samedi 8 juillet 2017

INFRACTIONS ET FAUTES SPECIFIQUES A LA COUVERTURE ELECTORALE

Il s’agira ici d’étudier une toute récente matière pour ce qui est de la RDC, nouvellement replongée dans les habitudes électorales.

La plupart d’infractions et autres fautes qui seront étudiées sous cette rubrique le sont essentiellement à titre pédagogique, tout en entrouvrant sur des possibilités et schémas possibles de réformes.

Généralement ces fautes consistes dans :

A. Le non-respect du principe d’égalité des candidats

L’égalité de tous devant la loi est un principe général de droit posé par la Constitution congolaise.

La Constitution, notamment à travers son article 12 dispose : « tous les congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois ».

Pour mettre en œuvre ces dispositions constitutionnelles, l’ article 33 de la loi n°11/003 du 25 juin 2011 modifiant et complétant la loi n° 06/006 du 09 mars 2006 portant organisation des élections présidentielles, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales attribue au Csac la responsabilité de veiller au respect du principe d’égalité de production entre les candidats en ce qui concerne la diffusion dans les médias publics de leurs activités, écrits, déclarations ainsi que la présentation de leur personne et de prendre des mesures de sanctions en cas de contravention à ces dispositions.

Il est important pour les médias et leurs professionnels de savoir que conformément à cette loi, le Csac peut intervenir auprès des autorités compétentes, y com­pris les autorités judiciaires, pour exiger le respect dudit principe et pour que soient prises toutes les mesures susceptibles d’assurer cette égalité.

La même loi donne au Csac le pouvoir de veiller à ce que les candidats aient un accès égal aux médias publics pendant leur campagne électorale. Le Csac arrête des mesures pratiques à ce sujet en concertation avec la Ceni.

Ces mesures sont publiées un mois avant le début de la campagne électorale.

Tel est le cas pour la Directive n°Csac/AP/0002/2011 du 27 septembre 2011 relative à la campagne électorale à travers les médias, prise par le Csac et dont les dispositions spécifiques « règlementent, à titre exclusif, la campagne électorale 2011 à travers les médias[1] ».

Par dérogation à ce principe, le Csac peut, par une décision dûment motivée et notifiée, s’opposer à la diffu­sion d’une émission de la campagne électorale si les propos tenus sont injurieux, diffamatoires ou révèlent un manquement grave aux dispositions de la consti­tution ou des lois.

Le Csac peut ordonner ou interdire la diffusion partielle ou totale de l’émission incriminée.

En respect du droit de la défense, il aussi important de savoir que cette décision peut être contestée sans frais, dans les quatre jours, devant le Conseil d’Etat[2] qui se prononce dans les quarante-huit heures suivant sa saisine.

Pour ce qui est du régime répressif du non-respect du principe d’égalité, l’article 81 de la loi du 25 juin 2011 dispose : « Quiconque entrave ou tente d’interdire ou de faire cesser toute manifestation, rassemblement ou expression d’opinion pen­dant la campagne électorale, est puni d’une servitude pénale principale de douze mois au maximum et d’une amende de 100.000 à 200.000 Francs congolais ».

B. La divulgation des renseignements individuels

La loi n°11/003 du 25 juin 2011 modifiant et complétant la loi n° 06/006 du 09 mars 2006 portant organisation des élections présidentielles, législatives, pro­vinciales, urbaines, municipales et locales prévoit et punit toute divulgation, y compris par la voie des médias, de « renseignements individuels communiqués à l’occasion d’opérations d’identification, d’enrôlement ou même de vote ».

Pour ce qui est du régime répressif de cette infraction, l’article 85 de cette même loi dispose qu’ : « est puni d’une servitude pénale principale de sept jours et d’une amende ne dépassant pas 40.000 Francs congolais, toute personne qui, sur les lieux d’un bureau de vote :
-       fait connaître l’option en faveur de laquelle elle se propose de voter ou pour laquelle elle a voté (cette communication peut se faire à travers les médias et les professionnels des médias doivent s’interdire non seulement de ne pas rechercher ces informations mais aussi de ne pas les publier lorsqu’elles sont portées à leur connaissance) ;
-       cherche à connaître l’option en faveur de laquelle un électeur se propose de voter ou pour laquelle il a voté ;
-       ayant porté assistance à un autre électeur, communique le choix pour lequel cet électeur a voté ou abuse de la confiance de la personne assistée en modi­fiant son vote ».

C. L’interdiction de faire campagne en dehors de la période légale

A dessein ou par ignorance, plusieurs fois, sollicités par des candidats ou des parties politiques, les médias ont appuyé des opérations des campagnes électorales.

L’infraction qu’ils commettent dans ces circonstances est spécifique et contextuellement limitée à la période de la cam­pagne électorale.

Elle est prévue et punie par l’article 80 de la « loi n°11/003 du 25 juin 2011 modifiant et complétant la loi n° 06/006 du 09 mars 2006 portant organi­sation des élections présidentielles, législatives, provinciales, urbaines, munici­pales et locales161 ».

Cet article dispose que : « quiconque se livre à la campagne électorale en dehors de la période légale est puni d’une amende de 20.000 à 100,000 Francs congolais ».

Il est important de noter ici que l’expression « la campagne électorale en dehors de la période légale » pourrait soulever une question de compréhension.

Dans notre entendement, cette expression veut dire tout simplement « en dehors de la fourchette de temps fixé par la loi pour la campagne, que ce soit avant ou après celle-ci, y compris en dehors de toute période de déclenchement du processus électoral ».

Il faut noter que les dispositions pénales relatives à cette incrimination sont confortées par la Directive n°Csac/AP/0002/2011 du 27 septembre 2011 relative à la campagne électorale à tra­vers les médias, bien entendu pour la période qu’elle couvre.[3]

Au sens de la même Directive « Conformément à l’article 11 de la loi électorale, la campagne électorale 2011 à travers les médias court, conformément au calendrier arrêté par la Ceni, du 28 octobre au 26 novembre 2011 pour les élections présidentielle et législatives » et son article 50 affirme que « La campagne électorale à travers les médias prend fin à minuit, 24 heures avant le jour du scrutin ».[4]

D. La recherche et communication sur le vote d’autrui sur le lieu du vote

Le principe posé par les lois congolaises c’est le caractère secret du vote.

C’est à ce titre que plusieurs dispositions de la loi électorale, dont l’article 85 invoqué plus haut, prévoient et punissent « la recherche d’informations sur le vote d’autrui aux fins d’une publication ».

Cette infraction n’est pas couramment poursuivie ni par les instances judiciaires ni par les instances professionnelles en RDC, probablement à cause de l’habitude électorale qui y est encore toute récente.

Pour une meilleure appréhension, il faut relever que les dispositions de l’article 85 sont plus compréhensives lorsqu’elles sont rap­prochées de celles des articles 88 et 90 de la même loi qui disposent respective­ment qu’: « est punie d’une servitude pénale principale de six mois à cinq ans et d’une amende de 200.000 à 1.000,000 Francs congolais, toute personne qui : 1. use à l’endroit d’un électeur des menaces, des violences, des injures ou des voies de fait en vue de le déterminer à s’abstenir de prendre part au vote ou d’influencer son choix ; 2. engage, poste un individu ou réunit un groupe d’indi­vidus armés ou non dans le but d’intimider les électeurs ou de troubler l’ordre avant, pendant ou après le déroulement du vote ; (…) » ; et qu’ « est puni d’une servitude pénale principale de six mois tout membre de la Commission électo­rale nationale indépendante ou de sa représentation locale, sous réserve des cas autorisés par la présente loi ou par le code pénal ordinaire en matière de secret professionnel, qui aura révélé les résultats de vote à des tierces personnes avant la clôture des opérations de vote (dont par voie des médias)… ».

En outre, les auteurs de ces infractions sont déchus de leurs droits civils et poli­tiques pendant une période de six ans, conformément à la loi.

Durant les élections présidentielles et législatives de novembre 2011, plusieurs médias congolais proches de l’opposition ont été sanctionnés du fait d’avoir, pour chacun d’eux donné pour gagnant leur candidat favori respectif.

C’est ainsi que dans le cadre de l’émission « Soutien à Etienne Tshisekedi » (SET) diffusée par la chaine privée de télévision RLTV, celle-ci a proclamé l’opposant congolais Etienne Tshisekedi wa Mulumba gagnant aux élections présidentielles.

Une décision de l’instance de régulation des médias a suspendu ladite émission pour une durée de 7 jours la première fois et pour une durée relativement plus longue du fait de la récidive.

Voilà, en quelques lignes, les infractions, toutes nouvellement introduites dans la législation congolaise, et qui se trouvent directement liées au contexte électoral.



[1] Article 1er de ladite Directive.
[2] Qui n’existe pas encore certes, mais dont les attributions sont exercées à ce jour par la Chambre administrative de la Cour suprême de justice.
[3] Son article 1er dispose : « les dispositions de la présente Directive réglementent, à titre exclusif, la campagne électorale 2011 à travers les médias ».
[4] Il s’agit ici des citations purement indicatives, le processus électoral en cours n’ayant pas encore légiféré sur ces questions et procédures.
_________________________________________
L'auteur défend les libertés dans un pays en voie de devenir un Etat, une République et une Démocratie...