de la lutte contre l’impunité et de la
réconciliation nationale ne doit pas être sous-estimée. Pour aider les victimes
des conflits à se reconstruire et éviter que les horreurs du passé ne viennent hanter
et compromettre le redressement du pays, il est indispensable que la RDC mette
en place, comme d’autres États avant elle, des mécanismes de justice transitionnelle
adaptés au contexte local, provincial et national.
Pour ce faire,
l’appui de la communauté internationale reste important. Mais, rien de durable
ne se fera sans la volonté des responsables politiques nationaux, la
mobilisation de la société civile et, surtout, sans une appropriation des
enjeux et problématiques de la justice transitionnelle au niveau des
communautés de base et de la population.
C’est pourquoi
on ne peut que saluer la parution, en cette d’année 2014, de l’ouvrage de
Maître Charles-M Mushizi sur la justice transitionnelle.
L’auteur, qui
travaille sur cette question depuis plusieurs années offre, en effet, aux
lecteurs congolais un essai exhaustif et accessible sur le sujet.
Dans un premier
chapitre, il retrace les débats théoriques permettant de comprendre ce que
recouvre la notion. Écartant l’idée d’une justice adaptée aux périodes de
transition, il retient une définition centrée sur les finalités spécifiques de
ce processus, à savoir : rendre la justice, rechercher l’expression de la
vérité, obtenir réparation pour les victimes, engager des réformes
institutionnelles et favoriser la réconciliation et la prévention des conflits.
Dans le second
chapitre, l’auteur présente de façon détaillée et pédagogique les options déjà
mises en oeuvre, de par le monde, afin de mener à bien un exercice de justice
transitionnelle.
Il étudie, tout
d’abord, les options qui permettraient d’engager des poursuites judiciaires à
l’encontre des auteurs des violations graves des droits de l’homme (DH) et du
droit international humanitaire (DIH), à savoir 1) la saisine des juges
nationaux dont l’auteur rappelle qu’ils peuvent faire usage de la compétence
universelle pour juger toute personne suspectée d’avoir commis des violations
graves des DH et du DIH, sans considération de sa nationalité ni des immunités
auxquelles lui donne droit sa fonction ; 2) la saisine de la Cour Pénale
Internationale; 3) la création d’un Tribunal pénal international ; 4) la mise
en place de juridictions mixtes ou de chambres spécialisés mixtes. Il consacre,
ensuite, de longs développements à l’analyse des mécanismes de recherche et
d’expression de la vérité dont l’importance n’est plus à démontrer. Sans
établissement des faits, les poursuites, les réparations, les réformes
institutionnelles et les exercices de réconciliation risquent, en effet, de ne
jamais voir le jour.
La présentation
très détaillée qu’il fait de l’expérience marocaine est particulièrement riche
d’enseignements pour la RDC car elle montre le rôle capital joué par la société
civile locale dans la conservation de la mémoire des violations, même lorsque
le pouvoir politique refuse la création d’une commission officielle
d’établissement de la vérité.
L’auteur se
penche, également, sur la question complexe des réparations à envisager en
faveur des victimes. Il rappelle le débat existant entre partisans et
adversaires des réparations collectives et présente, en détail, les différentes
mesures envisageables, en soulignant l’importance des consultations préalables
de la population locale et la nécessité de tenir compte des spécificités liées
à l’âge et au genre des bénéficiaires.
L’auteur
présente, ensuite, de façon fouillée, les différentes réformes à mener afin
d’améliorer le fonctionnement des services de sécurité et de la justice. Il
note l’intérêt qu’il y a à mettre en place des commissions chargées d’écarter
des services de sécurité les personnes impliquées dans les violations des DH et
du DIH afin que la population puisse retrouver confiance dans les institutions
et obtienne des garanties en matière de non répétition des violations.
L’auteur analyse
aussi longuement ce qu’il qualifie d’exercices transversaux, c’est-à-dire les
mesures et processus complémentaires destinés à consolider le retour de la paix
: on retiendra notamment les pages consacrées aux cérémonies traditionnelles
inspirées des traditions locales africaines ainsi que les actions destinées à
préserver la mémoire d’un passé douloureux.
De cet exposé,
il ressort clairement qu’un processus de réconciliation est toujours un
exercice long et incertain qui, pour avoir une chance d’aboutir doit être
enraciné dans le contexte local et conduit par les personnes et les communautés
les plus directement concernées.
Pour finir,
l’auteur s’intéresse dans son pays d’amnisties et prend directement position
dans le débat en cours sur le sujet. Il rappelle, à juste titre, qu’une
amnistie est, à la fois, une décision inacceptable mais inévitable, sous
réserve qu’elle respecte certaines conditions comme : la mise à l’écart de son
champ d’application des crimes de génocide, des crimes de guerre, des crimes
contre l’humanité, des crimes d’enrôlement d’enfants soldats, des viols et
violences sexuelles et des crimes de détournement des fonds publics ; l’octroi,
comme en Afrique du Sud, d’une amnistie aux seules personnes ayant dit toute la
vérité sur les crimes commis sous réserve qu’un lien ait pu été établi entre le
crime et la situation spécifique dans laquelle il a été commis (conflit, régime
politique) ; l’obligation pour le délinquant de payer des dommages-intérêts à
la victime.
L’auteur
consacre son troisième et dernier chapitre aux défis de la justice
transitionnelle en RDC. Il y récence les contraintes et obstacles de toute sorte
qui entravent la mise en oeuvre des principaux mécanismes et dresse un bilan
critique des mesures déjà prises en faveur de la lutte contre l’impunité et de
la réconciliation.
Au
terme de la lecture de l’ouvrage, on ne peut que former le vœu que ce livre
accompagne les efforts de tous ceux qui souhaitent faire avancer la cause de la
justice et de la paix en RDC et que tous les Congolais puissent y trouver
matière à inspiration, réflexion et encouragement, malgré l’ampleur de la tâche
restant à accomplir.
David
Mugnier
Ancien Analyste
Politique du Projet Mapping
et Ancien
Directeur du « Projet Profiling »
Des
Nations Unies en République démocratique du Congo
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L'auteur défend les libertés dans un pays en voie de devenir un Etat, une République et une Démocratie...