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jeudi 5 mars 2009

Campagne des MSF contre les violences sexuelles en RDC


MARS - MOIS DE LA FEMME : ALERTE ET MESSAGE DES MEDECINS SANS FRONTIERES


La prise en charge des victimes de violences sexuelles URN 46917

Dans ses différents projets au Kivu, MSF propose aux victimes de violences sexuelles un traitement médical qui repose essentiellement sur la prévention. Il s’agit tout d’abord du traitement prophylactique contre le VIH/sida. Mais le traitement antirétroviral doit être administré dans les 72 heures suivant l’agression car il perd de son efficacité au-delà de trois jours. Et il doit être pris durant quatre semaines.
De plus, des vaccins sont donnés pour prévenir le risque d’infection par l’hépatite B et le tétanos. Si les infirmières consultantes estiment que la victime a pu contracter des infections sexuellement transmissibles (chlamydia, syphilis et gonorrhée), elles prescrivent un traitement aux antibiotiques.
Autre conséquence possible d’un viol, une grossesse non désirée qui peut être évitée avec la pilule dite du lendemain. En fait, cette pilule a son efficacité maximum pendant les trois jours suivant l’agression, ensuite son efficacité est moindre jusqu’à cinq jours.
Une seule consultation est cependant insuffisante. Le traitement proposé nécessite un suivi. Les patientes doivent revenir pour recevoir les doses suivantes des vaccins contre le tétanos et l’hépatite B. Il est aussi important de voir si elles ne souffrent pas d’effets secondaires à l’issue du traitement antirétroviral.
Enfin, si le viol a provoqué des blessures et des lésions ou s’il a été accompagné de coups, ces traumatismes sont soignés par une équipe médicale et chirurgicale.
Toute cette prise en charge est faite dans un environnement psychologique adapté. Les infirmières sont dans une écoute empathique et veillent à la stricte confidentialité de la consultation.
Il arrive qu’un soutien social soit nécessaire lorsque les femmes sont rejetées par leur mari ou leur communauté. Elles se retrouvent alors sans ressources ou sans abri. Dans ce domaine, MSF en tant qu’organisation humanitaire médicale, ne peut que jouer un rôle limité. Une collaboration avec d’autres ONG menant éventuellement en œuvre des programmes de réinsertion permet alors d’apporter des réponses.
Autre volet de l’aide apportée par MSF, le certificat médical. C’est une pièce essentielle à joindre au dossier, quand un(e) patient(e) veut poursuivre en justice l’auteur de l’agression. Le personnel de santé met par écrit dans ce certificat, strictement confidentiel, les conclusions de l’examen clinique effectué suite à l’agression.
Les différents éléments de ces programmes de soins pour les victimes de violences sexuelles n’ont naturellement un sens que si l’information est bien diffusée. Les populations doivent savoir où ces traitements sont offerts. Et être informées de la nécessité de venir dans les 72 heures suivant l’agression pour pouvoir recevoir le traitement prophylactique contre le sida.
Aussi les équipes de MSF transmettent-elles ce message systématiquement lorsqu’elles se déplacent pour donner des consultations dans des villages ou des camps de déplacés. Elles ont aussi recours à des relais communautaires, des personnes dont la position sociale leur permet de communiquer à l’ensemble de leur communauté. L’information sur les programmes pour les victimes de viol est parfois aussi donnée à l’église ou dans des écoles. Enfin des messages de sensibilisation sont diffusés à la radio. Et l’information finit par toucher les milliers de personnes qui ont besoin de soins après un viol.



ILLUSTRATIONS


C’était un jour de janvier. A. marchait sur la route. Elle rentrait chez elle quand deux hommes armés, portant un uniforme militaire, lui ont demandé de coucher avec eux. Comme elle refusait, ils l’ont soumise par la force et l’ont violée tous les deux. Après, elle est rentrée chez elle et l’a dit à son mari. Celui-ci lui a répondu qu’il ne dormirait pas avec elle tant qu’elle n’aurait pas reçu de traitement. Elle est alors venue au centre MSF de Nyanzale où une infirmière la reçoit en consultation.


ILLUSTRATION


E. a été violée deux fois. La première fois, c’était par deux hommes armés dans un champ à l’extérieur du village. Usant de la force, ils l’avaient obligée à avoir des rapports sexuels avec eux. A la suite de cela, elle était allée dans un centre de MSF pour recevoir des soins. Et le 28 janvier, c’est arrivé une deuxième fois à 10 heures du matin. Un homme armé en uniforme l’a forcée à aller dans la brousse où il l’a brutalisée et violée. Tout de suite après elle est rentrée chez elle. Mais elle n’osait pas en parler à ses parents. Finalement elle a eu le courage de leur dire. Ses parents lui ont alors conseillé d’aller se faire soigner au centre de MSF. Elle y est allée. Et elle reconnaît que cela lui a fait du bien de pouvoir parler de son agression. Elle espère se marier un jour.

ITV de Romain Gitenet sur les VVS au Kivu – février 2009

- Les violences sexuelles exercées contre les populations sont-elles directement liées au conflit qui sévit au Kivu depuis des années ?
- Les populations civiles sont les premières victimes des affrontements armés. Diverses formes de violence sont exercées contre elles. Pendant les périodes de combats intenses, il y a des blessés par balle. Mais le viol reste la forme de violence la plus commune à laquelle sont directement exposées les populations civiles, au même titre que les pillages. Le viol est très répandu pour différentes raisons. Les combattants veulent se servir, ils prennent des femmes comme ils viennent voler de la nourriture. Les femmes sont traitées comme un butin. D’autres agresseurs agissent en représailles. Les populations vivant dans une zone géographique donnée sont souvent assimilées au groupe armé qui contrôle cette zone. Et lorsque les combattants d’un camp adverse lancent une attaque pour s’emparer de cette zone, il considèrent les habitants comme des agents de l’ennemi.
Oui, le viol est clairement lié au conflit. Car ce sont des hommes en armes qui commettent la plupart des viols. Qu’ils appartiennent à telle ou telle faction armée, cela ne fait aucune différence. A cela s’ajoute le problème de l’impunité et de la déstructuration du tissu juridique. Car les agresseurs qui sont des civils, ont des armes et commettent ce crime en toute impunité, le plus souvent.

- A-t-on une idée de l’ampleur du phénomène des viols au Kivu ?
- Ce phénomène est très difficile à quantifier. A MSF, nous avons une vision claire du nombre de personnes que l’on soigne, mais pas de la totalité des viols dans la région. En 2008, les équipes MSF ont pris en charge dans quatre programmes du Nord Kivu, 4 663 victimes de violences sexuelles, des femmes dans leur immense majorité. C’est énorme. Mais ce n’est qu’une fraction parce qu’un grand nombre de victimes ne viennent pas faire se soigner. Pour aller à un centre de soins MSF, la femme qui a été violée doit expliquer à son mari ou à sa famille pourquoi elle doit se déplacer loin de chez elle. Et souvent elle ne le dira pas, de peur d’être stigmatisée et rejetée par la communauté. Il y a aussi ces femmes qui voudraient recevoir un traitement, mais ne viennent pas parce que la distance à parcourir est trop grande ou qu’elles risquent de se faire attaquer en chemin

- A-t-on constaté une augmentation du nombre de viols ?
- Nous pourrions être tentés de le dire au vu des statistiques. Les données sur 2006, 2007 et 2008 font apparaître une courbe ascendante. Mais plusieurs facteurs s’imbriquent et faussent toute interprétation. Plus de femmes viennent se faire soigner dans nos programmes très certainement parce que nous sommes mieux implantés, que nous faisons une sensibilisation plus pertinente et que nos programmes sont mieux connus. Nous nous efforçons en effet d’informer la population sur la prise en charge que nous offrons.
La violence et le viol sont une constante au Nord Kivu, au Sud Kivu… depuis des années. C’est pourquoi nous avons mis des structures en place à Rutshuru, à Nyanzale, à Kabizo et plus récemment à Kayna pour offrir un traitement médical aux victimes de violences sexuelles.
Ceci dit, dans la zone de Nyanzale, le viol est tellement répandu qu’il est maintenant moins stigmatisant pour les femmes. Dans la plupart des autres zones, le viol reste tabou. Dans l’esprit des gens, c’est une honte, une salissure. La personne violée n’est pas perçue comme une victime. Dans l’esprit du mari ou de la famille, c’est de la faute de la femme. Ils pensent qu’elle aurait dû se débattre et plutôt mourir que porter cette salissure.

- Qui prend en charge ces patientes ?
Dans chaque programme MSF au Nord Kivu, nous avons des infirmières qui sont spécialisées dans les soins aux victimes de violence sexuelle. Elle sont malheureusement, pourrait-on dire, bien expérimentées. Certaines d’entre elles ont pris en charge plus de 500 patientes. Ainsi l’an dernier à Nyanzale, nous avons reçu 300 victimes de violence sexuelle par mois en moyenne. En mai, nous en avions même reçu 550. Face à cela, une psychologue vient régulièrement pour suivre les patients et aider les infirmières consultantes.


Plus de 6700 victimes de viols, soignées en 2008

Le conflit armé dure depuis quinze ans au Kivu, avec son cortège de morts et de blessés parmi la population civile. Mais une autre forme de violence, beaucoup moins visible, détruit un nombre incalculable de vies. C’est le viol, un phénomène de grande ampleur dans les provinces du Nord et du Sud Kivu.
« Le viol est clairement lié au conflit, explique Romain Gitenet, chef de mission MSF au Nord Kivu. Ce sont des hommes armés qui commettent la plupart de ces violences. Et le viol est souvent associé à un pillage ». Les femmes sont considérées comme un butin, une prise de guerre, au même titre que les biens d’un foyer et les réserves de nourriture. Ou elles sont assimilées au groupe armé qui contrôle leur zone d’habitation et sont ciblées à ce titre par les combattants d’un camp adverse.
Quand les femmes vont au champ, au marché, quand elles marchent sur la route, elles risquent de croiser des hommes en uniforme dépareillés ou en tenue kaki et de se faire agresser. La nuit aussi, des hommes armés peuvent faire irruption dans un village ou dans un camp de personnes déplacées et forcer la porte des maisons. Des femmes, mais aussi des filles toutes jeunes, peuvent devenir la proie des combattants. Combien sont-elles et combien sont-ils parce que cela arrive parfois aussi à des hommes ? Nul ne le sait. A MSF, nous pouvons seulement dire combien de personnes nos équipes reçoivent en consultation dans nos projets. Ainsi sur toute l’année 2008, nous avons pris en charge 6 702 victimes de violences sexuelles.
Si considérable soit-il, ce chiffre ne donne qu’une image parcellaire de la situation, des femmes n’osant pas dire ce qui leur est arrivé de peur d’être rejetées par leur communauté et répudiées par leur famille et n’allant pas de ce fait se faire soigner. Les victimes se sentent coupables. Et dans la plupart des cas, les hommes pensent que c’est la faute de la femme, que ce n’est pas un accident. Souvent aussi, la communauté, la famille, pense la même chose.
D’autres femmes en revanche voudraient recevoir des soins dans nos projets parce qu’elles en ont entendu parler autour d’elles, à la radio ou même à l’église. Mais elles ne viennent pas parce qu’elles habitent trop loin, qu’elles se déplacent à pied et risqueraient encore de se faire attaquer en chemin. Même lorsque s’instaure un calme relatif et que le bruit des armes s’estompe, l’insécurité est toujours aussi grande. La violence ne faiblit pas, les hommes armés sont là, omniprésents.