mercredi 5 août 2009

Le CERJI entend lancer des échanges avec les Barreaux et les BCG de la RDC pour proposer des réformes nécessaires à la protection de la femme et de l’


Les guerres qui sévissent en République Démocratique du Congo (RDC) depuis environ 15 ans ont tout particulièrement affecté les populations civiles parmi lesquelles les femmes et les enfants.

Des rapports des Nations Unies et de la Société civile indiquent que les femmes et les enfants sont au quotidien des victimes des violences sexuelles, des recrutements forcés au sein des rangs combattants des groupes armés, de réduction à l’esclavage sexuel, etc., notamment dans toutes les provinces du nord, du sud et de l’est du pays.

Les viols et les violences sexuelles sur les femmes et les jeunes filles ainsi que, dans un plus petit nombre, de jeunes garçons, ont été commis surtout par des membres de groupes armés qui s’affrontent ainsi que par les forces de sécurité.

Pourtant plusieurs accords de paix ont engagé le gouvernement et les différents groupes armés à mettre fin à ces violations et à traduire en justice toutes les personnes qui continueraient à les commettre.

Tout récemment, différents groupes armés signataires d’autres accords de paix se sont engagés à une « …observation stricte des règles du droit international humanitaire et des droits de l'Homme», et notamment à l’« arrêt des actes de violence, d'exaction, de discrimination et d'exclusion, sous toutes formes, à l'égard des populations civiles, particulièrement les femmes et les enfants, les personnes âgées et les personnes avec handicaps ».

Tous ces accords demeurent quasiment non appliqués par les parties. Et en dépit de l’inauguration par le pays d’une importante réforme politique et institutionnelle à l’issue des élections organisées en 2006, un climat d'impunité et de violence persiste contre la population dans son ensemble.

D’une part, les cours, tribunaux, parquets, auditorats et les Barreaux continuent à observer, impuissants là scène d’exactions et des violations du droit international humanitaire contre les femmes et les enfants. D’autre part, les groupes armés continuent à commettre des viols et d’autres formes de violences contre les mêmes populations civiles parmi lesquelles les femmes et les enfants.

La justice congolaise devrait tirer tout le bénéfice des engagements de différents groupes armés et du gouvernement en faveur de la paix et du respect des droits de l’homme, en étant à la base des actions, même simplement pédagogiques, pouvant par exemple consister en des ouvertures d’informations judiciaires sur des cas rapportés, notamment par des organisation crédibles.

De même, les Barreaux, en tant que corps d’indépendants et des défenseurs des droits de l’homme, à travers leurs BCG, devraient acquérir plus des capacités et devenir proactifs dans la sensibilisation de la population qui souffre d’un manque criant de savoir sur ses droits et les possibilité de les défendre en justice ainsi que dans la fourniture effective des consultations gratuites à cette population, donnant un accent particulier sur la situation des femmes et des enfants.

Dans des provinces où les BCG n’existent pas de manière concrète ou ne fonctionnent pas de manière adéquate, cette question soulève l’urgence de proposer à l’autorité compétente d’entreprendre des réformes nécessaires.

Pour rappel les recrutements forcés des enfants dans les groupes combattants, les viols et d’autres formes de violences sexuelles constituent des infractions au droit international humanitaire
[1] et une violation des normes internationales des droits de l’homme contenue dans une série d’instruments spécifiques auxquels la RDC est partie [2]. Sur le plan interne les violences sexuelles et le recrutement forcé des mineur, la réduction à l’esclavage sexuel,… constituent également des infractions aux lois pénales et peuvent selon les cas être qualifiées comme crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

Il est important de noter cependant que dans un élan de lutte contre l’impunité de graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire, depuis 2003, seulement moins d’une vingtaine des décisions judiciaires plus ou moins courageuses ont été rendues par la justice congolaise sur les violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire.

En dehors de graves lacunes qui caractérisent la plupart de ces décisions judiciaires et d’une déficience qu’elles portent sur le point de la protection des femmes et des enfants, environ 90% d’entre elles n’ont jamais connu le moindre début d’exécution.

Entretemps, de nombreuses femmes et de nombreux jeunes continuent à vivre dans un traumatisme subséquent à leur injuste victimité jamais réparée.

Ce traumatisme est exacerbé par leur incapacité financière à accéder à la justice institutionnelle, par l’éloignement géographique de celle-ci, par l’indifférence et le manque de volonté de la justice ou simplement par le faible engagement des plaideurs en faveur des indigents parmi lesquels on compte les femmes et les enfants.

Il est, par exemple, noté que dans plusieurs de ces décisions judiciaire des femmes et des enfants n’ont pas bénéficié d’une assistance adéquate des plaideurs, notamment lorsqu’ils ont laissé des juges débouter des victimes des viols qui n’ont pas été à même d’identifier clairement leurs bourreaux sans tenir compte des circonstances matérielles et d’espace dans lesquels les viols avaient été commis ou lorsque les plaideurs ont laissé des juges déterminer de manière peu objective des principes des réparations civiles à accorder aux victimes.

Le renforcement des capacités voulues pour les BCG devrait être une conséquence des réformes sectorielles mises en œuvre par des institutions compétentes, parmi lesquelles le ministère de la justice et le parlement.

De manière générale, ce renforcement des capacités devrait viser à doter les BCG des moyens tant matériels, techniques qu’intellectuels pour une efficiente opérationnalité.

De façon spécifique, ce renforcement des capacités devrait viser à faire acquérir aux BCG une approche fondée sur la protection et la promotion des droits de l’homme, une préoccupation de lutter contre l’impunité ainsi qu’une pro activité dans la mise en œuvre des mécanismes de protection des femmes et des enfants victimes, témoins ou impliqués à quelque titre dans des procès sur les graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire.

Dans un nouvel engagement en faveur des femmes et des enfants, les BCG devront intérioriser les réalités locales et nationales tournant autour du fait que les femmes et les filles victimes de viols subissent dans une large mesure une discrimination sociale et qu’ils font souvent objet de rejet de la part de leurs familles et des communautés.

Les BCG devront aussi intérioriser le fait que les coupables des violations demeurent souvent impunis ; ce qui explique aussi pourquoi par découragement pour les uns ou par révolte pour les autres, seule une partie des violences touchant au sexe est signalée par les victimes.

Trois jours d’échanges avec les responsables des Barreaux et des BCG sont dès lors justifiés pour élaborer un document stratégique contenant des propositions des réformes à même d’engager plus efficacement les Barreaux et les BCG dans une lutte plus affirmée contre l’impunité et dans la protection des personnes vulnérables au compte desquelles les femmes et les enfants.
[1] L'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève prohibe « a) les atteintes portées à la vie et à l'intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les traitements cruels, tortures et supplices […] ; c) les atteintes à la dignité des personnes, notamment les traitements humiliants et dégradants […] ». Par ailleurs, le Protocole II additionnel aux Conventions de Genève prohibe en son article 4 : « les atteintes portées à la vie, à la santé et au bien-être physique ou mental des personnes, en particulier le meurtre, de même que les traitements cruels tels que la torture, les mutilations et toutes formes de peines corporelles ; les punitions collectives ; la prise d'otages ; les actes de terrorisme ; les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants, le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à la pudeur ; l'esclavage et la traite des esclaves sous toutes leurs formes ; le pillage; [et] la menace de commettre les actes précités ».
Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), que la RDC a ratifié mais qu'elle n'a pas encore adopté dans sa législation nationale, dispose que le viol, les violences sexuelles et l'esclavage sexuel constituent des crimes de guerre lorsque ces actes sont commis dans le cadre de conflits armés présentant ou non un caractère international. Qui plus est, le Statut de Rome dispose que le viol, les violences sexuelles et l'esclavage sexuel constituent des crimes contre l'humanité lorsque ces actes sont « commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile ». Le viol, les violences sexuelles et l'esclavage sexuel peuvent également constituer un crime de génocide lorsque ces actes sont commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, racial ou religieux.

[2] Les États parties au Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits des femmes, adopté en 2003, sont spécifiquement tenus, aux termes de l'article 11, de protéger les femmes dans les conflits armés « contre toutes les formes de violence, le viol et autres formes d'exploitation sexuelle et [de] s'assurer que de telles violences sont considérées comme des crimes de guerre, de génocide et/ou des crimes contre l'humanité et que les auteurs de tels crimes sont traduits en justice devant des juridictions compétentes ».
_________________________________________

L'auteur défend les libertés dans un pays en voie de devenir un Etat, une République et une Démocratie...