mardi 6 mai 2008

Protection et prise en charge des PVV et des PVA


ETAT DE LIEU SUR LA PROTECTION DES DROITS
DES PVV EN RDC
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"Soyons clairs. Le Sida est bien plus qu’une crise sanitaire : c’est la menace la plus grave qui n’ait jamais pesé sur le développement" C’est ainsi que Kofi Annan décrit le Sida lors de la dernière assemblée générale des Nations Unies sur le Sida, en 2006. Depuis les années 80, le monde vit au rythme de ce qu’on appelle « la pandémie du siècle ». Les premiers cas de l'infection à VIH/SIDA ont été déclarés en R.D.C. au cours de l'année 1983. Depuis cette date, la situation n'a cessé d'évoluer en terme de nombre de personnes atteintes et de difficultés d’accès à la thérapie conséquente. Aujourd'hui, la séroprévalence du VIH est de plus en plus élevée et toutes les provinces du pays sont frappées. Autant les hommes, les femmes que les enfants paient au plus fort le lourd tribut de cette pandémie. Le SIDA fait de grands ravages parmi les populations. Il s'est imposé au pays comme un des problèmes cruciaux et prioritaires avec un impact immédiat sur le développement. Ceci, au regard de la vitesse avec laquelle elle se propage ainsi que les conséquences dévastatrices qu’il marque sur les plans économique, politique et social au pays.


Dans ses débuts (années 80 donc), cette maladie était le synonyme de la « mort certaine ». A en croire les estimations données par le programme national de lutte contre le sida (PNLS), a travers son rapport rendu public déjà en 2000, le taux d'infection au VIH parmi les adultes âgés entre 15 à 49 ans, se situe à 5,07% ? Déjà en 2000, 79.541 cas cumulés de sida avaient été notifiés. Au cours de la même année, on a déclaré 699.000 décès cumulés liés au sida et 687.000 orphelins du sida. Selon Marc Gentilini, Bernard Duflo : « la tranche d'âge la plus atteinte est de 25 à 40 ans, elle regroupe les jeunes adultes en pleine période de productivité qui ont coûté le plus cher à la nation en éducation et en formation. Ces cadres correspondant à un investissement lourd pour le pays, disparaissent avant même d'avoir pu contribuer à la prospérité de la nation »
Les modes de transmission les plus courants sont la transmission par les rapports sexuels (83%), la transmission mère-enfant (2%), et la transmission par transfusion sanguine (2%). Disons tout de suite que ces estimations sont à prendre avec une certaine réserve compte tenu de plusieurs contraintes d’enquête sur terrain : refus des personnes infectées à coopérer, insuffisance des possibilités de diagnostic à travers le pays et les difficultés de communication et d'accessibilité dans plusieurs zones du pays.


En réalité, la situation du VIH/SIDA en R.D.C. est devenue plus alarmante que celle présentée en 2000. Cette situation s’est aggravée avec l'état de guerre qui sévit dans le pays ; les mouvements des personnes (réfugiés et déplacés) entre la RDC et les pays limitrophes à haute prévalence du VIH (Rwanda, Burundi, Ouganda), la pauvreté chronique de la population, les actes de viol perpétrés par les hommes en uniformes qui font partie des troupes armées d'occupation et ceux provenant de ces pays et qui séjournent depuis plusieurs années dans les territoires jadis occupés, jusqu’à ce jour sous une forme ou une autre de mouvements insurrectionnels.
Le conflit qui a particulièrement fait rage de 1996 à 2003 dans la République démocratique du Congo a gravement détruit l’infrastructure de base pour le développement. Elle a, en même temps détruit et décimé des populations entières. La destruction des domiciles et des hôpitaux, les homicides en masse et la cruauté qui caractérisaient cette guerre sale ont laissé plusieurs enfants sans familles, sans domiciles, des victimes sans jambes ou sans bras, et un très grand nombre de malades dont ceux atteints de SIDA.


Le conflit qui a eu lieu en RDC, et qui continue sous une forme à peine voilée, est particulièrement marqué par l’usage systématique du viol comme arme de guerre. L’histoire humaine le démontre tragiquement : le viol suit toujours de près les conflits, mais en RDC, il a été manifestement utilisé par des groupes armés comme l’une des armes principales contre leurs adversaires et la population civile. On soupçonne même que pour des raisons de xénophobie et de racisme, certains groupes de malades atteints de SIDA, ont été instrumentalisés pour propager cette maladie dans les populations considérées comme ennemies, particulièrement dans les Kivu, la Province orientale et l’Equateur. Dans l’est et le nord de la RDC, des membres de groupes armés ont donc violé des dizaines de milliers de femmes parmi lesquelles des mineurs, ainsi qu’un certain nombre d’hommes et de jeunes garçons, afin de terroriser, d’humilier et de soumettre les populations civiles au joug de l’occupant.


Le viol en masse a ainsi donc contribué à répandre le virus VIH, ce qui devrait avoir des conséquences catastrophiques pour l’avenir socioéconomique et même politique du pays, dans les quelques années à venir. Le Programme national de lutte contre le SIDA estime que le taux d’infection a dépassé les 20%, simplement dans les provinces de l’est et du nord. Il estime, en outre, que le virus pourrait menacer plus de la moitié de la population dans la décennie à venir. Selon certains experts, le taux de prévalence réel du VIH dans l’est de la RDC pourrait être bien plus élevé. Dans un pays situé au cœur d’un continent décimé par le SIDA, ce phénomène aura de graves implications sur la capacité de la RDC à surmonter son histoire récente, marquée par la guerre.


Les femmes sont plus affectées par le SIDA ; selon l’ONUSIDA, les jeunes femmes ont trois fois plus de chances de vivre avec le VIH/SIDA que les jeunes hommes. Là où le SIDA est une conséquence du viol, l’effet sur les femmes est catastrophique. Les personnes ayant subi un viol sont souvent abandonnées par leurs familles et leurs communautés, obligées de quitter leur domicile et laissées dans la pauvreté. C’est le côté social et culturel, qui sera abordé dans les lignes qui suivent.


2. PRISE EN CHARGE


Du point de vue de la prise en charge des personnes atteintes de SIDA, les analyses des scientifiques démontrent qu’aujourd’hui le SIDA n’est pas seulement un problème médical. C’est un problème qui dépend à la fois des facteurs sanitaires, sociopolitiques, culturels, géographiques et économiques. C’est ainsi même que son approche est devenue multisectorielle.


A. SUR LA PLAN SANITAIRE

On note aussi qu’en RDC, l’infrastructure sanitaire s’est, dans l’entre-temps, totalement dégradée. Les combattants ont délibérément visé cette infrastructure à travers la destruction des centres médicaux et des hôpitaux. Les troupes ont attaqué, pillé et détruit bon nombre de ces structures à travers les zones de guerre, en forçant les blessés et les malades à quitter les lieux, au besoin à fuir. Les quelques structures sanitaires et médicales subsistantes, demeurent surpeuplées et manquent cruellement d’hygiène et des moyens élémentaires d’être entretenues. L’eau, l’électricité ou le matériel de stérilisation font cruellement défaut dans ces structures de fortunes.


Une personne âgée de vingt-cinq ans témoigne craindre d’avoir contracté le VIH/SIDA à cause d’un viol commis par un groupe armé deux ans plus tôt : « Ils sont entrés chez nous, ont pris toutes nos possessions, et violé toute la famille : ma belle-sœur, les enfants, les oncles : les hommes comme les femmes. Nous tous…Depuis le viol, je suis très malade. J’ai des problèmes permanents à l’estomac, des diarrhées… On dirait que mes jambes ne fonctionnent plus...»


De nombreuses victimes de ces agissements, à l’instar de celle qui témoigne ci haut, font valoir le fait que l’infection VIH entraîne presque à coup sûr et toujours une condamnation à mort, dans la tête du malade, surtout lorsqu’il s’agit des victimes de viols. Les témoignages font état de plusieurs centres de santé de l’État n’offrant d’autre traitement pour le VIH/SIDA qu’un test volontaire. Les personnes qui obtiennent un résultat positif se voient généralement gratifiées, en tout et pour tout, de quelques conseils rapides. Seules quelques ONG internationales dans l’est de la RDC proposent réellement d’un traitement antirétroviral permettant de prolonger l’espérance de vie des personnes infectées. Ces ONG espéraient traiter une moyenne de 150 personnes en 2005. Face à l’ampleur du fléau, il s’agit là d’une goutte d’eau dans la mer. Les besoins et demandes de soins sont réels. Des mesures beaucoup plus importantes devraient être rapidement prises pour rebâtir l’infrastructure médicale du pays, enfin de redonner plus de chance et d’espoir aux malades atteints de SIDA.


Mais si dans les années 80 la mort était certaine pour une PVV, à ce jour la prise en charge est multisectorielle. Elle lui donne quelques garanties de survie. Sur le plan sanitaire, on note une instauration de plusieurs centres de dépistages volontaires et payants ainsi que des centres de traitements. Il est frai aussi que le coût des examens de dépistage dans les centres payants, fait que les PVV sont éligibles au traitement antiviral. Il est déplorable cependant que les ARV ne soient pas d’accès facile pour la plupart d’entre eux du fait de leur coût élevé.


B. SUR LE PLAN SOCIOCULTUREL

La perception et l’expression du SIDA diffèrent d’une région à l’autre et d’une culture à l’autre. Les connaissances de type scientifique ou empiriques cohabitent avec les croyances et attitudes qui mettent en exergue des valeurs où se mêlent le psychologique, l’affectif, le social et le surnaturel. Le peuple congolais compte des personnes qui continuent à considérer cette maladie comme ayant des « aspects spirituels. » Certains pasteurs d’églises n’hésitent même à la considérer comme une « punition de Dieu. »


Depuis plus d’une vingtaine d’années, la médecine est ainsi confrontée à un défi majeur : celle des réalités de terrain, particulièrement culturelles. La prévalence mondiale du VIH/SIDA atteint sûrement aujourd’hui plus de 40.300.000 de personnes infectées, le nombre de femmes et d’enfants atteints représente les 43%. Les décès ont été évalués à 3.100.000 millions en 2005 dont plus d’un demi-million d’enfants. Depuis que le Sida a été identifié en 1981 ; 25 millions de personnes en sont mortes. En RDC la population atteinte est estimée à environ 3.000.000 de personnes. Une communauté entière !


Des changements sociaux devraient aussi intervenir dans le cadre de la prise en charge des malades atteints de SIDA. Avant la guerre, les femmes ont particulièrement souffert d’une discrimination économique, sociale et culturelle qui les rendait plus vulnérables. Il a même été constaté que les femmes ainsi atteintes de SIDA étaient exclues dans la gestion de biens de la famille du seul fait d’être atteinte d’une « sale maladie ». L’objectif était de l’éloigner le plus possible des autres membres de la famille. Elle était considérée comme une peste. Dans ce cas, la gestion des biens et propriétés de la famille était confiée au mari. Tout ceci équivaut à une culture où les femmes sont considérées comme des citoyens de second rang.


Il y a besoin d’un réel changement social et culturel qui doit s’accompagner d’un développement de l’infrastructure et des systèmes médicaux. Il y a donc urgence d’une prise de conscience des pouvoirs publics, pour l’élaboration d’une politique cohérente en faveur des malades atteints de SIDA et pour lutter, le plus efficacement possible contre cette pandémie. Il est si évident que si les femmes commencent à bénéficier d’une place plus juste dans la société, elles auront une meilleure chance de contribuer efficacement au développement du pays. Un certain nombre d’organisations congolaises de développement, de défense des droits des femmes et des droits humains, ainsi que des églises ont, à ce jour, compris le message. Elles se sont mobilisées pour répondre aux besoins des victimes. Les femmes et les enfants, qui ont tant souffert pendant ce conflit, ont la détermination de changer le cours de choses et de développer une société plus juste, où la santé et le bien-être sont une priorité de tous, en premier lieu des pouvoirs publics.


Bien plus, le caractère « fatal » de la maladie, ou ainsi considéré par la société, la peur qu’elle entraîne et la menace qu’elle laisse peser sur la communauté entière, sont à l’origine de la stigmatisation des personnes vivantes avec le VIH. La révélation du diagnostic aux patients est une expérience particulièrement éprouvante qui peut être à l’origine de la dépression chez les personnes concernées. Généralement à l’annonce d’un résultat positif au Test VIH, on observe un phénomène de choc chez l’individu, avec deux possibilités d’évolution :


Vers le pôle positif : l’individu accepte le résultat et son état ainsi que la prise en charge médicale
Vers le pôle négatif : l’individu refuse le résultat et son état, alors la prise en charge s’avère difficile.


Une personne atteinte de SIDA, surtout si elle appartient à la deuxième catégorie peut facilement développer un état de dépression mentale pouvant aboutir aux idées de suicide. Sur le plan social, il est à déplorer une continuelle stigmatisation des malades et une discrimination équipollente au rejet. Ceci a comme conséquence une entrée en clandestinité de plusieurs malades, plusieurs abandons familiaux, etc. Tout ceci augmente leur vulnérabilité.


Devant cet accroissement du nombre des sidéens et des personnes infectées par le virus du sida et du fait que le sida frappe plus la jeunesse, forces vives de la société, il va de soi de son impact sur le développement soit trop significatif. C’est surtout parce que cette pandémie fait que la RDC accuse une baisse substantielle de sa production nationale et par ménage. Les dépenses directes et indirectes liées à la morbidité et à la mortalité du sida ne font qu'augmenter les charges des ménages, qui ont déjà un très faible pouvoir d’achat. Cet impact est d'autant plus important car la majorité des personnes touchées par le fléau est constituée par les jeunes en âge de travail.


L’analyse de la situation démontre ainsi à suffisance combien le sida constitue une urgence à laquelle il faut apporter des solutions urgentes, efficaces et appropriées.


C. SUR LE PLAN ECONOMIQUE

Pour des raisons économiques, en République Démocratique du Congo, le traitement à l’anti-rétroviraux n’est pas encore accessible à une large échelle. C’est ainsi que l’infection est vécue par le porteur et son entourage comme une condamnation a mort, faute de moyens matériels de se procurer les médicaments, si coûteux, pour un peuple sans pouvoir d’achat. La couverture des PVV sous ARV équivaut, ce jour, à seulement 5% soit 8.000 personnes. C’est une grande faiblesse sur le plan économique, pour les malades atteints du VIH.


Il existe tout de même plusieurs réseaux d’aide et d’entraide, de soutien et de responsabilisation des PVV. Il s’agit, en grande majorité, de plusieurs ONG engagées sur terrain. Les plus connues en RDC sont : le Forum Sida (FOSI), qui regroupe cinq ONG (AMO Congo, SWAA, REDS et Fondation Femmes Plus).

Au niveau des pouvoirs publics, la lutte est de faire passer les questions relatives à la santé publique, et donc du Sida, au titre des priorités, relevant des droits fondamentaux des citoyens. C’est dans ce cadre que plusieurs bureaux spécialisés ont été mis sur pied pour étudier cette réalité et y apporter des solutions adéquate (PNLS, PNMLS, …). On note aussi l’installation, il y a quelques années d’un bureau appelé BCC/SIDA (Bureau central de coordination de lutte contre le Sida).

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