lundi 26 mai 2008

Violences sexuelles en RDC




ANALYSE CONTEXTUELLE - VIOLENCES SEXUELLES DANS LA PARTIE EST DE LA RDC


Depuis 1994, la République Démocratique du Congo (RDC) a connu une succession des guerres qui ont été caractérisées par d’énormes violences, des crimes graves et des violations massives des droits de l’homme. Les crimes les plus marquants ont consisté en des violences sexuelles souvent utilisées comme armes de guerre contre des personnes vulnérables (les femmes, les mineur(e)s et les vieillards). Et la partie du pays qui en a payé le lourd tribut est essentiellement constituée des provinces de l’Est.[1]

Des rapports estiment aujourd’hui le nombre de femmes adultes et mineures violées depuis le début de la crise à « plus de 40.000 dont 90% n’ont pu recevoir des soins médicaux appropriés ».

Ces chiffres pourraient être encore plus importants face au fait que dans des zones où sévit encore la guerre, il demeure difficile d’évaluer les dégâts notamment à cause de l’inaccessibilité des milieux laissant ainsi des populations enclavées avec des conséquences sur des personnes qui nécessitent des soins de santé ou d’autres formes d’assistance.
[2]

Selon le rapport de l’Expert indépendant sur les droits de l’homme en RDC, « les actes de violences sexuelles continuent à se multiplier à une vitesse alarmante en presque totale impunité. Des femmes enceintes, des personnes en détention, des mineurs et même des bébés sont victimes de viols individuels ou collectifs, commis dans une proportion toujours aussi inquiétante par les membres de la Police nationale congolaise (PNC), des FARDC » ainsi que des groupes armés opérant particulièrement dans la partie Est du pays
[3].

En témoigne, le 14 septembre 2007, des éléments de la PNC de Yanonge (province orientale) auraient violé huit femmes dont trois mineures âgées de 11 à 14 ans et une femme enceinte, sur instruction de leur commandant ; tandis que pour la seule province du Sud Kivu, on dénombre 14.200 cas des viols commis en l’espace de deux ans soit entre 2006 et 2007.
[4]

Les données rendues publiques par la Division Droits de l’Homme de la MONUC concernant la période située entre janvier 2005 et juin 2007, renseignent que le nombre des cas des victimes des violences sexuelles reçues dans des centres hospitaliers est de 31.900.

D’autres sources affirment que les violences qu’ont connu des femmes leur ont causé des répercussions sanitaires, notamment sur leur santé reproductive par le fait de la contamination au VIH/SIDA ou par le fait des lésions et infections ayant sensiblement atteint leurs organismes.
[5]

Les quelques cas qui ont bénéficié d’une attention ont essentiellement connu une prise en charge médico-sanitaire et psychosociale des victimes. Toujours selon la Division Droits de l’Homme de la MONUC seules 287 victimes sur 31.900 dénombrées ont pu obtenir l’ouverture des dossiers judiciaires contre les auteurs.

Une vision globale de protection des populations civiles et des victimes ne peut être complète sans une approche juridico-judiciaire impliquant une lute contre l’impunité des auteurs des violences sexuelles. Ceci constitue en même temps un mécanisme pour restaurer les victimes dans leur dignité et pour rétablir la confiance de celles-ci en la justice institutionnelle comme vecteur important de rétablissement des équilibres sociaux rompus.

L’accompagnement juridique et judiciaire des victimes est d’autant important qu’au vu du nombre limité des recours en justice pour celles-ci, l’inaction pérenniserait l’impunité et l’insécurité des populations civiles pendant des périodes troubles où elles constituent une proie facile notamment pour des hommes en armes et/ou en uniformes.

En effet, les difficultés qui freinent la condamnation des auteurs des violences sexuelles sont à la fois liées à l’ignorance des victimes, à leur manque de moyens financiers pour mobiliser l’appareil judiciaire ainsi qu’à la procédure militaire
[6], largement en défaveur des victimes surtout lorsque les auteurs sont des militaires haut gradés. A cela il faut ajouter qu’il n’existe pas la procédure de saisine directe du juge militaire par les victimes des violences sexuelles. Celles-ci sont obligées de subir toute la lenteur de l’auditorat après qu’elles y ont déposé leurs plaintes. Le juge militaire en cette matière ne peut être saisi que par l’auditorat.

Sur le plan judiciaire donc, en l’absence d’un système judiciaire fonctionnel et efficace, de nombreux règlements à l’amiable sont conclus à l’initiative ou sous l’autorité des chefs traditionnels, des responsables administratifs locaux, parfois même de la police, en violation de la législation de juillet 2006 réprimant plus sévèrement les violences sexuelles et réaffirmant l’interdiction de tels règlements à l’amiable.

Du point de vue de la législation sur les violences sexuelles la loi fixe des délais très stricts pour la conduite de la procédure. Dans la pratique, ces délais sont rarement respectés. Selon le rapport de l’Expert indépendant, « au Sud-Kivu par exemple, près de 80 % des dossiers de viols sont toujours en cours d’instruction depuis deux ans ».

Et s’agissant des mesures coercitives prises à l’encontre des inculpés, « les auteurs de violences sexuelles sont presque systématiquement laissés en liberté, alors que des indices sérieux de culpabilité existent contre eux et qu’ils représentent souvent une menace pour la sécurité des victimes et des témoins survivants ». Dans des cas où des auteurs appréhendés par la justice parviennent à obtenir la liberté provisoire, rares sont les cas où ils sont rappelés pour la suite de la procédure. Dans ces cas les dossiers sont simplement classés sans suite au détriment des victimes.

L’approche juridique de la prise en charge des victimes des violences sexuelles à travers un projet de « Lutte contre l’impunité des violences sexuelles », constitue une démarche efficace complémentaire aux autres actions sociales déployées en leur faveur.

L’objectif majeur serait de parvenir à des poursuites et à des condamnations parla justice des auteurs en vue de placer les victimes en situation d’obtenir des réparations des préjudices subis et d’améliorer leur situation à l’issue des solutions judiciaires demandées par elles-mêmes.


[1] Lire à ce titre le http://www.womensrightscoalition.org/site/advocacyDossiers/congo/tablesexualviolence_fr.php et le http://web.amnesty.org/library/Index
[2] http://www.icrc.org/web/fre/sitefre0.nsf/htmlall/congo-kinshasa-feature-201207
[3] Il s’agit principalement de différents groupes Maï Maï, des FDLR, des éléments de la LRA, des éléments du CNDP ainsi que des bandits armés et isolés opérant en toute impunité.
[4] « Rapport de l’expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en République Démocratique du Congo », A/HRC/7/25, pp.12-15.
[5]Lire le www.with.jrs.net/files/VS_RDC.pdf et le www.unfpa.org/emergencies/symposium06/docs/centralafricanrepublicdaytwosessionfivec.ppt
[6] Les violences sexuelles poursuivies comme crime contre l’humanité ne sont que de la compétence des juridictions miliaires congolaises, en attendant l’adoption et l’entrée en vigueur de la loi de mise en application du Statut de Rome en RDC.

Aucun commentaire: