lundi 26 mai 2008

Contexte en ITURI/RDC

RAPPORT DE CONTEXTE EN ITURI 1998-2006
A. BREVE PRESENTATION
L’Ituri est l’une de cinq principales subdivisions de la Province Orientale. Situé à l’extrême Nord-Est de la RDC, sur le parement occidental du Lac Albert, il s’étend sur une superficie d’environ 65.658 Km2. Il partage ses frontières avec deux pays, à savoir : l’Ouganda et le Soudan ; il a, en son sein, cinq Territoires administratifs, qui sont : Aru, Djugu, Irumu, Mahagi et Mambasa. Sa population, majoritairement jeune, était estimée, en 1995, à environ 1.750.000 habitants. A ce jour, ce chiffre pourrait être revu à entre 4 et 4,5 millions. La population de Ituri est composée des Pygmées, des Bantous, des Nilotiques, des Hamites et des Soudanais. Ses deux plus importantes ethnies, les balendu et les bahema, sont continuellement en conflit et même, de fois, en guerre ouverte, depuis plusieurs décennies notamment au cours du règne de Mobutu. Ces deux ethnies sont continuellement dans ce qu’on peut appeler « une guerre de leadership » en ce sens que chacune d’elles lutte pour occuper les postes de responsabilité les plus hautes en Ituri.
On note, qu’à cause des multiples guerres inter-ethniques que ce district a connues et subies, il y a une quasi-paralysie des activités économiques essentielles à la base. Le tissu économique a été complètement détruit, le réseau routier y est presque inexistant (comme dans tout le reste du pays, d’ailleurs), il y a difficultés d’accès aux soins de santé, à l’information, à l’école... A cela s’ajoute l’inexistence des institutions étatiques dans tout le domaine social et un faible fonctionnement des instances judiciaires, affaiblies par des guerres de positionnement, le manque d’effectifs suffisants en termes de personnel judiciaire, l’appauvrissement des populations devenues incapables d’accéder économiquement à la justice…
Sur le plan touristique, une étude de Radio Okapi[1], émettant à Kinshasa, rapporte que le tourisme, qui faisait jadis la fierté de l’Ituri, a complètement sombré dans le noir. Certains sites on été détruits, et d’autres sont occupés par des hommes en armes. Les voies d'accès sont insécurisées. Jadis, on faisait beaucoup de recettes et plusieurs visiteurs venaient visiter le site de Moyo, la chaîne de Mont-bleu, la réserve de faune à Okapi et Kulu ainsi que les beaux paysages du Lac Albert. C’était une industrie très rentable pour l’Etat »
L’Ituri est l'une des régions les plus riches du Congo avec des réserves en or, en diamants, en coltan, en bois et en pétrole. Les gouvernements étrangers, leurs soldats et de nombreux autres acteurs qui leur sont liés de façon officieuse, le régime de Kinshasa (entre 1996 et 2003) ont toujours cherché à jouir de ces ressources nombreuses et à forte valeur.

B. EVOLUTION DU CONTEXTE
Sur le plan politique et sécuritaire
L’Ituri a connu ses véritables premiers conflits armés au cours de premières années du règne de Mobutu. Aucune de deux ethnies majoritaires (bahema et balendu) n’a jamais toléré la désignation d’un membre de « sa rivale » à un haut poste de responsabilité politique locale. Ce conflit a été longtemps exploité sur le plan politique par le régime avec le principe « diviser pour mieux régner. » Le régime de Kinshasa pouvait aisément affaiblir toute opposition politique par des nominations tendant à favoriser tantôt l’une tantôt l’autre de ces deux ethnies, presque en les opposant l’une à l’autre, selon l’enjeu politique en place. L’Ituri est, à cet effet, une contrée en continuel processus de paix depuis plusieurs décennies.
Pendant que le règne de Mobutu sonnait le glas, après une première guerre en 1996, dite de « libération », menée par Laurent Désiré Kabila, la deuxième guerre qui a commencé en 1998 a eu le mauvais mérite de transformer Ituri en un enjeu politique, économique et sécuritaire ou mieux en une poudrière de guerres d’intérêts politiques, sécuritaires et économiques, attisées par la base ethnique. La guerre de 1998 a opposé, sur le sol congolais, la RDC, soutenue par l'Angola, le Zimbabwe et la Namibie à plusieurs mouvements insurrectionnels, à leur tour soutenu par l'Ouganda, le Rwanda et le Burundi. Tous ces mouvements insurrectionnels locaux soutenus par des armées étrangères n’ont pu être sélectionnés que sur base de l’élément ethnique. En 1999, les principaux protagonistes au conflit ont signé le protocole d’accord de paix de Lusaka, qui a permis le déploiement, une année plus tard (en 2000), d'une force des Nations Unies, MONUC, d’abord comme force d’observation, ensuite comme force d’imposition de la paix. L’échec de ce protocole dû au fait de n’avoir pas été respecté par les protagonistes au conflit, a fait resombrer le pays et même l’Ituri, dans une scission de fait avec des mouvements insurrectionnels, contrôlant chacun une partie du territoire. Il y avait presque autant de « Républiquettes » qu’il y avait des armées opposées les unes aux autres. Pire, les mouvements rebelles eux-mêmes se divisaient au sein d’eux-mêmes, ce qui rendait encore plus compliqué le processus de négociations.
En 1999, Wamba Dia Wamba, évincé de la présidence du RCD/Goma, a pu créer le RCD/ML, aile séparatiste, au sein duquel, trois ans plus tard, lui-même a été militairement chassé par Mbusa Nyamwisi, devenu le nouveau patron du mouvement séparatiste. Le point culminant des affrontements militaires en Ituri a été dont observé entre 2000 et fin 2002, pendant que le RCD/ML avait déplacé sa base de Kisangani à Bunia et cherché militairement à attaquer Wamba dia Wamba. Ces affrontements ont chaque fois exploité la donne ethnique : Wamba s'appuyant sur les balendu et Mbusa Nyamwisi, avec à ses côtés, un muhema[2] d’une certaine notoriété dans les affaires, John Tibasima, sur les bahema. Des milices sur place ont pu manifester leur adhésion à l’un ou l’autre mouvement insurrectionnel sur base ethnique. Après avoir militairement vaincu Wamba par le biais des bahema, Mbusa a cherché à rétablir un équilibre entre les deux ethnies. Il a ainsi approché les bahema puis, pour ne plus donner lieu à contestation entre les deux ethnies lors des désignations des cadres à des postes de responsabilité politique, il a nommé, en 2002, Jean-Pierre Molondo Lompondo, un kasaïen, au poste de gouverneur de Ituri ; poste tant convoité par l’une et l’autre de deux ethnies d’autant puis qu’il permettait à la fois de prendre le contrôle des forces militaires du RCD/ML.
Ce fut un nouvel élan de scission au sein du mouvement issu du RCD/Goma, parce que ceci a permis de limiter les ambitions politiques et militaires de Thomas Lubanga, un muhema, membre du RCD/ML et qui en assumait les fonctions de ministre de la défense, avant de créer sa propre milice. Lubanga a fait scission d’avec le RCD/ML en quelques mois plus tard en 2002, fondant son départ sur le manque de confiance entre lui et Mbusa Nyamwisi qui l’avait accusé d’avoir été à la base d’un attentat contre lui en assassinant, au cours de la même année, un de ses gardes rapprochés. Il y a eu des affrontements militaires entre les troupes fidèles à Mbusa et celles fidèles à Lubanga, regroupées au sein d’un nouveau mouvement appelé « Union des Patriotes congolais » en abrégé « UPC », avec comme base à Mandro, bourgade située à quelques Kms de Bunia. Dans leur guerre de leadership sur Ituri, les deux armées ont commis énormément de crimes graves contre la population civile, notamment contre les femmes et les enfants, une fois encore en exploitant la donne ethnique.
Les négociations inter congolaises ont commencé en 2002, à Sun City. Lubanga y a exploité à fond le discours « Ituri aux Ituriens » contre Mbusa, un ressortissant de l’autre province du Nord-Kivu (le présentant donc comme un étranger par rapport à Ituri) Une fois encore c’était l’usage de la donne régionaliste et ethnique pour abattre un adversaire politique et militaire. Par ce slogan, il a pu obtenir dans l’accord que Ituri devienne une entité administrative autonome à l’issue de la guerre. L’objectif était d’éloigner les non natifs d’Ituri de la sphère du pouvoir sur place. Ainsi, plus tard, le gouverneur Molondo (originaire du Kasaï) sera accusé de favoriser les balendu au détriment des bahema du fait d’avoir contribué à intégrer formellement une milice balendu dans les rangs des forces militaires du RCD/ML.
Les négociations de Sun City ont pu donner lieu à de nouvelles structures politiques mettant en exergue deux de plus importants mouvements insurrectionnels (le MLC – Mouvement de Libération du Congo et le RDC/ML - Rassemblement Congolais pour la Démocratie/Mouvement de libération) ainsi que le gouvernement de Kinshasa. La faiblesse de cet accord dit « Accord de Sun City » était qu’il n’avait pas connu l’adhésion d’un autre mouvement insurrectionnel, non de moins importants, le RCD/Goma (Rassemblement Congolais pour la Démocratie, dont le siège était à Goma, dirigé par Azarias Ruberwa), alors lourdement soutenu par le Rwanda.
Un rapport de HRW[3] démontre que jusqu'en avril 2002, le gouvernement de Kinshasa a joué un rôle mineur en Ituri mais qu’avec l'Accord de Sun City, il a cherché à avoir plus d'influence dans des zones du Nord-est du Congo, nominalement sous contrôle du RCD-ML, de fait occupées par l'armée ougandaise. Contrairement à l'Ouganda qui avait suffisamment manipulé plusieurs liens politiques locaux pour asseoir son pouvoir sur place, Kinshasa avait travaillé avec le RCD-ML et à travers lui, sur les balendu, les bangiti et quelques autres groupes locaux minoritaires. Dans ce jeu d’alliances, l’exclusion des bahema a terni la crédibilité de Kinshasa et d'autres qui leur étaient alliés. Une nouvelle fois il s’est agi d’une crise où la donne ethnique a été exploitée par des personnes au pouvoir.
Lorsqu'en novembre 2002, Museveni (sous la forte pression de Kinshasa et de la communauté internationale) avait signifié à ses marionnettes congolaises Mbusa et Lubanga que le temps de la paix était venu2, Lubanga a opté pour une alliance avec le rival de Museveni, Kagame. Le 6 janvier, Lubanga concluait un «accord de coopération militaire, économique et politique» avec les rebelles pro-rwandais du RCD-Goma. Un rapport sur la situation de l'Ituri, émanant de la coordination des ONG européennes au Congo, précise: «Les forces rwandaises, qui était absentes de l'Ituri depuis 1998, appuient ouvertement l'UPC. Au mois de février 2003, elles auraient acheminé à Mongwalu environ 50 hommes par jour par petits porteurs, à partir de Goma. Le 9 mars 2003, environ 10.000 militaires du RCD et de l'APR ont commencé l'attaque des territoires de Beni et Lubero en vue de faire la jonction avec l'UPC en Ituri. Cette attaque avait été préparée à Vitshumbi et à Bwito par des hommes de Kigali, notamment le général Alexis Kagame de l'armée rwandaise.» Cette nouvelle alliance constituait une menace directe pour l'Ouganda. Les armées ougandaise et rwandaise avaient en effet mené ouvertement trois guerres depuis 1999 sur le territoire congolais afin d'acquérir le contrôle de la riche ville diamantaire de Kisangani. La tentative de Kagame de contrôler toute la région frontalière entre l'Ouganda et le Congo était dès lors une véritable déclaration de guerre pour Museveni . Durant les mois de février et d'avril, on s'attendait à une guerre entre l'Ouganda et le Rwanda en Ituri. Le 6 mars 2002, les troupes ougandaises ont chassé Lubanga de la ville de Bunia[4].
Dans un effort de pacifier le pays et donc l’Ituri, devenu un territoire d’affronts de plusieurs armées y compris des armées étrangères, des pressions de la communauté internationale et des efforts diplomatiques dans la région des Grands Lacs ont abouti à des accords successifs entre la RDC et le Rwanda en 2002, entre la RDC et le Burundi et entre la RDC et l’Ouganda en septembre 2002, soit deux mois après la signature de l’accord entre la RDC et le Rwanda. Ces trois pays étaient connus comme principaux parrains des mouvements insurrectionnels, notamment en Ituri. L’objectif était donc de les désengager le plus possible du conflit pour affaiblir, par voie d’effet, les mouvements insurrectionnels qui bénéficiaient du soutien de ces armées et les amener à accepter l’échec de la guerre avec l’exigence de faire la paix. C’est ainsi que, plus tard, l’accord global et inclusif, qui a abouti à la formation d’un gouvernement et des institutions politiques issues des composantes naguère belliqueuses, a pu être signé.
Même l’implication de certaines armées étrangères aux côtés des mouvements rebelles dans Ituri a pleinement exploité la donne ethnique, pour l’exploitation illégale des richesses naturelles de la place. Dans une lutte de leadership sur la partie Nord-est du pays, le Rwanda et l’Ouganda s’étaient militairement affrontés à Kisangani en mai 2002. Cette division en a rajouté à la complexité des alliances militaires locales, offrant parfois de nouvelles opportunités aux groupes locaux pour qu’ils opposent l’une des puissances les soutenant à une autre. On note aussi, pour illustrer l’exacerbation de la donne ethnique par des armées étrangères, que connaissant le grand attachement de ces deux ethnies à la propriété foncière, l'armée ougandaise, qui avait des territoires entiers sous son contrôle en Ituri, avait cillement créé un conflit foncier entre les deux ethnies dans les zones sous son contrôle. Il s’était impliqué dans un conflit foncier entre les groupes ethniques bahema et balendu en 1999 jusqu'à son opération conjointe avec les milices balendu et bangiti pour déloger les bahema de Bunia en mars 2003. La propriété foncière est donc une question presque taboue en Ituri.
L’Ouganda avait déployé nombre de ses troupes combattantes sur Ituri pour soutenir, entre autres, Mbusa Nyamwisi. En début 2003, il avait décidé d’augmenter les effectifs de ces troupes, avec pour motif récurrent, la sécurité à ses frontières. Même en dépit de l’Accord global et inclusif qui venait d’être signé par les parties essentielles au conflit (du moins celles qui l’avaient accepté), la guerre en Ituri s'était intensifiée. Il est clair que la dispersion de l’armée de Mobutu et l’appui militaire de l’Ouganda et du Rwanda y avaient facilité une dissémination intense d’armes de guerre. C’est ce qui y explique entre autres la recrudescence quasi régulière des conflits armés. Néanmoins, avec les pressions de la communauté internationale, en juin 2004, les autorités ougandaises ont pu maîtrisé Lubanga et huit de ses coéquipiers pendant qu’ils étaient de passage à Kampala, puis les ont livrés au gouvernement de Kinshasa qui les avait assignés à résidence.
Dans une tentative de résoudre le problème de sécuritaire et de motiver les chefs rebelles à se désintéresser des guerres, Joseph Kabila a signé un décret en 2004 accordant des postes de général dans la nouvelle armée congolaise intégrée à six chefs de groupes armés de l’Ituri. Ce même décret a accordé des postes et des grades à trente-deux autres membres d’anciennes milices. Les divisions au sein du gouvernement de transition au sujet des ces nominations, n’ont pas empêché les nouveaux nominés de rejoindre les rangs de l’armée avant d’être, pour la plupart d’entre eux, rattrapés par la justice pour les crimes dont ils sont chargés. Cette intégration de criminels de guerre présumés dans l’armée, à des postes de haut rang avait été dénoncée par HRW et plusieurs autres organisations internationales de défense et de promotion des droits de l’homme. Par exemple, après l’assassinat de neuf soldats de la MONUC en Ituri en février 2005, le gouvernement de transition avait arrêté Floribert Njabu, Thomas Lubanga et une poignée d’autres commandants de haut rang en Ituri. Puis les a traduit en justice.
En février 2005, après l’assassinat de plusieurs casques bleus déployés sur place, la communauté internationale à travers plusieurs résolutions du Conseil de sécurité des NU et la MONUC ont mis beaucoup de pression sur les groupes armés pour leur désarmement. C’est ainsi qu’une structure gouvernementale chargée du désarmement, de la démobilisation des troupes et de la réinsertion des personnes démobilisées (DDR) a pu voir le jour. Le gouvernement de transition a pu rétablir les structures administratives locales et a nommé des administrateurs ayant plus ou moins des liens avec les groupes armés locaux.
A ce jour, il y est même signalé la continuation du recrutement d’enfants pour être enrôlés, par force, dans des troupes combattantes des milices qui continuent à opérer en toute impunité. Plus d’une dizaine de mouvements insurrectionnels continuent donc à commettre des crimes graves. On ne peut pas affirmer avec exactitude le niveau de soutien que continuent à avoir les groupes insurrectionnels locaux de la part des anciens chefs militaires et politiques membres des institutions en place. Mais une moue de prudence et une analyse de terrain font nettement croire que les milices qui continuent à sévir en Ituri pourraient avoir un subtile soutien de la part de certains d’entre eux en même temps que de certains des hommes d’affaires congolais ou même étrangers.
Sur le plan social et économique
Le contexte social et économique de l’lturi est dominé par une paupérisation observable, une destruction totale du tissu économique par le départ de nombre d’investisseurs qui y opéraient avant la guerre ouverte de 1999-2002, une déliquescence des institutions sanitaires et éducatives (hôpitaux et écoles), le défaut du pouvoir d’achat de la population amenant presque la majorité de cette population à la mendicité, faute d’emplois ; et même à l’adhésion de plusieurs jeunes désœuvrés à des groupes de bandits opérants dans l’opacité totale.
Faute d’emplois, des jeunes désœuvrés ont commencé à manifester leur adhésion à des mouvements insurrectionnels vers les années 2000. L’Ouganda et le Rwanda, pour favoriser l’exploitation illégale des ressources naturelles en Ituri, ont fourni leur assistance à nombre de milices locales, les aidant à se lancer, s'armer et se former. Avec tous ces jeunes désœuvrés et désormais ambitieux de devenir des chefs militaires ou d’acquérir une force qui fait qu’on les craigne, le soutien de l’Ouganda et du Rwanda ne pouvait donc pas manquer de preneur. Mais ce soutien a été irrégulier et déterminé par les intérêts des offreurs. Pour faciliter l’exploitation des ressources naturelles, ces deux pays, particulièrement l’Ouganda, tenaient à placer à la tête de Ituri, un « collabo », puisque les milices créées n’apportaient toujours pas la garantie voulue pour une l’exploitation paisible. Elles la mettaient en péril du fait de l’insécurité qu’elles ont, par la suite, créée.
Peu de temps après la signature de l'Accord de Sun City en 2002, les autorités de la RDC ont repris le contrôle des ressources de l'Ituri. Elles ont octroyé une licence exclusive d'exploration pétrolière à la compagnie Canado-Britannique Heritage Oil Company pour la région située sur le côté RDC de la vallée Semliki. Ceci a rapporté de l'argent frais et a établi un important précédent pour les marchés futurs sur l'exploitation des ressources. Il n’a, par contre, rien fait pour affirmer l'autorité de Kinshasa sur la zone, toujours à cause de l’exacerbation de la donne ethnique qui jouait contre Kinshasa (par le fait que les bahema se sentaient exclus du pouvoir)
Un certain nombre de rapports indépendants dont ceux produits par le Groupe d'experts des Nations Unies et ceux d'organisations internationales non-gouvernementales ont recueilli des informations sur le lien entre le conflit en RDC et l'exploitation des ressources naturelles. Les statistiques commerciales montrent combien l'Ouganda avait profité des richesses de la RDC. Les exportations d'or par l'Ouganda ont plus que doublé après que ses forces armées eurent entré en Ituri. Cet accroissement de production de l’or a coïncidé avec un fort déploiement de troupes ougandaises dans les zones minières de Ituri comme aux abords de Kilo Moto, décrit comme l'une des mines d'or les plus productives du Congo. Une étude plus éloquente démontre comment l’Ouganda qui n’avait fait aucune exportation de diamants une décennie avant, avait fini, de 1997 à 2000, par exporter entre 2 000 et 11 000 carats. Selon cette étude, en 2001, des diamants pour une valeur totale estimée à $3,8 millions ont été exportés par l’Ouganda.
Le rapport final du Groupe des experts des Nations Unies sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse en RDC, publié en octobre 2002 conclut qu' « un réseau d'élite de soldats ougandais, d'officiels et de politiciens, de rebelles locaux et d'entreprises internationales ont pillé le Congo pour leur propre bénéfice et pour financer la guerre. » Une fois encore, en exploitation de la donne ethnique, le rapport affirme que « ce réseau comprenait des hommes d'affaires bahema comme la famille Savo en Ituri. Le frère de Museveni, Salim Saleh et l'ancien Major de l'armée ougandaise, le Général James Kazini ont été identifiés comme étant les responsables du réseau, utilisant l'armée ougandaise et diverses milices rebelles comme leur force d'exécution personnelle à des fins commerciales »
Les autorités rwandaises auraient également espéré profiter de l'or de l'Ituri. L'UPC de Lubanga aurait été prêt à aider le Rwanda à obtenir une part de l'or extrait de Mongbwalu mais s'est trouvé dans l'incapacité de le faire lorsque ce groupe a perdu le pouvoir à Bunia. Le pétrole n’a commencé à y être exploité aussi qu’avec la collaboration des milices. En 2002, Heritage Oil Company aurait commencé à prendre contact avec des chefs locaux en Ituri, dont plusieurs à Burasi ainsi qu'avec le Chef Kahwa de Mandro. Pour preuve, le rapport du panel des Nations Unies cite le chef Kahwa qui avait déclaré : « J'ai été contacté par les Canadiens de la compagnie pétrolière qui sont venus me voir. Je leur ai dit qu'ils ne pourraient commencer à travailler en Ituri que quand j'aurais pris Bunia à l'UPC. » Des observateurs locaux et internationaux craignant pour l’avenir de cette partie du pays ont pu affirmer qu’ « en Ituri, on est dans une guerre du pétrole ». Cette guerre n’est pas finie, à ce jour. Nombre d’investisseurs expatriés continuent à être alléché par l’exploitation de l’or, de diamants et du pétrole de Ituri. Plusieurs rapports d’organisations internationales[5] y déplorent, des contrats léonins passés entre le gouvernement et des groupes industriels étrangers et recommandent qu’ils soient revus pour l’intérêt de la RDC.
La situation, bien qu’ayant connu quelques avancées sur le plan judiciaire, n’a pas beaucoup changé en ce qui concerne la sécurité de façon générale. Un rapport du mois d’août de la section DH/MONUC, renseigne, par exemple, qu’une jeune fille de 17 ans aurait été sérieusement blessée par fusil lors d’une attaque menée par 30 miliciens armés, probablement des bangity à Mangiva, à 75 km au sud de Bunia, le 20 août 2006. La victime aurait été blessée quand sa maison a été attaquée, alors qu’elle tentait de se cacher. Les auteurs auraient tiré sur la porte d’entrée et l’auraient atteinte par balle. La victime est complètement défigurée. Son nez, sa lèvre supérieure et les incisives sont déformes. Les auteurs auraient incendié la maison voisine avant de quitter le village. Le même rapport fait état du fait que le 30 août 2006, les habitants du groupement de Aluru - 7 km ouest de Ameri, qui est à 30 km Sud de Aru – auraient été pillés par un groupe de 51 personnes armées dont 4 femmes. Ce groupe armé est supposé appartenir à la LRA. Lors de leur incursion, deux de ces éléments armes ont sérieusement battu une femme. Sur le plan politique, la MONUC reste fortement impliquée dans le désarmement des milices. En Milieu du mois de septembre 2006, la MONUC a appuyé le voyage des représentants du FNI venus à Kinshasa à la rencontre de ses observateurs militaires pour définir le processus exact de leur désarmement. Il reste que des mesures concrètes à ce propos sont attendues du gouvernement. Le nombre des miliciens qui se sont rendus dans le district de l'Ituri depuis le 1er juin, avec l’appui de la MONUC, est estimé à 4.826.
Sur le plan judiciaire

L’Ituri est souvent décrit comme la partie la plus ensanglantée du Congo[6]. Sa population a été l’objet de graves atrocités commises par des groupes armés rivaux. Des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité y ont été commis à la suite d’abus systématiques des droits de l’homme. La justice est un besoin profond dans cette partie du pays, à la fois pour aider à reconstruire la société et pour s’assurer que ceux qui ont commis et qui continuent de commettre des abus des droits de l’homme ne sont plus libres de le faire[7]. Les parquets ne sont pas encore suffisamment préparés pour enquêter sur les crimes graves commis en Ituri. Ils ne sont pas non plus outillés en personnel et en matériel pour faire face à la petite délinquance qu s’y est développée en marge des activités des milices. Dans ces conditions, et dans l’absence d’une expertise policière, les magistrats ont soit besoin d’un temps excessivement long pour terminer leur instruction dans chaque dossier, soit leurs enquêtes resteront bâclées et incomplets.

La lutte contre l'impunité y a connu quelques développements positifs mais toujours insuffisants à cause notamment d’une faiblesse institutionnelle du système judiciaire et le manque d’une volonté plus affirmée sur le plan politique. La faiblesse du système judiciaire à enquêter et à poursuivre en justice toutes les violations graves des droits de l’homme commis en Ituri est évidente. Pour quelques avancées, on note le fait qu’en février 2005, Thomas Lubanga ait été déféré à la CPI pour y être poursuivi pour les crimes commis en Ituri. De même les tribunaux militaires congolais ont démontré une certaine volonté de faire application du Statut de Rome en poursuivant certains crimes à caractère international.

La plus grande avancée sur le plan judiciaire est certes le fait que le 02 août 2006, le tribunal militaire du district de l’Ituri a condamné Yves Kahwa Panga Mandro, chef milicien du groupe rebelle PUSIC. Kahwa Panga est le tout premier chef milicien de l’Ituri poursuivi et jugé (en Ituri même) par une juridiction congolaise pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre, conformément au Statut de Rome. Le procès a commencé le 11 juillet. Kahwa était poursuivi pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre pour avoir, en 2002, lors d’une attaque de ses éléments contre la localité de Zumbe, incendié un centre de santé, des écoles, des églises. Ces attaques avaient occasionnés plusieurs morts. Il était aussi poursuivi pour avoir créé un mouvement insurrectionnel dénommé PUSIC (Parti pour l'unité et la sauvegarde de l'intégrité du Congo) en 2002, mais qui déstabilise continuellement la région par ses éléments armés qui ne sont autre que des milices. Il était également poursuivi pour importation d’armes de guerre et pour avoir distribué ces armes à ses éléments combattants. Il était finalement poursuivi pour avoir, le 11 mai 2002, assassiné un ancien Administrateur du Territoire en mission dans le fief où ses troupes étaient opérationnelles. Le tribunal militaire l’a ainsi condamné à : 10 ans de servitude pénale pour mouvement insurrectionnel ; 20 ans de servitude pénale pour détention illégale d’armes de guerre ; 20 ans de servitude pénale pour crime contre l’humanité ; 20 ans de servitude pénale pour crime de guerre ; 20 ans de servitude pénale pour assassinat ; 15 ans de servitude pénale pour coups et blessures aggravées. Kahwa a été immédiatement déchu de ses droits politiques pendant 15 ans par la même décision judiciaire.
Il est évident que l’insécurité qui continue à régner en Ituri reste aussi un frein aux activités judiciaires. A cause de l’état précaire de la sécurité, la justice à Bunia ne peut pas compter, par exemple, sur une collaboration efficace de la population, en terme de témoignage au cours des enquêtes des magistrats. Un rapport de HRW[8] affirme que « les témoins potentiels refusent de déposer, invoquant les limites de la MONUC et son incapacité à établir la sécurité sur tout le territoire de Ituri. Ils citent également les menaces dirigées contre les juges eux-mêmes, comme celles contenues dans des tract déposés dans des bureaux des juges, leur promettant la mort et envisageant de mettre le feu sur le palais de justice. » La peur de témoigner prive donc les magistrats des moyens d’enquêter sur les crimes commis en Ituri. On peut considérer ce fait comme un autre limite aux activités judiciaires sur place. D’après un magistrat cité par HRW, « la plupart des victimes qui déposent refusent ensuite de signer leurs déclarations qui ne peuvent de ce fait être utilisées au tribunal. » En somme cette peur de témoigner se justifie par une présence encore très active des milices armées.
C. LES SEIGNEURS DE GUERRE FACE AUX DROITS DE L’HOMME
Sur le plan de la liberté d’expression, l’intolérance est palpable. Un collaborateur de l’AFP, Acquitté Kisembo, est porté disparu depuis 2003 en Ituri et tout laisse penser qu’il a été assassiné par des miliciens du secteur. Et même aujourd’hui, les différents rapports des organisations de défense des droits de l’homme continuent à être alimentés par des exactions, vols, viols, prises d’otages, dont sont de jour en jour victimes les populations en Ituri. Actuellement la plupart de ces exactions et actes de banditisme sont imputés aux FARDC, à la « garde républicaine » (ex GSSP) et à certaines milices qui continuent à y opérer en toute impunité
Les multiples violations des droits de l’homme, notamment ceux des enfants et des femmes en Ituri sont allées croissantes : massacres, viols, enlèvement, tortures sexuelles, arrestations arbitraires et détentions illégales, déplacements forcés, enrôlements forcés dans des troupes combattantes …Les enfants ont été à la fois des victimes et des auteurs instrumentalisés de toutes ces atrocités contre eux-mêmes ainsi que contre d’autres personnes. Pour comprendre comment cela a pu se systématiser, un rapport de HRW établit qu’en Ituri, 75% des 1500 militaires de l’UPC (Union des Patriotes Congolais) étaient des enfants de moins de 16 ans (Rapport 2003) Ces enfants n’ont rien appris d’autre que tuer, violer, voler, piller, …
Une recrudescence de la violence s’est faite vers le mois de décembre 2004, lorsque les combattants balendu, alliés du FNI (Front des Nationalistes Intégrationnistes[9]), avaient attaqué des villages bahema en chassant de leurs maisons, environ 200.000 personnes dont les femmes et les enfants.[10] Ils avaient, par la suite brûlé ces maisons avant de s’attaquer personnellement aux personnes chassées.

Dans les provinces de l’Est de la RDC, « On estime qu’au moins 30.000 garçons et filles participent activement aux combats ou sont attachés aux forces ou groupes armés, et utilisés à des fins sexuelles ou pour d’autres services. Presque toutes les filles et certains garçons sont victimes de sévices sexuels de la part de leurs commandants ou d’autres soldats. Les enfants sont fréquemment témoins de graves violations des droits de l’homme à l’encontre des civils ou forcés d’y participer, et se battent souvent en première ligne. »[11]

Au lieu de remédier à cette situation par la démobilisation rapide des enfants enrôlés de force dans les troupes combattantes, le processus global de désarmement, de démobilisation et de réinsertion (DDR) a pris une telle lenteur dans sa mise en œuvre. Le plan d’action pourtant si ambitieux de la CONADER (Commission Nationale chargée du Désarmement, Démobilisation et Réinsertion, n’a pas su être mis en branle à cause de l’inexpérience et des incapacités techniques propres à cet organe gouvernemental. Pire, le suivi de ses activités par l’autorité de tutelle s’avère irrégulier[12].

D’après les chiffres avancés par la CONADER, environ seulement 14.457 des enfants enrôlés dans les troupes combattantes ont pu être libérés et confiés à la garde de certaines organisations chargées de la protection de l’enfance en début de l’année 2006. Un nombre estimé à 2761 de ces enfants étaient des filles, le reste c’était des garçons. Un rapport de l’UNICEF fait remarquer qu’environ 6282 enfants ont pu être démobilisés entre 2003 et 2006 en Ituri. En considération des chiffres donnés, moins de la moitié des enfants enrôlés dans les troupes combattantes on donc pu être démobilisés à ce jour, pendant qu’il est signalé une recrudescence d’enrôlement d’enfants militaires en Ituri et une dissémination d’armes dans cette partie du pays favorisée, entre autres, par les anciens combattants démobilisés, devenus « sans emplois », désœuvrés.

La CONADER a annoncé avoir suspendu, le 7 juillet 2006, ses actions de désarmement et de démobilisation des combattants congolais à cause de l’absence de financement. Dans ce cadre, 18 centres d’orientation ont été fermés le 30 juin 2006 à travers le pays. Elle prévoit néanmoins de mettre en place des équipes mobiles qui pourraient intervenir au cas par cas pour faire face aux conséquences de la fermeture des centres d’orientation jusqu’à nouvel ordre. Le manque de moyens financiers pourrait être lié à plusieurs difficultés rencontrées par la CONADER depuis le lancement du PNDDR, dont des problèmes de gestion de fonds mis à disposition par les donateurs[13].

Situation des chefs miliciens

Ituri a été aussi le théâtre de mauvais traitements des défenseurs des droits de l’homme et leur prise en otage, par moments. Même les officiels n’y ont pas échappé, comme le confirme ce même rapport de HRW, qui cite Kahwa Mandro[14], un autre ancien chef d’une milice local, qui disait, à propos de la prise d’otages du ministre des droits humains et de sa délégation au mois septembre 2002 : « J'ai pris le Ministre des droits humains en otage parce que je voulais trouver un moyen de libérer Lubanga. Je les ai tous pris et après on a négocié la libération de nos amis. J'ai tout planifié moi-même et ça a très bien marché. Lubanga et les autres ont été libérés »[15]
En juin 2005 deux membres de l’organisation MSF-Be ont aussi été pris en orage. Des témoins avaient alors rapporté les avoir vus se faire arrêter et conduire à pied par un groupe d’hommes armés non identifié vers une destination inconnue[16]. On note aussi que même de casques bleus de la MONUC, des militaires régulièrement enrôlés dans l’armée nationale, … ont déjà été victimes d’une prise d’otages en Ituri.
En début de l’année 2005, le chef d’état major congolais a fait nommer cinq anciens seigneurs de la guerre du district d’Ituri, dans le Nord-Est du Congo à des postes de généraux de l’armée régulière. Quatre d’entre eux (Jérôme Kakwavu, Floribert Kisembo, Bosco Taganda et Germain Katanga) sont présumés auteurs de graves atteintes aux droits humains notamment des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité à l’Est. Ils sont accusés d’avoir ordonné, toléré ou personnellement commis des massacres ethniques, des meurtres, des actes de torture, des viols, des mutilations et particulièrement des recrutements d’enfants soldats. Selon les estimations des Nations unies[17], le conflit en Ituri a coûté la vie à plus de 60 000 civils dont une grande majorité est constituée d’enfants malades sans soins, abandonnés ou recrutés de force par les milices.

Parmi les chefs miliciens ayant opéré en Ituri et perpétré des violations des droits fondamentaux des enfants et des femmes, on cite :

Germain Katanga (élevé au grade de général dans l’armée congolaise.) Il était le chef des Forces Patriotiques de Résistance de l’Ituri (FRPI). Il a contribué à diriger l’un des plus importants massacres en Ituri, notamment, celui de l’hôpital de Nyakunde en septembre 2002. Sur une période de dix jours, ses combattants bangiti (nom d’un groupe ethnique en Ituri) avaient massacré, avec l’appui de soldats du RCD-ML, au moins 1200 bahema ainsi que d’autres civils pris pour cibles sur la base de leur appartenance ethnique. Germain Katanga a également dirigé des combattants FRPI lors d’autres massacres, notamment ceux de Bunia, Komanda et Bogoro en 2002 et 2003.

Jérôme Kakwavu (nommé général dans l’armée congolaise.) Il était président des Forces Armées du Peuple Congolais (FAPC – Forces Armées de l’UPC). Il est soupçonné d’avoir commis des exécutions sommaires, des actes de torture et des viols. En octobre 2004, les combattants des FAPC sous le commandement de Jérôme Kakwavu ont arrêté 24 civils et les ont maltraités. Deux personnes sont mortes immédiatement et quatre sont mortes quelques jours plus tard de suites de leurs blessures. Entre 2002 et 2004, Jérôme a ordonné que soient publiquement exécutés cinq soldats accusés de crimes sans qu’aucune action judiciaire n’ait été conduite. Dans certains cas, il a lui-même exécuté ces hommes. Les combattants (dont les enfants militaires) aux ordres du commandant Jérôme ont torturé des civils accusés de s’opposer à lui ou de soutenir ses rivaux.

Floribert Kisembo Bahemuka (aussi élevé au grade de général dans l’armée congolaise) : Il était responsable de l’Union des Patriotes Congolais/aile Kisembo (UPC-K), un groupe dissident de l’UPC de Lubanga. Il était un ancien chef d’état major de l’UPC à majorité bahema (de Lubanga) et fut l’un des commandants responsables de la campagne d’exécutions et de disparitions forcées qui a frappé les civils d’origine balendu ainsi que d’autres personnes qui osaient s’opposer aux idées de l’UPC à Bunia, en fin 2002. Il est accusé d’avoir torturé et tué 100 personnes. Les troupes de l’UPC sous le commandement de Kisembo ont également participé à des massacres ethniques de civils, dans plusieurs localités notamment Songolo, Mongbwalu, Kilo, Kobu et Lipri. Dans la ville de Kilo en décembre 2002, Kisembo avait donné pour ordre à des civils de « creuser leur propre tombe avant que ses combattants ne les massacrent ». Parmi les victimes se trouvaient des femmes et des enfants, certains tués à coups de masse. Il avait fait scission avec l’UPC en début 2004.

Bosco Taganda (vient d’être aussi nommé général au sein des FARDC) : Il a assumé de hautes fonctions de responsable au sein de l’Union des Patriotes Congolais de Lubanga en Ituri. Bosco Taganda a été impliqué dans de nombreux massacres et de graves abus contre les droits des enfants. A Songolo, en août 2002, les combattants (en majorité des enfants) sous son commandement avaient encerclé la ville et s’étaient livrés à des massacres, maison par maison, tuant des civils balendu et bangiti avec des armes à feu, des machettes ou des lances. De août 2002 à mars 2003, Bosco a participé à la traque, aux arrestations et à la torture d’environ 100 personnes, appartenant au groupe ethnique des balendu ainsi que d’autres personnes opposées aux politiques de l’UPC à Bunia. Selon un rapport de la MONUC, l’UPC de Bosco est responsable du meurtre d’un soldat kenyan membre de ses contingents en janvier 2004 et de l’enlèvement d’un soldat marocain, toujours membre de ses contingents.
Rafiki Saba Aimable : Ancien commandant en chef de l’UPC, Rafiki est en partie responsable de la traque de civils balendu et d’autres personnes opposées à l’UPC. Rafiki a été arrêté et quelques mois plus tard, le tribunal local de Bunia l’a reconnu coupable d’arrestations arbitraires, aggravées d’actes de torture et l’a condamné à 20 ans de prison. Il est actuellement incarcéré à Kinshasa (CPRK) Selon le quotidien « Le Phare[18] » paraissant à Kinshasa, il a totalisé 1005 jours au CPRK, le 7 août 2006. Il en aurait 1058 jours au 30 septembre 2006.

Salumu Mulenda (nommé lieutenant-colonel dans les FARDC) : Il étai le commandant en chef au sein des FAPC de Jérôme. Il fait partie des commandants qui ont dirigé les massacres de civils entre 2002 et 2004 à Mongbwalu, Kilo, Kobu et Lipri. Il a ordonné l’exécution, fin 2003, de civils qui participaient aux négociations de paix. Ses combattants ont encerclé le site où se tenaient les discussions à Kobu et ont massacré les chefs communautaires qui se trouvaient à l’intérieur des bâtiments. Selon les estimations de l’ONU transmises au Conseil de sécurité, Salumu a dirigé les opérations militaires qui ont fait au moins 350 victimes. En 2004, Salumu a rejoint les forces FAPC de Jérôme et était présent lorsque des soldats ont été exécutés en représailles pour de présumés crimes mais sans qu’aucun procès n’ait été organisé.
Le 4 novembre 2005, le Conseil de sécurité des NU a rendu public un communiqué faisant état des sanctions décrétées par lui sur tous ces chefs militaires, comprenant un gel de leurs avoirs et une interdiction de voyager. Par ce communiqué il demande aux États de prendre « les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire » de ces personnes, notamment soupçonnées de violer l’embargo sur les armes, imposé aux province de l’est de la RDC en mars 2004 et étendu à l’ensemble du pays en avril 2005. Ces mesures, individuelles, visent notamment Jérôme Kakwavu, Germain Katanga, Thomas Lubanga, Bosco Taganda, Yves Khawa Mandro et Floribert Njabu, des chefs miliciens d’Ituri, un district du nord-est en proie à des violences récurrentes. Selon ce communiqué, tous ces chefs miliciens, à l’exception de Bosco Taganda, ont été arrêtés au printemps (entre mars et juin) 2005 et sont actuellement en détention.
Subsistance d’insécurité : le MRC et le FNI
Il existe un mouvement militaire actif en Ituri, tout aussi créé avec l’appui de l’Ouganda, appelé MRC (Mouvement des Révolutionnaires du Congo) Ce mouvement se développe au Nord-Est de l’Ituri. Le commissaire de district de l'Ituri a dénoncé, en avril 2006, le fait que ce mouvement procède à un recrutement des jeunes soldats ainsi que des adultes démobilisés, justifiant ce nouveau recrutement comme l’expression d’une insuffisance dans les programmes de réinsertion communautaire des ex combattants. Les démobilisés qui se retrouvent sans moyens de survie et sans occupation, retrouvent très vite leur ancien « job[19] » à travers ces recrutements. Le programme de la CONADER n’est pas encore parvenu à insérer, comme priorité, les projets réels de réinsertion sociale au profit de démobilisés. Il se consacre et même se limite à des activités d’ordre procédurier et administratif[20].
En juillet 2006, le gouvernement et les miliciens du MRC ont conclu « un accord » pour « mettre fin » au conflit. Cet accord prévoit la démobilisation des miliciens. Il a été cosigné par la MONUC en qualité de « facilitateur » L’avantage escompté lors de cet accord était de permettre à des milliers de déplacés de l’Ituri de regagner leurs villages pour participer au vote le 30 juillet 2006. L’accord prévoit aussi « une amnistie générale » pour tous les membres du MRC, pour inciter les miliciens à « mettre fin au conflit armé » et à « créer les conditions d'un retour à la paix, à la réconciliation entre toutes les communautés congolaises et à la consolidation du processus électoral. » Un autre point important contenu dans cet accord est une exigence soulevée par Mathieu Ngujolo à l’endroit des FARDC, de reconnaître aux combattants du MRC les grades leurs octroyés par le mouvement. Pour le compte du gouvernement, c’est le colonel Mukunto Kiyana-Tim, conseiller militaire à la présidence de la République, qui avait signé. Tandis que le commandant Mathieu Nagudjolo avait signé pour le MRC et Charles Gomis, chef du bureau de Mission de l'Onu en RDC (Monuc) en Ituri pour le compte du « facilitateur » L’échec de cet accord ressort de la conviction que toutes les parties ont se faire : « il n’avait de rôle qu’électoraliste[21] »
Du point de vue de sa composition, le MRC regroupe plusieurs milliers de combattants issus d'anciens groupes armés d'Ituri. Il est présenté comme la seule milice structurée encore active dans ce district où elle a récemment multiplié les attaques contre les positions de l'armée régulière. Lors des représailles organisées par les FARDC contre cette milice, le bilan officiel en terme de vies humaines a été de 4 morts. Les combats avaient duré plusieurs heures.
De même, on a noté, en juin 2006 une reprise de combat en Ituri, plus précisément à Tchieyi. Cette dernière bourgade a été reprise et occupée pendant quelques mois, par un groupe de miliciens non encore impliqués dans le processus DDRR. Plusieurs ultimatums donnés à ces miliciens pour déposer leurs armes au plus tard le 25 juillet sont restés sans effet. Une série de négociations a alors été amorcée entre le gouvernement et Peter Karim, le chef de ladite milice (FNI) depuis jeudi 13 juillet en Ituri. Les deux parties se sont rencontrées à Doye, localité située à une soixantaine de kilomètres au nord de Bunia. La MONUC y a joué un rôle de facilitateur. A l’issue de cette rencontre, Peter Karim s’est dit « prêt de joindre le processus de la transition et l’armée congolaise » mais jusqu’à aujourd’hui il n’a pas encore fait preuve de vouloir respecter les termes de la négociation (les miliciens de Karim seraient en effet en train de se réarmer et recruter, autant que le MRC, leurs combattants parmi les miliciens démobilisés. Parmi ceux-ci, il y a plusieurs enfants).

En somme, les milices continuent à sévir la population, à s’attaquer contre les opérateurs judiciaires, les défenseurs des droits de l’homme et à soutenir les exploitations illégales des ressources naturelles du pays.
[1] http://radiookapi.net/article.php?id=5499
[2] En Swahili On utilise le BA pour indiquer le pluriel (ex. les bahema) et le MU pour le singulier (un muhema)
[3].Human Ringts Watch :
http://hrw.org/french/reports/2003/ituri0703/FRENCH%20FINAL2%20Ituri%20June%202003%20(formatted%206.2.03)-02.htm
[4] http://www.ptb.be/international/article.phtml?section=A1AAABBR&object_id=20064
[5] Cfr. Rapport de NIZA et différents rapports rendus public par Crisis Group, Amnesty Internationale et HRW sur la RDC entre les années 2003 et 2006.
[6] Lire notamment, « Les humanitaires en guerre », Securité des travailleurs humanitaire en mission en RDC et au Burundi , écrit sous la coordination de Xavier ZEEBROECK, GRIP, Edition complexe, pp 185
[7] http://hrw.org/french/backgrounder/2004/drc0904/1.htm#_Toc81037429
[8]Lire http://hrw.org/french/backgrounder/2004/drc0904/4.htm#_Toc81037432. Lire aussi : Human Rights Watch, République démocratique du Congo, Le fléau de l’or », On est maudit à cause de notre or. On ne fait que souffrir, Rapport 2004
[9] Naguère dirigé par Peter Karim, actuellement promu colonel de l’armée régulière en juillet 2006
[10] DRC : Insecurity Creates Food Shortage in Ituri, 4 avril 2005
[11] WACTHLIST on children and armed conflict, Survivre, Le défi quotidien des enfants dans le conflit armé en République démocratique du Congo, avril 2006, PP 76.
[12] WACTHLIST, Op. Cit, PP. 47-49
[13] GRIP • Groupe de recherche et d'information sur la paix et la sécurité, www.grip.org, http://213.219.171.5/bdg/g1054.html#_13
[14] Président du Parti pour l'Unité et la Sauvegarde de l'Intégrité du Congo – PUSIC - une dissidence de l ' UPC de Thomas Lubanga, créée en février 2003

[15] Lubanga a été arrêté une première fois en 2002 sous pression du pouvoir Ougandais qu’il avait dérangé par ses alliances avec le Rwanda, alors considéré comme enemi (de l’Ouganda)
[16] http://www.msf.be/fr/terrain/pays/afrique/congo_news_44.shtml
[17] http://hrw.org/french/docs/2005/01/14/congo10015.htm
Lire aussi : WACTHLIST on children and armed conflict, Survivre, Le défi quotidien des enfants dans le conflit armé en République démocratique du Congo, avril 2006, PP 76.
[18] http://www.lepharerdc.com/index_view.php?storyID=813&rubriqueID=13
[19] www.radiookapi.net/article.php?id=4457 - 11k
[20] www.radiookapi.net/article.php?id=4404 - 11k
[21] http://www.congovision.com/nouvelles/elections_afp2.html

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