La quête de vérité sur les crimes commis en République démocratique du Congo (RDC) reste entière, particulièrement en Ituri, une région du nord-est du pays qui, pendant des années, a été le champ des exactions et de violations massives des droits de l’Homme demeurées impunies. Et plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) croient toujours que ces crimes restés impunis pourraient constituer un nouveau point de déclenchement d’éventuelles vengeances des victimes.
Gilbert Tandia, défenseur des droits de l’Homme et spécialiste congolais dans le domaine de la transformation des conflits (en processus de paix), considère que «le lancement d’un forum du même genre que le processus 'Amani' (qui signifie «paix» en swahili), lancé en janvier 2008 pour le rétablissement de la paix dans les deux provinces du Nord et du Sud Kivu dans l’est de la RDC, aiderait les populations locales à vivre plus harmonieusement et à favoriser un développement local». «Pour des raisons de mémoire collective, face aux incapacités du système congolais de justice», Tandia estime qu’«à défaut d’une Commission vérité, il faut mettre en place ce mécanisme qui aiderait la population à s’exprimer et à établir en place la vérité à sa propre manière, puisqu’il aiderait les personnes à parler librement, comme en famille, des faits dont elles ont été auteurs ou victimes pour donner place à la réconciliation».
Ce point de vue est partagé par Jean Claude Sady, activiste au sein du Conseil des confessions religieuses d’Ituri (CCRI), qui nuance ses propos, affirmant qu’il «est même souhaitable d’avoir une Commission vérité et réconciliation (CVR) taillée aux spécificités de l’Ituri puisqu’il y a une nécessité de vérité sur ce qui s’y est réellement passé pendant des années». Innocent Mayembe, major de l’armée congolaise et président du tribunal de garnison militaire d’Ituri, est un des rares acteurs judiciaires qui soutient cette proposition. Pour lui, «il est important de mettre en place une plateforme de réconciliation qui impliquerait tous les décideurs politiques d’Ituri afin de lutter contre la méfiance des uns par rapport aux autres».
Une méfiance qui, souligne-t-il, «est la potentialité d’affrontements ultérieurs». Mais pour ce magistrat militaire, «en lieu et place du processus Amani qui n’a pas encore abouti aux résultats espérés depuis plus d’une année, une Commission vérité serait meilleure, notamment pour les crimes commis entre 1998 et 2008 par des milices locales et les troupes de certains pays voisins de la RDC». Par exemple, entre 1998 et 2001, Ituri a ployé sous les bottes de plusieurs milices dont certains chefs sont aujourd’hui déférés devant la Cour pénale internationale (CPI) comme Thomas Lubanga, président de l'Union des patriotes congolais (UPC) qu'il a créée en 2001, Mathieu Ngudjolo, ancien dirigeant du Front des nationalistes et intégrationnistes (FNI) et aujourd’hui colonel de l'armée nationale du gouvernement de la RDC, et bien d’autres. Le président de la RDC, Joseph Kabila, a déjà tranché sur le choix du mécanisme auquel il entend faire recours pour «donner des réponses aux demandes de justice formulées par les victimes des ces exactions».
Dans une interview au 'New York Times' le 4 avril, Kabila estime que la RDC «va bien avoir la justice en premier... la Commission vérité et réconciliation (CVR) pourrait venir après...» Et pour rappeler l’échec qu’à connu la CVR, il estime que la RDC ne peut «pas entreprendre des actions ou initiatives qui la ramèneraient à l'endroit où elle était hier ou avant-hier». En effet, à l’issue du dialogue inter-congolais qui s’est tenu en 2002 en Afrique du Sud sous la modération de l’ancien président Nelson Mandela, la RDC avait mis en place une CVR «dont le résultat a été un cuisant échec», selon Raphaël Nyabirungu, professeur de droit dans plusieurs universités congolaises et avocat principal au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).
La Commission vérité et réconciliation en RDC n’a su ouvrir le moindre dossier au bout de ses trois ans de vie, selon des organisations de la société civile congolaise. En dehors du major Mayembe, un autre magistrat interrogé par IPS, Fidèle Sindani Kabamba, président du tribunal de grande instance d’Ituri, estime que «le seul mécanisme capable de rétablir la vérité sur les crimes commis en Ituri est la justice». Pour lui, «il faut d’abord utiliser la justice répressive pour qu’avec sa force de dissuasion et d’intimidation, aucune personne de l’une ou de l’autre tribu - il en existe 18 en Ituri - ne soit à la base de nouvelles tueries ou des violations des droits de l’Homme». La problématique de la vérité sur Ituri demeure donc entière.
Dans leurs rapports, plusieurs ONG congolaises parmi lesquelles «Justice plus» et «Groupe lotus», basées en Ituri, affirment que «La justice congolaise n’a pas des capacités d’établir cette vérité à cause de ses insuffisance». Mais, le président Kabila persiste et signe : «La justice congolaise est indépendante et capable de donner des réponses aux victimes des crimes qui ont été commis en Ituri». Il a fait cette dernière déclaration dans l’interview donnée en avril au quotidien américain à Kinshasa, la capitale congolaise.
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L'auteur défend les libertés dans un pays en voie de devenir un Etat, une République et une Démocratie...
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