lundi 14 décembre 2009

LA FAMILLE FACE AUX DEFIS CONTEXTUELS EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

Conférence donnée à Strathmore University - Nairobi/Kenya, le 27 novembre 2009
Chapitre I. L’ORGANISATION ET LA PROTECTION DE LA FAMILLE PAR LE DROIT CONGOLAIS

Section I. GENERALITES SUR LA FAMILLE EN DROIT CONGOLAIS

§1. Sens de la famille et processus de sa constitution

L’organisation de la famille en République Démocratique du Congo (RDC) est principalement régie par une loi spécifique. C’est la loi N° 87-010 du 1er août 1987 portant Code de la famille.
[1]

Ce texte organise et protège la famille à travers le processus de sa constitution qui part des fiançailles, en passant par le mariage dont il établit les conditions, le ménage qui en participe ainsi que les effets patrimoniaux (régime matrimoniaux, successions, libéralités, etc.) et extrapatrimoniaux qui sont la conséquence du mariage.

La famille a de l’importance aux yeux du législateur congolais. Il lui consacre plus de 400 articles, à travers plusieurs parties de la loi sus invoquée.

Au sens de la loi, la première étape vers la constitution d’une famille c’est la période des fiançailles. Ces dernières sont « une promesse de contracter mariage ». La promesse est faite « entre deux personnes de sexes opposés ».


La promesse de mariage peut être faite :

- A travers des échangées entre un homme et une femme conformément à leurs coutumes ou à un contrat par lequel les membres de deux familles se conviennent qu’un mariage interviendra entre deux personnes appartenant à ces deux familles ; ou,
- A travers diverses étapes du mariage célébré en famille tant que selon les règles coutumières, le mariage n’est pas parachevé.

Les formes que peuvent prendre les fiançailles sont réglées par la coutume des fiancés. Le législateur prévoit qu’en cas de conflit entre les coutumes des fiancés, c’est la coutume de la fiancée qui sera d’application.

Après les fiançailles, les parties conviennent de contracter mariage pour former famille. La loi organise minutieusement le mariage en tant qu’acte introductif et fondamental vers la consécration de la vie commune et la consolidation du jeune couple ayant créé une famille.

Le mariage, tel que défini par l’article 330 du Code de la famille est un « acte civil, public et solennel par lequel un homme et une femme qui ne sont engagés ni l’un ni l’autre dans les liens d’un précédent mariage enregistré, établissent entre eux une union légale et durable…».

Pour ce qui est de la protection de la famille, cette définition est révélatrice déjà sur ce que sont les conditions pour contracter mariage : il doit s’agir de deux personnes se sexes opposés (un homme et une femme), non engagés dans un autre lien de mariage non préalablement dissout et qui se font mutuellement un engagement à mettre en place une union durable pour perpétuer la race humaine.

Pour paraphraser la bible
[2], l’article 349 du Code de la famille dit que « le mariage a pour but essentiel de créer une union entre un homme et une femme qui s’engagent à vivre ensemble jusqu’au décès de l’un d’entre eux, pour partager leur commune destinée et pour perpétuer leur espèce ». Ainsi, toute stipulation visant à écarter l’une des fins essentielles du mariage est nulle du point de vue de cet article de la loi.

Le Code de la famille en son article 331 impose même au juge l’obligation, lorsqu’il interprète la loi sur la famille d’avoir « en vue la protection du ménage fondé sur le mariage et la sauvegarde de son unité et de sa stabilité » et ajoute que les dispositions de ce Code « sont impératives et d’ordre public » parce qu’ « aucune convention conclue en considération d’une union distincte du mariage tel que défini à l’article 330 ne peut produire les effets du mariage ».

Sont ainsi exclus les liens entre personnes de mêmes sexes, les liens entre les personnes, même de sexes opposés, mais qui décident de vivre momentanément ensemble, les liens entre personnes, même de sexes opposés qui conviennent de ne pas avoir d’enfants, etc.

L’article 442 du Code de la famille dit que « le mariage crée le ménage » et que « l’organisation du ménage est régie par les dispositions de la loi ».

Le terme « ménage » désigne les époux, leurs enfants non mariés à charge ainsi que tous ceux envers qui les époux sont tenus d’une obligation alimentaire, à condition que ces derniers demeurent régulièrement dans la maison conjugale et soient inscrits au livret de ménage.

Pour besoin d’une coordination harmonieuse, la loi érige le mari en chef du ménage et lui enjoint de protéger sa femme qui, en retour lui doit obéissance. C’est donc sous la direction du mari, que les époux concourent, dans l’intérêt du ménage, à assurer la direction morale et matérielle de celui-ci.

La création du ménage engendre l’obligation de solidarité totale entre époux et entre eux et leur progéniture. L’article 446 du Code de la famille dispose que « si l’un des époux est frappé d’incapacité ou s’il est absent, l’autre exerce seul les attributions prévues à l’article précédent » et ajoute qu’ « il en est de même si l’un des époux abandonne volontairement la vie commune ou s’il est hors d’état de manifester sa volonté en raison de son éloignement ou pour toute autre cause ».

Les époux contribuent aux charges du ménage selon leurs facultés et leur état. Les aspects pécuniaires de cette obligation sont régis par les dispositions relatives aux régimes matrimoniaux (voir infra).

§2. Les conditions de constitution de la famille par le mariage

Le Code de la famille prévoit des conditions de fond ainsi que des conditions de forme (procédure) pour contracter un mariage aux fins de constituer une famille. La principale condition de fond est le versement de la dot

Le futur époux et sa famille doivent convenir avec les parents de la future épouse d’une remise de biens ou d’argent qui constituent la dot au bénéfice des parents de la fiancée. Le mariage ne peut être célébré que si la dot a été effectivement versée, au moins en partie. Cette dot peut être symbolique.

La loi déclare nul tout mariage contracté sans convention relative à la dot. La nullité peut être demandée par les époux, les créanciers de la dot ou par le Ministère public (magistrat du parquet), mais seulement du vivant des époux, puisque, de jure, la mort met fin au mariage.

Tout mariage qui viole les conditions de mariage telles que définies par la loi ou par la coutume ne peut être enregistrée ni célébrée par l’officier de l’état civil. La nullité d’un mariage, à titre de sanction de violation des conditions du mariage, ne peut être prononcée que dans les cas prévus par la loi ou lorsque le mariage a été contracté en violation de l’article 330 de la présente loi.

Le mariage susceptible d’annulation ne peut plus être attaqué lorsque la cause de la nullité a disparu ou lorsque, dans le cas où le consentement des époux ou des autres personnes qui doivent consentir au mariage a fait défaut ou a été vicié, il y a eu ratification expresse ou tacite.

Préalablement à la convention sur la dot et à son versement, la loi exige que les futurs époux aient l’âge requis pour se marier. En effet, l’homme et la femme doivent être majeurs (18 ans révolus) pour contracter mariage. Cette exigence est la condition pour eux d’exprimer leur libre consentement au mariage.

Le consentement de jeunes fiancés et de leurs parents est donné soit par la déclaration faite devant et actée par l’officier de l’état civil, soit devant un juge de paix, soit devant un notaire antérieurement à la célébration du mariage, soit verbalement lors de la célébration par l’officier de l’état civil ou de l’enregistrement.

Le mariage des mineurs est possible en droit congolais, et cela conformément au Code de la famille.

En cas de refus de consentement des parents ou de l’un d’eux ou du tuteur au mariage du futur époux mineur, celui-ci, même non émancipé, peut saisir le conseil de famille. Si le refus persiste, le futur époux mineur ainsi que le Ministère public peuvent saisir, par voie de requête, le tribunal de paix du lieu où le mariage devrait être célébré.

Pour donner toute la chance à la réussite du mariage et donc à la constitution de la famille, le tribunal de paix instruit à huis clos la requête en amiable conciliateur. Il convoque soit séparément, soit ensemble le requérant ou le futur époux mineur, les parents ou le tuteur qui lui ont opposé un refus et, s’il l’estime opportun, un conseil de famille.

Le tribunal tente, s’il échet, d’obtenir leur accord soit en présence, soit hors présence du futur époux mineur.

§3. Procédures simplifiées de preuve du mariage

La preuve du mariage se fait ordinairement par la production de l’acte de mariage ou du livret de ménage dressé lors de son enregistrement ou lors de sa célébration. Mais à défaut d’acte de l’état civil, le mariage est prouvé par la possession d’état d’époux.

Deux personnes ont la possession d’état d’époux lorsqu’elles se considèrent et se traitent mutuellement comme époux, et qu’elles sont considérées et traitées comme tels par leur famille et la société. La possession d’état d’époux est prouvée en présentant plus d’un témoin, parents ou non des intéressés. Elle peut être contestée de la même manière.

A défaut de possession d’état ou si la possession d’état est contestée, l’existence du mariage est établie par un acte de notoriété. Cet acte de notoriété est soumis aux règles relatives à l’état civil.


Section II. PRINCIPAUX AXES OU LE LEGISLATEUR CONGOLAIS PROTEGE LA FAMILLE

§1. La liberté du mariage, de la constitution de la famille et le libre choix du régime matrimonial

La loi pose le principe selon lequel « tout congolais a le droit de se marier avec la personne de son choix et de fonder une famille ».

Les articles 336 et suivants punissent toutes personnes qui contreviennent à ce principe pour contraindre une personne à contracter mariage contre son gré ou avec une personne qui n’est pas de son libre choix.

Sera puni d’une peine de servitude pénale d’un à trois mois et d’une amende ou de l’une de ces peines seulement, tout individu autre que les père, mère, tuteur ou toute personne qui exerce en droit l’autorité sur l’individu, qui aura contraint une personne à se marier contre son gré ou qui, de mauvaise foi, aura empêché la conclusion d’un mariage remplissant toutes les conditions légales.

Toutefois, en cas de contrainte exercée par les parents, le tuteur ou toute personne qui exerce en droit l’autorité sur l’individu, ce dernier peut saisir le conseil de famille, lequel statue. En cas de désaccord, le tribunal de paix en sera saisi ».

Comme dit plus haut, et faut-il le rappeler, le principe de la liberté de mariage et de constitution de la famille est aussi affirmé par la consécration de la monogamie et le rejet de l’homosexualité, deux mécanismes de protection de la famille et de la moralité sociale, dans un pays essentiellement chrétien.

En effet, l’article 354 du Code de la famille stipule que « nul ne peut contracter un nouveau mariage avant la dissolution ou l’annulation du précédent » et que « lorsque la dissolution ou l’annulation résulte d’une décision judiciaire ou du décès de l’autre conjoint, le nouveau mariage ne peut être conclu que lorsque mention de la dissolution ou de l’annulation a été faite en marge de l’acte de mariage, ou lorsque la preuve du décès de l’autre conjoint a été faite devant l’officier de l’état civil ».

Par ailleurs, l’article 408 du Code de la famille renseigne que « quiconque, étant engagé dans les liens d’un mariage enregistré ou célébré devant l’officier de l’état civil, en aura fait enregistrer ou célébrer un autre avant la dissolution ou l’annulation du précédent, sera puni du chef de bigamie d’une peine de servitude pénale de un à trois mois et d’une amende ou de l’une de ces peines seulement ».

En fin, il est interdit de conclure toute convention tendant à assurer à plusieurs hommes l’usage commun d’une épouse ; de réunir dans cette intention toutes sommes et valeurs, d’en faire remise ou offre à la personne qui a le droit de garde sur la fille ou la femme convoitée ; de faire usage de tout droit que lui conférerait sur une fille ou sur une femme une coutume ou une convention contraire à la loi.

Pour ce qui est du choix des régimes matrimoniaux, la loi organise trois régimes entre lesquels les futurs époux ou les époux optent.

Ce sont : la séparation des biens ; la communauté réduite aux acquêts et la communauté universelle.

Au moment où les futurs époux ou les époux se présentent devant l’officier de l’état civil, par eux-mêmes ou par leur mandataire, en vue de la célébration ou de l’enregistrement du mariage, l’officier de l’état civil les avertit du choix qu’ils peuvent faire entre les trois régimes matrimoniaux organisés par la loi, et qu’à défaut pour eux de se prononcer, le régime matrimonial qui leur sera applicable sera celui de la communauté réduite aux acquêts.

Afin de permettre aux époux ou aux futurs époux de réfléchir sur le régime à choisir, l’officier de l’état civil expliquera les régimes matrimoniaux au moment de la publication des bans telle qu’elle est prévue et organisée, pour le cas de l’enregistrement du mariage célébré en famille à l’article 370 et pour le cas du mariage célébré par l’officier de l’état civil à l’article 384.

Au moment de la célébration du mariage ou de l’enregistrement de celui-ci, l’officier de l’état civil leur demandera de fixer leur choix. Il actera leur réponse ou le manque de réponse dans l’acte de mariage.

Si les époux n’ont pas régulièrement opéré leur choix, le régime de la communauté réduite aux acquêts leur sera applicable. De même, si le mariage est annulé, le régime matrimonial choisi sera considéré comme inexistant et celui de la communauté réduite aux acquêts leur sera applicable.

Pour permettre la stabilité de la famille à travers le choix du régime matrimonial, à la demande des époux et une fois durant le mariage, le régime matrimonial peut être modifié.

Dans ce cas, le demandeur doit prouver que la modification est exigée par l’intérêt du ménage ou par une modification importante intervenue dans la situation des époux ou de l’un d’entre eux.

Il faut noter qu’au cas où cette demande n’est pas accueillie, celle-ci ne peut être renouvelée qu’après deux ans à dater de la décision devenue définitive pour autant qu’elle s’appuie sur des éléments nouveaux. La durée de deux ans est suffisamment longue pour permettre aux époux de mieux réfléchir sur l’opportunité et les effets du changement de leur régime matrimonial.

Pour raison du maintien de la solidarité entre époux et au sein de la famille, quelque soit le régime matrimonial choisi, conformément à l’article 498 du Code de la famille, un époux peut donner mandat à l’autre de le représenter dans l’exercice des pouvoirs que le régime matrimonial lui attribue.

Si l’un des époux se trouve hors d’état de manifester sa volonté, l’autre peut se faire autoriser par ordonnance du président du tribunal de paix de leur résidence, à le représenter en tout ou en partie, dans l’exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial.

Un autre point qui vaille la peine d’être relevé touche les aspects matériels et patrimoniaux de la famille. Le législateur protège les enfants de manière particulière et les héritiers de manière générale contre la dilapidation des biens de la famille par un des époux.

C’est ainsi que quel que soit le régime matrimonial choisi par eux et les modalités de gestion de ce régime, l’accord des deux époux est nécessaire pour :

- transférer une concession foncière commune ou propre, ordinaire ou perpétuelle ou la grever d’un droit d’emphytéose, de superficie, d’usufruit, d’usage, d’habitation, d’hypothèque ou d’une servitude;
- aliéner, par incorporation, un immeuble commun ou propre ou le grever d’un droit réel d’emphytéose, de superficie, d’usufruit, d’usage, d’habitation, d’hypothèque ou d’une servitude et d’un bail de plus de neuf ans;
- aliéner un immeuble commun dont la valeur est supérieure à un certain montent (dans le temps c’était 50.000 zaïres) ou des titres inscrits de cette valeur au nom du mari et de la femme ;
- contracter un emprunt de plus d’un certain montant (dans le temps c’était 10.000 zaïres) sur les biens communs ou propres de l’autre époux ;
- faire une donation de plus d’un certain montant (dans le temps c’était 500 zaïres) ou cautionner la dette d’un tiers pour un montant supérieur à une certaine somme (dans le temps c’était 5.000 zaïres), sur les biens communs ou propres de l’autre époux.

Le régime de la communauté universelle est celui par lequel le législateur consacre réellement l’unité, l’harmonie et la stabilité familiales. Il consacre entre les époux la communauté de tous les biens, tant meubles qu’immeubles ainsi que de leurs dettes présentes et à venir.

La seule exception et limite à ce régime est le fait que resteront propres aux époux, les biens mobiliers et immobiliers qu’ils recueilleront à titre gratuit avec exclusion de communauté et les biens qui leur sont strictement personnels ainsi que le capital d’assurance-vie, les indemnités compensatoires d’un préjudice physique ou moral, les rentes alimentaires, pension de retraite et d’invalidité.

§2. La famille, communauté de vie, d’harmonie, de solidarité et tribunal privilégié pour la paix de ses membres

La loi dit que les époux doivent s’obliger mutuellement à la communauté de vie dès qu’ils ont constitué leur ménage. Il s’en suit qu’ils sont tenus de vivre ensemble et d’assurer la consommation du mariage.

Ceci, ajouté au fait que le mari assume la direction dudit ménage, engendre une importante conséquence : l’épouse est obligée d’habiter avec son mari et de le suivre partout où il juge indispensable de résider.

Pour besoin de justice à l’endroit de la femme, dans le cas où la résidence est fixée par le mari de façon manifestement abusive ou contraire aux stipulations intervenues entre époux, la femme peut exercer un recours devant le tribunal de paix contre la décision du mari.

Mais les époux peuvent aussi, dans l’intérêt supérieur du ménage, convenir de vivre séparés pendant une période déterminée ou indéterminée.

Pour raison de reprise rapide de la vie commune, la convention conclue à cet effet peut être révoquée à tout moment par l’un d’entre eux.

Du point de vue de la solidarité qui doit régner au sein de la famille, l’article 458 du Code de la famille stipule que « les époux se doivent soins et assistance réciproques pour la sauvegarde des intérêts moraux et matériels du ménage et des enfants. Ils se doivent mutuellement fidélité, respect et affection ».

Pour ce qui est de plusieurs types de litiges pouvant naître à l’occasion du processus de mariage ou au sein de la famille, la loi érige la famille en une instance privilégiée pour le règlement pacifique et à l’amiable des conflits.

La famille intervient ainsi comme un « tribunal pour la paix au sein de la famille » et règle à l’amiable des questions qui mettent en péril son harmonie. Et l’instance érigé à cet effet par la loi est appelée « conseil de famille ».

A titre illustratif, le conseil de famille de la famille de la jeune fille peut par exemple statuer pour trouver une solution en cas de refus de consentement d’un des parents au mariage de leur fille ou en cas de mésentente sur la dot.

Si par exemple la dot est refusée par ceux qui, selon la coutume, doivent la recevoir, les futurs époux, même non émancipés, soit ensemble, soit séparément peuvent porter le litige devant le conseil de famille.

Le conseil de famille est aussi écouté lorsqu’il est question d’organiser la tutelle ou la curatelle d’un enfant mineur ou même lorsqu’il appert une incompréhension au sujet de la succession.

§3. La protection de la famille contre certains mauvais comportements des époux ou des personnes externes

Le droit pénal est aussi mis à profit pour protéger la famille à la fois contre des faits internes et contre des faits qui lui sont externes. C’est ainsi qu’il élabore une série d’infractions dites « troubles contre l’ordre familial ».

L’article 467 du Code de la famille qui est complémentaire au Code pénal livre II, donne un exemple de cette protection en énumérant quelques faits prévus et punis au mieux de l’harmonie de la famille et du respect mutuel entre époux.
Sera par exemple puni, du chef d’adultère, d’une peine de servitude pénale de six mois à un an et d’une amende :

- quiconque, sauf si sa bonne foi a été surprise, aura eu des rapports sexuels avec une femme mariée.
- le mari qui aura eu des rapports sexuels avec une personne autre que son épouse, si l’adultère a été entouré de circonstances de nature à lui imprimer le caractère injurieux.
- la femme qui aura eu des rapports sexuels avec un homme marié dans les circonstances prévues au 2° du présent article.
- la femme mariée qui aura eu des rapports sexuels avec une personne autre que son conjoint.

Sera aussi puni d’une peine de servitude pénale ne dépassant pas six mois et d’une amende, le mari qui aura incité sa femme à commettre l’adultère ou en aura sciemment favorisé l’exécution ;

Sera puni des peines prévues en cas d’adultère, sauf si sa bonne foi a été surprise :

- quiconque aura enlevé, même avec son consentement, une femme mariée ou l’aura détournée de ses devoirs de façon à la soustraire à la garde de son mari ou de la personne chargée de ce soin pour le compte du mari, afin de faciliter ou permettre à cette femme des rapports adultères ; ainsi que
- quiconque aura caché ou gardé cette femme avec la même intention.
Chapitre II. PRINCIPAUX DANGERS AUXQUELS FAIT FACE LA FAMILLE EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

Section I. DEFIS LEGAUX ET INSTITUTIONNELS

§1. L’ambigüité du législateur et l’insuffisance des mécanismes institutionnels mis en place pour protéger la famille

L’ambigüité du législateur

Le principe posé par la Constitution de la RDC et le Code de la famille est que la famille est la cellule de base dans la construction d’une société harmonieuse, durable et développée.

Mais à lire certaines dispositions du Code de la famille, on décèle une certaine ambigüité dans l’esprit du législateur au point qu’on se demande si les dispositions consacrées à l’unité et à la stabilité de la famille ne relèvent pas d’une pure théorie.

A titre illustratif, dans le Code de la famille, le divorce
[3] n’est soumis qu’à une seule condition déjà difficilement appréciable et qui peut résulter du caprice d’un des époux qui le demande. Cette condition est « la destruction irrémédiable du lien conjugal ».

Nous avons conduit une petite enquête sur cette question au cours du mois de septembre 2009 et avons interrogé 100 femmes âgées entre 30 et 40 ans dans divers milieux de Kinshasa. Environ 80% d’entre elles estiment que se le législateur voulait protéger la famille, il devait limiter les possibilités de divorce en l’assortissant d’autres conditions.

Et toutes les conditions à fixer devraient tendre à décourager les époux qui demanderaient le divorce.

Environ 20% d’entre ces femmes estiment simplement que si le législateur congolais voulait protéger la famille, il ne devait même pas prévoir la possibilité de divorce. Ces femmes considèrent que le divorce est devenu monnaie courante y compris au sein de jeunes couples qui ont moins de 5 ans de vie commune.

Pour les femmes interrogées, « le malheureux caprice auquel le législateur ouvre une regrettable brèche pour fragiliser la famille dérive du fait que chacun des époux peut désormais agir en divorce en fondant son action sur cette fameuse destruction irrémédiable du l’union conjugale ».

Selon l’article 550 du Code de la famille, il y a destruction irrémédiable de l’union conjugale si le tribunal tire des faits, la conviction que la continuation de la vie conjugale et la sauvegarde du ménage sont devenues impossibles.

Plusieurs d’entre ces femmes considèrent aussi que la justice congolaise est même déjà mal placée pour apprécier en toute indépendance la question de la destruction irrémédiable du lien conjugale tant plusieurs magistrats sont eux-mêmes trempés dans des abus conjugaux et qu’ils peuvent même être corrompus par l’époux qui désire obtenir à tout prix le divorce.

Ces femmes qui semblent croire avec force dans la famille, remettent même en cause l’indépendance de la justice et la bonne volonté des juges appelés à statuer sur des cas leur soumis.

Au cours de la même étude susmentionnée, nous avons rencontré 100 hommes, âgés entre 30 et 45 ans. Environ 75% de ces hommes croient que le divorce est un droit pour eux de se « décharger d’une femme non soumise, stérile ou qui n’œuvre pas en faveur de l’harmonie au sein de la famille ».

Et environ 25% d’entre ces hommes estiment que « les hommes ne devraient pas se marier s’ils pensent divorcer un jour puisque ceux qui paient les conséquences du divorce sont les enfants et non les époux qui, eux, peuvent se remarier ».
Du point de vue de la procédure, celui des époux qui veut demander le divorce présente au président du tribunal de paix de la résidence de l’autre époux ou de la dernière résidence conjugale, une requête écrite ou verbale indiquant les motifs du divorce.

Le président du tribunal de paix convoque le requérant, lui adresse à huis clos les observations qu’il estime nécessaires et convenables et attire son attention sur la gravité de la requête introduite. Si toutefois, le requérant persiste dans sa décision, le président du tribunal de paix ordonne aux époux, par lettre missive avec accusé de réception, de comparaître devant lui aux lieu, jour et heure qu’il indique.

Pour sauver l’intimité et la discrétion lors de comparution, la partie ou les parties requérantes comparaissent à huis clos devant le président du tribunal de paix et hors de la personne de leurs conseils. Le président, après avoir précisé les griefs du requérant et entendu les observations de l’autre époux ou précisé celles-ci si ce dernier ne comparaît pas, tente en amiable conciliateur de resserrer les liens conjugaux.

La loi donne néanmoins la possibilité au juge d’œuvrer en faveur des conciliations en cors des procédures du divorce. C’est ainsi que le juge pourra, dans un but de rapprochement des époux, convoquer les personnes qu’il estime susceptibles de favoriser celui-ci, ajourner la suite de l’instance pour une durée maximum de six mois lorsque le rapprochement n’est pas exclu. Ce délai d’ajournement sera obligatoirement de six mois si les enfants sont à charge des parents.

Durant les instances de conciliation, le président du tribunal peut en outre prendre, en cas d’urgence, des mesures provisoires nécessaires relatives à la résidence séparée des époux et celles relatives à la garde des enfants.

A l’audience de conciliation au cours de laquelle le président du tribunal de paix constate l’échec définitif de la conciliation, il fixe la date de l’introduction de l’action en divorce devant le tribunal de paix, en tenant compte éventuellement du délai d’ajournement.

Cette décision est notifiée verbalement et sur-le-champ aux époux. En cas d’absence de l’époux défendeur, la décision lui sera notifiée par le greffier. Si le requérant réside à l’étranger et qu’il a obtenu la dispense de comparaître, le président fixe la date d’audience dès qu’il a reçu la décision du requérant de continuer la poursuite de la cause. Il lui fait notifier par le greffier la date de l’introduction de l’action en divorce.

Au cas où la requête visée à l’article 555 du Code de la famille et introduite par le mari se situe pendant la période de grossesse de la femme, celle-ci peut demander, après l’échec de l’instance de conciliation, au moment de l’introduction de l’action en divorce, qu’il soit sursis à celle-ci pendant cette période et éventuellement jusqu’à un an après la naissance d’un enfant né vivant.

Avant l’instruction de la cause, le tribunal pourra encore, à la demande des parties ou même d’office, ordonner que celles-ci se présentent devant des réunions de famille selon des modalités qu’il précise.

La conciliation intervenue en cours d’instance est constatée par le tribunal; elle éteint l’action.

En cas de non-conciliation, les conseils des parties étant éventuellement entendus, le tribunal statue et peut, soit retenir l’affaire immédiatement et se prononcer sur l’action en divorce, soit la renvoyer à une audience ultérieure dont il indique la date.

Lorsque le demandeur n’a pas assisté au prononcé de l’ordonnance de non-conciliation, le tribunal doit le faire convoquer pour la première audience utile.

Faut-il relever qu’un des dangers qui guette la famille est constitué des cas où la dot est considérée comme le prix de la jeune fille à épouser.

Dans ces cas, des parents, des oncles ou toutes personnes ayant une ascendance sur les jeunes tentent de fixer une dot très exorbitante en oubliant le sens profond de la dot.

L’article 363 du Code de la famille donne le pouvoir au président de la République de fixer, au travers une ordonnance, la valeur maximale et la valeur minimale de la dot en RDC. Cette ordonnance est attendue depuis 1987 à ce jour et son absence donne lieu à des abus.

L’insuffisance des mécanismes institutionnels de protection

Certes la RDC a fait déjà un grand effort en intégrant certaines dispositions pertinentes reprises dans les textes internationaux dans sa propre législation relative à la protection de la vie, de l’enfant et de la famille. Mais il reste à fournir un effort pour ce qui est de l’application et de la bonne application de ces textes.

L’application de la loi au mieux des intérêts de la famille, de la vie et de l’enfant doit non seulement être respectueuse des procédures établies, mais aussi et surtout rapidement intégrer les pratiques et faits sociaux nouveaux qui sont laissés en marge par le simple fait qu’ils n’existaient pas ou qu’ils n’avaient pas une importante ampleur lors de la rédaction des lois en vigueur.

Tel est le cas de la grande montée en nombre des concubinages, des avortements, des abandons des bébés dans les rues par leurs géniteurs (souvent les femmes), de la montée en nombre des enfants dits sorciers, des demandes des divorces, des viols y compris des mineures, collectifs et massifs à l’occasion des attaques rebelles ou par le fait des forces nationales de sécurité ou encore par le fait des forces des Nations Unies.

Il est urgent que le législateur constate que ces faits sont devenus de plus en plus fréquents et qu’il les intègre dans la législation à venir, en terme des mécanismes de prévention, de répression et/ou de gestion au mieux de la protection de la famille, de la vie et de l’enfant.

L’application des lois par les juges pour protéger la famille et l’enfant (les juridictions militaires congolaises ont déjà rendu environ une vingtaine d’arrêts et des jugements sur des cas des viols sur des mineures) reste aussi émaillé par la difficulté d’exécution des décisions rendues, une fois encore à cause du manque d’engagement solide des leaders en faveur de la famille, de la vie et de l’enfant.

L’impunité et la faiblesse institutionnelle de l’Etat sont les autres grandes faiblesses qui émaillent la protection de la famille, de la vie et de l’enfant en République Démocratique du Congo.

L’impunité est une question quasi récurrente qui provient, elle-même, des faiblesses des mécanismes de régulation de l’Etat et des organes d’application de la loi. De nombreux rapports font ressortir le fait qu’elle est la conséquence de l’incapacité de l’Etat à protéger la famille et de manière générale ses citoyens.

Mais au constat de l’actuel organisation et mode de gestion du pays, on pourrait déduire que ces faiblesses sont aussi exacerbées par le manque de volonté dans le chef des leaders (politiques, religieux, coutumiers, communautaires, etc.)

Les dysfonctionnements à l’intérieur du système étatique et le mauvais fonctionnement des mécanismes de protection qui sont déjà mis en place par la loi, empêchent de trouver des réponses appropriées à des pratiques déjà longtemps instituées en habitudes, alors même qu’elles sont répréhensibles.

La faible implication des leaders politiques, religieux et communautaires dans la protection de la famille, de la vie et de la famille peut se résumer dans la faible dénonciation des concubinages, des avortements criminels, d’abandons des bébés sur les rues, et toutes autres formes d’habitudes contra familias qui se constatent depuis quelques années en RDC ; dans une faible documentation des cas pouvant constituer une base de données et dans le fait qu’aucune de ces questions (demeurées taboues) ne soulève à ce jour un débat public.

§2. Les défis liés au contexte de guerre, de l’insécurité et aux usages dangereux

La guerre et l’insécurité permanente

Depuis 1994, la famille en République Démocratique du Congo (RDC), est durement mise à l’épreuve. La vie est désacralisée et l’enfant a de moins en moins l’espoir d’un lendemain meilleur.

La République Démocratique du Congo connait une succession des guerres depuis 1994 à ce jour. Ces guerres sont caractérisées par d’énormes violences, des crimes graves et des violations massives des droits de l’homme et ont fait entre 4 et 5 millions de victimes, selon des rapports d’organisations non gouvernementales et des organisations internationales œuvrant en RDC.

Les crimes les plus marquants de ces guerres consistent en des violences sexuelles souvent utilisées comme armes de guerre contre des personnes vulnérables (les femmes, les mineur(e)s et les vieillards). Et la partie du pays qui en a payé le lourd tribut est essentiellement constituée des provinces de l’Est
[4] mais aussi du nord et du sud.

Les mêmes rapports d’organisations non gouvernementales et des organisations internationales estiment aujourd’hui le nombre de femmes adultes et des mineures violées depuis le début de la crise à « plus de 100.000 dont 90% n’ont pu recevoir des soins médicaux appropriés ».

Ces chiffres pourraient être encore plus importants face au fait que dans les zones où sévissent encore les guerres, il demeure difficile d’évaluer les dégâts notamment à cause de l’inaccessibilité des milieux laissant ainsi des populations enclavées avec des conséquences évidentes sur le plan sanitaire, social, économique, juridique, etc.
[5]

Selon le rapport de l’Expert indépendant sur les droits de l’homme en RDC
[6], « les actes de violences sexuelles continuent à se multiplier à une vitesse alarmante en presque totale impunité. Des femmes enceintes, des personnes en détention, des mineurs et même des bébés sont victimes de viols individuels ou collectifs, commis dans une proportion toujours aussi inquiétante par les membres de la Police nationale congolaise (PNC), des FARDC » ainsi que des groupes armés opérant particulièrement dans la partie Est du pays[7].

Les données rendues publiques par la Division Droits de l’Homme de la MONUC concernant la période située entre janvier 2005 et juin 2007, renseignent que le nombre des cas des victimes des violences sexuelles reçues dans des centres hospitaliers de cette partie du pays est de 31.900.

Ces violences qu’ont connues des femmes et des mineures ont aussi engendré des conséquences néfastes sur leur santé reproductive par le fait de la contamination au VIH/SIDA ou par le fait des lésions et des infections qui ont sensiblement atteint leurs organismes et affaibli leur psychologie.
[8]

Mettant le sens de la vie et la famille en danger, le phénomène du viol est aussi en train de se développer chez les civils et même au sein des familles à cause de l’impunité régnante depuis de longues années.
[9]

Des pratiques dangereuses et insolites

Des rapports d’Ong font par exemple état des viols domestiques. Il s’agit des viols conjugaux et des pratiques socioculturelles qui forcent quelques catégories de femmes et des filles à avoir des relations sexuelles avec des membres de leurs familles. Hommes et femmes stériles sont de fois obligés d’avoir des rapports sexuels avec un membre de la famille de l’époux ou de l’épouse, dans le but d’assurer la descendance de la famille.

Les viols au sein des familles de la part des oncles gentiment appelés tontons ou par d’autres personnes adultes, sont suivis par une honte ou par un refus de dénoncer, fondé sur le sens de l’honneur de la famille à ne pas exposer.

Pourtant ils génèrent des frustrations avec lesquelles les jeunes victimes (filles) sont obligées de vivre toute leur vie durant, et qui souvent continuent à affecter leur psychologie même lorsqu’elles sont mariées et mères des familles.

Dans une vue globale de la protection de la famille, de la vie et de l’enfant, ce contexte est d’autant important qu’il renseigne déjà par lui-même sur les défis majeurs et les grandes faiblesses qui caractérisent les mécanismes institutionnels de protection, l’urgence avec laquelle l’Etat et la communauté internationale sont invités à prendre des mesures adéquates ainsi que l’engagement qui est désormais attendu de la société civile et des défenseurs des droits de l’homme pour redorer le blason et l’honneur due à la femme et à la famille, pour redonner tout le sens à la vie et redonner espoir à l’enfant congolais.

Par ailleurs, des résultats d’enquêtes récentes (novembre et décembre 2008) conduites par le PNUD dans 8 des 11 provinces par le PNUD montrent aussi que les harcèlements sexuels constituent un phénomène très répandu dans les pratiques sociales, les us et coutumes de la RDC. Plus de 80 % des personnes enquêtées dans ce rapport indiquent que ce phénomène est très courant dans leurs contrées.

Ce phénomène est courant dans des centaines des familles congolaises, des d’écoles, des universités, des services publics et privés.

Malgré le fait qu’il constitue une des principales menaces pour la sécurité des femmes travailleuses (généralement mères des familles), des élèves et des étudiantes qui se trouvent souvent à la merci de leurs supérieurs ou de leurs enseignants, il n’existe pas d’actions particulières visant à lutter contre ce fléau.

A tout cela s’ajoute les mutilations génitales qui se commettent principalement dans le contexte des violences sexuelles commises par des groupes armés comme arme de guerre au même titre que le viol. Elles consistent à mutiler sexuellement la victime (ablation des seins ou destruction des organes génitaux dans le but d’infliger des souffrances extrêmes aux victimes, femmes ou hommes.

Dans la province de Maniema à l’est du pays et dans la Province de l’Equateur au nord, certains témoignages repris par des agences des Nations Unies dont le PNUD, font état de pratiques isolées d’ablation du clitoris pendant des cérémonies d’initiations des jeunes filles.

Cette pratique, qui n’est pas courante en RDC, est supposée rendre les femmes fidèles à leurs époux. Bien qu’un débat soit en cours sur les bienfaits ou la nocivité de ces pratiques, il n’en demeure pas moins qu’elles ont des conséquences négatives sur la santé de la femme, sur sa capacité reproductrice et donc sur la famille.

Finalement, la polygamie (socialement tolérée y compris par des leaders politiques et de la société civile) est une autre pratique qui met en danger la famille.

Il y a des congolais qui tendent à justifier la polygamie comme une mesure de sanction contre l’épouse « récalcitrante » ou « incapable » d’assouvir tous les besoins de l’homme ou tout simplement comme une manière d’avoir une main d’œuvre plus nombreuse pour des maris qui ont de grandes étendues à cultiver.

La pauvreté, la donne religieuse et tribale

Plus de 85% de la population congolaise vit dans une extrême pauvreté, notamment à cause de l’absence des mécanismes de justice distributive, du manque de production interne et des failles de tout le système étatique.

La religion et la tribu sont encore deux dangers permanents auxquels fait face la famille puisqu’ils apparaissent comme exigences dans certains milieux vitaux comme des conditions sine qua non de mariage.

Une brève étude que nous avons menée a révélé que certaines religions en RDC comme les témoins de Jéhovah, les apostolo (Babas), les Brahmanistes et dans une moindre mesure certaines églises dites de réveil, n’admettent pas qu’un de leurs membres se marie à quelqu’un qui est étranger à leur doctrine ou à quelqu’un qui appartient à une église différente.

D’autres familles en RDC estiment qu’elles ne peuvent donner leur enfant (fille ou garçon) en mariage à quelqu’un qui n’est pas de leur tribu. Les tenants de cette position considèrent que la disparité des cultures, des us et des coutumes au sein d’une famille est une germe des mésententes au sein du couple.

Nous pouvons tirer plusieurs illustrations de ce phénomène dans nos fréquentations et dans notre très proche entourage :

- Deux amis avec qui nous avons fini à la faculté de droit de l’université de Kinshasa en 2001, sont liés en amour depuis environ 13 ans ne se sont pas encore mariés pour la seule raison que le garçon est apostolo alors que la fille est témoins de Jéhovah. Les deux subissent chacun de son côté des pressions de leurs familles et de leurs églises respectives pour ne jamais se marier, nonobstant le fait qu’ils sont tous d’une même tribu.

- Un autre ami avec qui j’ai été à la faculté vient de divorcer d’avec sa femme au bout de trois ans seulement de mariage. Raison ? La femme qui est apostolo avait des manières bizarres de prier et ne se soumettait plus à son mari qui est catholique. Les deux sont cependant d’une même tribu. Dans la famille de l’homme, le fait que le couple ait donné lieu à deux enfants infirmes est interprété comme la conséquence de l’attachement de la femme à des pratiques magico religieuses de la religion apostolo.

- Un de mes frères qui est catholique a épousé dans une famille des témoins de Jéhovah. Les parents de la fille ont refusé de prendre la dot et de venir au mariage de leur fille, considérant qu’elle est allée dans une perdition. Les éléments de discordance dont que le garçon n’est ni de la religion de la fille, ni de sa province (Kasaï). Le fait que ce couple n’ait eu aucun enfant depuis 3 ans est interprété comme la conséquence du mauvais sort jeté sur lui par les parents de la fille et perturbe de plus en plus la paix des époux, aujourd’hui au bord de l’éclatement.

Un autre point où les croyances religieuses deviennent un danger pour la famille c’est la montée d’accusation de sorcellerie au sein des familles, particulièrement dans celles où l’homme et la femme ont une disparité de cultes.

Il est courant que des pasteurs, surtout ceux des églises dites de réveil, accablent d’accusation l’époux qui n’est pas du culte de l’autre d’être à la base d’un malheur qui frappe la famille, son conjoint ou un des membres de la famille.

Section II. QUELQUES RECENTES AMELIORATIONS DE LA PROTECTION

Elles sont essentiellement légales et jurisprudentielles. Elles touchent indirectement la famille en considérant particulièrement la protection de l’enfant et de la femme ; celle-ci étant considérée comme génitrice, souvent porteuse et gardienne de la vie et source de la cohérence et de la paix au sein de la famille.

Dans le domaine particulier des violences sexuelles, l’article 15 de la Constitution dispose que: « les pouvoirs publics veillent à l’élimination des violences sexuelles. Sans préjudice de l’application des traités et accords internationaux, toute violence sexuelle faite sur toute personne, dans l’intention de déstabiliser, de débloquer une famille et de faire disparaître tout un people est érigée en crime contre l’humanité puni par la loi ».

Par ailleurs, il existe aussi depuis 2006 deux lois modernes et élaborées de manière très détaillée
[10], qui sanctionnent[11] les viols sous tous leurs aspects[12] et rend inopérant sur le plan juridique le consentement de la victime. La loi dit que le consentement de la victime ne peut ni être déduit des paroles ni de la conduite ni du le silence ou du manque de résistance dans le chef de la victime.

Cette définition très large et complète était nécessaire pour couvrir les innombrables variétés de violences commises contre les femmes et qui n’étaient pas couverte par la loi précédente
[13]. En effet le viol tel que définit avant 2006, ne couvrait pas l’entièreté de l’étendue des crimes sexuels comme par exemple les viols commis sur des hommes[14].

Les deux lois sur les violences sexuelles prennent largement en compte la protection des personnes les plus vulnérables notamment les femmes, les enfants et les hommes victimes des infractions de violences sexuelles.

L’art 1er de la loi du 20 juillet 2006 établi en autre le principe du défaut de pertinence, de la qualité officielle et « de l’ordre hiérarchique en matière d’infractions relatives aux violences sexuelles
[15].

Pour ce qui est de la protection de l’enfant, notamment par rapport à la guerre, la RDC a aussi voté une loi spécifique en janvier 2009. Elle abroge le décret du 06 décembre 1950 sur l’enfance délinquante et introduit plusieurs innovations et d’énormes défis doivent être relevés pour sa mise en application.

Elle apporte beaucoup d’innovations, notamment en ce qui concerne la mendicité et le vagabondage qui sont passés des faits de déviance à des situations difficiles dans lesquelles se trouvent les enfants et qui nécessitent des mesures spéciales de protection de la part de l’État (article 62).

Elle met en place des tribunaux spéciaux pour enfants qui ne traiteront que les dossiers des mineurs contrairement aux tribunaux de paix actuels (articles 84, 200), un corps des assistants sociaux au bénéfice des enfants (articles 74,76) ainsi que des mécanismes d’assistance par l’État aux familles démunies (articles 69).

Elle incrimine tout recrutement et toute utilisation des enfants dans les groupes et forces armés ainsi que dans la police (articles 71 et 187), tout délaissement ou abandon d’enfants (article 190), toute non-dénonciation des violences faites à l’enfant (article 192), toute abstention d’apporter secours à l’enfant en danger (articles 191 et 193), tout refus de donner des soins préventifs à l’enfant (article 195), etc.

Chapitre III. QUELQUES RECOMMANDATIONS POUR AMELIORER LA PROTECTION DE LA FAMILLE EN RDC

La famille doit être soutenue dans sa vie quotidienne et protéger contre les forces externes ou internes qui vise sa destruction et sa disparition. Voilà pourquoi nous visons ci-dessous deux principaux axes stratégiques d’intervention des acteurs significatifs.

Section I. REFORMES SOCIALES ET RENFORCEMENT DES CAPACITES DES INSTITUTIONS PUBLIQUES ET DE L’ETAT

§1. Réformer le domaine social

La pauvreté qui caractérise la vie de plus de 85% des familles congolaises doit amener l’Etat à mettre en place d’importantes réformes sociales, puisque, on le sait, cette pauvreté tire sa source principale du défaut des mécanismes de justice distributive dans la répartition des richesses nationales.

Il y a de longs mois que les fonctionnaires de l’Etat et autres professionnels qui émargent de son budget n’ont pas été payés. Le salaire ayant un caractère alimentaire et vital comme l’affirme le Code du travail, il est important que l’Etat initient ces reformes pour lutter contre la pauvreté au sein des familles.

Depuis de longs mois, des pères et des mères des familles qui travaillent pour l’Etat n’ont pas reçu leurs salaires, alors que les dirigeants politiques s’enrichissent si nonchalamment au vue et au su de tous les citoyens. Impuissants, les parents regardent ainsi leurs enfants mourir de faim, d’illettrisme, devenir mendiants et d’autres maux qui participent de ce dénuement matériel.

En effet, la protection de la famille, de la vie et de l’enfant en République Démocratique du Congo ne saurait se passer de la question essentielle du revenu familial qui semble conditionner l’harmonie familiale, la sécurité pour les enfants et un lendemain meilleur.

A côté de l’exigence d’une justice dans la répartition des richesses nationales, l’Etat doit être renforcé dans ses capacités responsives sur le plan institutionnel face aux demandes de protection de la famille, de la vie et de l’enfant en considérant que cette réponse ne doit pas seulement s’arrêter à l’adoption de nouvelles lois et à la mise en place de nouvelles institutions chargées de cette protection.

A tire illustratif, l’Etat doit mettre en place des mécanismes de suivi de l’application, et surtout de la bonne application des lois qu’il adopte, mais aussi doter des capacités suffisantes les institutions qui ont en charge la protection de la vie, de l’enfant et de la famille. Il s’agit essentiellement des capacités matérielles, budgétaires et intellectuelles pour leurs animateurs.

Par ailleurs, les hôpitaux, les écoles, les centres de formation et d’éducation à divers niveaux, les orphelinats et tous les autres établissements à caractère social qui recueillent les enfants rejetés et les femmes en détresse devraient être intégrés dans une nouvelle politique sociale du gouvernement.

§2. Renforcer les capacités responsives de l’appareil étatique

Ces capacités doivent à la fois viser la lutte contre l’impunité des crimes perpétrés contre l’ordre familial et la réparation des préjudices subis à l’occasion de leur perpétration. Elles doivent aussi viser le domaine de la protection des membres de la famille (les enfants notamment qui sont des personnes fragiles et vulnérables) et le renforcement des capacités économiques des familles (notamment en payant les salaires dus aux fonctionnaires de l’Etat).

La lutte contre l’impunité est un vaste champs d’intervention de l’Etat qui touche à la fois l’amélioration des conditions de travail des acteurs policières et judiciaires ainsi que le renforcement des capacités opérationnelles de ces acteurs sous payés, sous équipés et plongés, pour la plupart, dans la corruption et l’inefficacité.

Section II. CONSCIENTISER LES LEADERS RELIGIEUX ET CEUX DE LA SOCIETE CIVILE

§1. Face à la donne religieuse et tribale

Les leaders religieux ont un important rôle à jouer dans la protection de la famille. Et comme le disait Benoît XVI en mars 2006 lors d’une réunion avec le clergé de Rome, « l’Eglise doit aider à sauver la famille ».

Pendant qu’il rencontrait le clergé de son diocèse et qu’il s’entretenait sur « les défis que l’Eglise doit affronter », le pape a interpellé les responsables de l’église catholique sur l’importance pour eux de s’impliquer dans la protection de la famille, aujourd’hui objet de moult attaques.

Les leaders de l’église catholique qui a le mérite de jouer un important leadership en RDC devraient par exemple mettre sur pied des programmes spécifiques d’enseignement dans des écoles, dans des médias ou dans diverses rencontres des jeunes et des couples.

Ces programmes devraient viser un plaidoyer et une sensibilisation à un très grand rayon sur les défis auxquels fait face la famille ainsi que sur les mécanismes qui devraient être mis en place pour sauver cette institution de plus en plus en détresse.

Et face à l’intolérance qui participe des discours de certaines églises, ces mêmes leaders pourraient être à la base des prédications spécifiques sur l’unicité de la race humaine, le sens du mariage, sa vocation ainsi que le respect dû à cette institution divine.

Plusieurs jeunes (une vingtaine des filles et des garçons) interrogés par nous en septembre 2009, à Kinshasa, sur ce qu’ils pensent du mariage ont répondu que « le mariage est une simple obligation sociale ».

Pour ces jeunes « lorsqu’un garçon ou une fille a un certain âge, il doit se mmarier pour éviter d’être considéré comme un ‘etula’ (mot lingala, une langue parlée à Kinshasa et qui signifie à peu près ‘résidu social’) ».
Par ailleurs il est urgent que l’Etat face respecter la loi par celles-ci en sensibilisant et en interpellant, le cas échéant, les leaders religieux sur leur rôle dans le maintien de l’harmonie sociale et familiale.

Les principes à faire valoir devraient chrétiens et légaux, fondés notamment sur le fait que « toute personne a la liberté de se marier à la personne de son choix et de fonder une famille avec celle-ci ».

La société civile a aussi un rôle à jouer dans la sensibilisation sur le fait que le tribalisme est irrespectueux de l’unicité du genre humain et dans le sens que l’intolérance religieux, comme toutes les autres formes d’intolérances, amènent au déchirement de la société dont à la base la famille.

§2. Un engagement plus vif de la société civile

La société civile doit se tracer une nouvelle ligne de réflexion et d’action, à savoir : la protection de la famille et la lutte cotre tous les dangers que nous décrivons plus haut et auxquels elle fait face.

Ceci suppose qu’elle se forme et s’informe au quotidien sur le contexte en lien avec la famille et qu’elle se dote des capacités de monitoring, de rapportage et de plaidoyer sur les défis auxquels la famille fait face à ce jour en RDC. Dans ce cadre, elle devra être un centre de dénonciation de toutes les atteintes à l’ordre familial, à la vie et à l’enfant.

Dans un effort souvent renouvelé, plusieurs leaders de la société civile ont déjà mis en place des programmes spécifiques, notamment pour ce qui est de la récupération des enfants dits sorcier, dont le nombre est de plus en plus croissant.

D’autres leaders ont mis en place des mécanismes de protection des femmes en détresse. Il s’agit principalement des filles-mères rejetées par leurs familles ou par les géniteurs des enfants à qui elles ont donné vie à qui il est offert un cadre professionnel et même de fois résidentiel.
[1] (J.O.Z., no spécial, 1er août 1987)
[2] Genèse
[3] Qui est une des modalités de dissolution du mariage et qui résulte d’une décision judiciaire à la demande de l’un des époux.
[4] Il s’agit du Nord et du Sud Kivu, du Maniema, de la Province orientale et du Katanga. Lire à ce titre le http://www.womensrightscoalition.org/site/advocacyDossiers/congo/tablesexualviolence_fr.php et le http://web.amnesty.org/library/Index
[5] http://www.icrc.org/web/fre/sitefre0.nsf/htmlall/congo-kinshasa-feature-201207
[6] Rendu public en fin février 2008.
[7] Il s’agit principalement de différents groupes Maï Maï, des FDLR, des éléments de la LRA, des éléments du CNDP ainsi que des bandits armés et isolés opérant en toute impunité. « Rapport de l’expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en République Démocratique du Congo », A/HRC/7/25, pp.12-15.
[8]Lire le www.with.jrs.net/files/VS_RDC.pdf et le www.unfpa.org/emergencies/symposium06/docs/centralafricanrepublicdaytwosessionfivec.ppt
[9] Au cours de l’année 2007, la Commission Provinciale de Lutte contre les Violences Sexuelles appuyée par l’UNFPA a enregistré 2.648 nouveaux cas contre 2.471 en 2008 au premier semestre, dont 99,9 % de femmes et 0,2 % d’hommes. Près de 64 % des auteurs sont des hommes en uniforme, 35,4 % des civils et 0,5 % des personnes non autrement identifiées. Ces auteurs de viols dont 60 % sont des adultes et 31 % des mineurs de moins de 18 ans sont généralement des personnes ayant subi des traumatismes divers non pris en charge.

[10] Cette Loi comprend la Loi No 06/018 de 20 juillet 2006, complétée par la Loi No 06/019 de 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret de 6 août 1959 portant Code de Procédure Pénale.
[11]“Aura commis un viol, soit à l’aide de violences ou menaces graves, ou par contrainte à l’encontre d’une personne, directement ou par l’intermédiaire d’un tiers, soit par surprise, par pression psychologique, soit à l’occasion d’un environnement coercitif, soit en abusant d’une personne qui, par le fait d’une maladie, par l’altération de ses facultés ou par toute autre cause accidentelle, aurait perdu l’usage de ses sens ou en aurait été privé par quelques artifices : (a) tout homme, quelque soit son âge, qui aura introduit son organe sexuel, même superficiellement dans celui d’une femme ou toute femme, quel que soit son âge, qui aura obligé un homme à introduire même superficiellement son organe sexuel dans le sien"
[12]«b) tout homme qui aura pénétré, même superficiellement l’anus, la bouche ou tout autre orifice du corps d’une femme ou d’un homme par un organe sexuel, par toute autre partie du corps ou par un objet quelconque ; c) toute personne qui aura introduit, même superficiellement, toute autre partie du corps ou un objet quelconque dans le vagin ; d) toute personne qui aura obligé un homme ou une femme à pénétrer, même superficiellement son anus, sa bouche ou tout orifice de son corps par un organe sexuel, pour toute autre partie du corps ou par un objet quelconque. »
[13] Décret du 27 juin 1960 et l’Ordonnance-Loi n° 78-015 du 04 juillet 1978 du code pénal congolais à son article 170
[14] Pour une analyse plus complète de ces articles : RFDA, RFDP et International Alert, «Le Corps des Femmes comme Champ de Bataille Durant la Guerre de la RDC», 2004; HRW « RDC- La guerre dans la guerre », juin 2002,
[15] Art. 1er, Loi n. 06/018 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 30 Janvier 1940 portant Code pénal Congolais, Section X, Du défaut de pertinence, de la qualité officielle et de « l’ordre hiérarchique en matière d’infractions relatives aux violences sexuelles ». L’article 42 lit comme suit : « La qualité officielle de l’auteur d’une infraction relative aux violences sexuelles ne peut en aucun cas l’exonérer de la responsabilité pénale ni constituer une cause de diminution de la peine ». L’art 42 (ter) dispose : « L’ordre hiérarchique ou le commandement d’une Autorité légitime civile ou militaire n’exonère nullement l’auteur d’une infraction relative aux violences sexuelles de sa responsabilité ». _________________________________________

L'auteur défend les libertés dans un pays en voie de devenir un Etat, une République et une Démocratie...