mercredi 25 juin 2008

Les contrats miniers en RDC



RAPPORT NARRATIF DE L’ATELIER SUR L'NALYSE DES CONTRATS MINIERS Kinshasa, Maison des Droits de l’Homme - Du 12 au 13 mai 2008

I. INTRODUCTION

Il s’est tenu, du 12 au 13 mai 2008 à la Maison des Droits de l’Homme de Kinshasa (MDH), un atelier sur « l'analyse des contrats miniers en République Démocratique du Congo ».

Cet atelier auquel ont pris part plus d’une vingtaine des défenseurs congolais des droits de l’homme et ceux venus essentiellement du Canada et des Etats-Unis a été organisé par le Centre Carter et dirigé par une délégation américaine venue de la faculté de Droit de l'Université de Columbia. Elle était dirigée par le professeur Peter Rosenblum.

Parallèlement au travail effectué par la Commission gouvernementale sur la révisitation des contrats miniers passés par la RDC, l’équipe de l’université de Columbia est venue proposer aux participants de cet atelier une analyse indépendante faite par elle sur une soixantaine d’entre les contrats mis en cause.

Pour proposer des pistes d’observation et d’analyse sur ces contrats en vue de parvenir éventuellement à leur renégociation ou à leur révisitation, l’équipe de l’université de Columbia a analysé les circonstances (contexte) dans lesquelles ces contrats ont été conclus, leurs aspects financiers non contractuels, des éléments liés à la gouvernance, aux questions sociales, juridiques et environnementales pour le développement de la RDC.

Tel ayant été l’objectif principal de l’atelier, cette analyse de l’équipe venue des Etats-Unis a été partagée et enrichie par les participants.

Les autres objectifs visés par l’atelier ont visé à fournir aux participants les outils et les informations qui leur permettraient :
- d’analyser l’ensemble des contrats miniers (actuels et futurs) en RDC ;
- d'exiger la transparence des contrats en vue de la satisfaction des intérêts de la population ; et
- de mener un travail de sensibilisation efficace sur l'importance des contrats pour l’avenir et le développement du pays.

L’équipe de l’université de Columbia a travaillé pour aider les participants à comprendre les termes techniques des contrats, leur portée ainsi que leur répercussion sur le développement du pays.

Elle a identifié les éléments des contrats qu’il conviendrait de modifier et aidé les participants qui travaillent à la base avec la population à comprendre l’importance pour celle-ci à acquérir des connaissances nécessaires pouvant l’aider à assurer un contrôle efficace sur ses représentants dans le domaine en l’occurrence.

Il s’agit là essentiellement des aspects environnementaux que la population est aussi appelée à sauvegarder par sa surveillance en permanence pour son bien être.

L’autre question qui a retenu l’attention est l’état actuel du travail de la commission gouvernementale sur l’examen des contrats mis en cause. Elle a été examinée dans un échange entre l’équipe venu des Etats-Unis et les participants.

Au constat que le processus se poursuit dans une dorme qui ne garantit pas la transparence, les participants ont formulé des recommandations tenant tant à l’efficacité avec laquelle ils entendent impulser la renégociation de ces contrats qu’à l’efficience de ladite action.

Ces recommandations constitueront, en gros, une commune stratégie participative et proactive des participants et de la société civile sur le processus de renégociation des contrats, en visant que ce processus soit caractérisé par une totale transparence et la sauvegarde des intérêts majeurs du pays.

Parmi les cas didactiques que l’équipe de l’université de Columbia a utilisé pour son analyse il y a plusieurs contrats portant sur le cuivre et le cobalt, conclus avec les entreprises Nicanor, Kinross Forrest, Emiko et KMT.

Une attention particulière a été mise sur les clauses pertinentes des ces contrats en déterminant leurs implications juridiques, financières, environnementales et sociales pour le pays.

Pour cette analyse, la méthodologie a essentiellement été comparative prenant en compte des réalités similaires sur les mêmes questions dans des pays comme le Tchad et le Libéria.

La comparaison a aidé les participants à pouvoir émettre une critique fondée sur la rédaction de différentes clauses à problème dans les contrats pour en distinguer les éléments problématiques.

Les participants ont pu se familiariser, à la fin, avec les différentes options envisageables pour la rédaction des clauses des contrats miniers, notamment en ce qui concerne la sécurité, la protection environnementale et sociale, l’intérêt de l’Etat, la possibilité de résiliation d’un contrat par l’Etat en cas de nécessité pour utilité publique, les équilibres économiques à travers entre autres la représentation au sein des organes des entités économiques créées à la suite des contrats, etc.


II. ANALYSE DES CONTRATS

Les déficiences et lacunes importantes qui ressortent de l’analyse faite sur les contrats par l’équipe de l’université de Columbia se résument dans les quelques points ci-après :

- Fautes de langage, dédoublement des dispositions, qui démontrent le manque même de soin et de sérieux dans la rédaction et la négligence, la mauvaise qualité des négociations et des négociateurs.
- Clause de stabilisation toujours en défaveur des intérêts de l’Etat et confortant la position de l’entreprise privée partenaire particulièrement dans tous les cas de changement intervenus dans la situation politique ou législative du pays.
- Présence d’extraordinaire exemptions fiscales au détriment des finances publiques de l’Etat.
- Charge sécuritaire au bénéfice l’entreprise privée partenaire à assumer par la société qui ne tire aucun bénéfice en contrepartie de l’obligation assumée.
- Absence des éléments essentiels touchant à la question même de la gouvernance et de la responsabilité des gouvernants dans l’avenir et le développement du pays.
- Détermination des prix et des redevances à verser à l’Etat par les entrepreneurs eux-mêmes avec des conséquences évidentes encore une fois sur la fiscalité notamment face à la malhonnêteté dans les déclarations relatives aux assiettes fiscales.
- Un des grands problèmes est que la commission des révisitation des contrats n’a pas été accompagnée ni soutenu par la communauté internationale, contrairement à la situation qui a prévalu au Libéria.
- Il faut faire attention : la légalité ou la légitimité des contrats ne se posent pas comme problèmes pour la renégociation des contrats. Ces questions ne peuvent pas être importantes ni essentielles pour la révisitation des contrats. Les paradigmes sont politiques, économiques et déterminent les intérêts sociaux à sauvegarder ou à faire valoir en toutes circonstances d’une décision ultime de l’Etat.
- Manque de publication, opacité, manque de transparence et d’outils ou des structures de contrôle de la passation et de l’exécution des contrats.
- Déséquilibre et absence des charges réelles pour l’investisseur en terme du contenu du capital social (montant), des obligations fiscales, déséquilibre dans la composition des conseils d’administration au bénéfice de l’investisseur, beaucoup d’exonération administratives, etc.
- Absence dans les contrats, de la possibilité pour l’Etat de résilier le contrat pour des intérêts nationaux.
- Tous les contrats prévoient un arbitrage international en cas de conflit.


Tous ces points soulevés reposent donc un besoin urgent d’une renégociation saine des contrats pour l’intérêt du pays, avec l’implication de la société civile à tous les niveaux du processus.


III. RECOMMANDATIONS ET STRATEGIES

Tout en déplorant de n’avoir pas pris une part plus active au travail de la commission gouvernementale, les participants ont formulé les recommandations ci-après, en les envisageant comme leurs stratégies pour la révisitation et la renégociation des contrats en cause :

- Mise en place d’une structure efficace et d’envergure en demandant une assistance de la communauté internationale (le modèle pourrait être calquée sur le modèle de la Zambie) pour l’examen et le suivi du travail de la commission gouvernementale ;
- Consolider les conclusions de cette commission qui, à ce jour, sont insuffisantes pour guider l’action du gouvernement dans le rétablissement de la justice en faveur du pays ;
- Y intégrer les points de vue des experts des domaines connexes à l’exploitation minière ;
- Exploiter tous les documents publiés sur le site du ministère en charge des mines et celui en charge des finances (rapports de la commission de révisitation, lettre du ministre aux exploitants signataires des contrats, etc.) ;
- S’investir à donner des points de vues communs maintenant à la commission interministérielle dont le travail pourrait être guidé par de simples paramètres subjectifs et politiques ;
- Inventorier les exigences sociales, environnementales, financières, et autres qui devront guider la question de la renégociation ;
- Exiger un peu plus de transparence dans cette dernière opération ;
- Identifier et dénoncer tous les intermédiaires du domaine minier qui sont à la base du flou dans cette histoire, qu’ils soient du pouvoir ou non. C’est un gage pour obtenir réellement quelque chose dans cette renégociation ;
- La position doit être prise à la fois sur la forme et sur le fond ;
- Avoir le même regard sur les contrats chinois que tous les autres passés par la RDC depuis la période de la transition ;
- Renforcement des capacités de la société civile sur les questions d’analyse des contrats frappés d’un caractère publique (étatique). Il a été établi que les ong ont de la volonté, mais pas nécessairement des capacités ;
- Faire un travail de référence et anticipatif comme guide (vade-mecum, grille de lecture de la régularité ou de l’irrégularité d’un contrat passé par l’Etat) ;
- Implication des médias et des ong du domaine des médias sur la question de la transparence dans la passation et l’exécution des contrats passés par le pays.
- Il a été demandé au Forum de la Société Civile, en collaboration avec le centre Carter, d'assurer le suivi de l'atelier dans le domaine du renforcement des capacités des ONG, de l'appropriation du livre sur les 12 contrats miniers et de la vulgarisation du code minier.

A la fin des échanges, Maître Charles-M. MUSHIZI du Centre d’Echanges pour des Réformes juridiques et Institutionnelles (CERJI) a été consensuellement désigné pour la rédaction du premier draft du rapport du déroulement de l’atelier.

Consensuellement, une nouvelle fois, deux autres personnes (Père Ferdinand MUHIGIRWA du CEPAS et Albert KABUYA du CENADEP) ont été désignés comme lecteurs et correcteurs dudit draft avant sa distribution à tous les participants au éventuellement aux partenaires.






Fait à Kinshasa, le 14 mai 2008