mardi 6 mai 2008

La HAM est-elle morte ? Survit-elle ?

FACE A LA CONVERGENCE PARALLELE ENTRE LA HAM ET LE MINISTERE DE L’INFORMATION, PRESSE ET COMMUNICATION NATIONALE :
QUE DIT LE DROIT ?


La base juridique qui apporte une issue loge dans les articles 212 et 222 de la Constitution de la République. L’article 212, sans faire allusion à la Haute Autorité des Médias, met en place un Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC) en ces termes :

« Il est institué un Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication doté de la personnalité juridique.

« Il a pour mission de garantir et d’assurer la liberté et la protection de la presse ainsi que de tous les moyens de communication de masse dans le respect de la Loi.

« Il veille au respect de la déontologie en matière d’information et d’accès équitable des partis politiques, des associations et des citoyens aux moyens officiels d’information et de communication.

La composition, les attributions, l’organisation et le fonctionnement du CSAC sont fixés par une Loi organique ».

Il échet, pour la bonne compréhension de ces dispositions, de recourir à l’article 222 de la même Constitution qui dispose :

« Les institutions politiques de la transition restent en fonction jusqu’à l’installation effective des institutions correspondantes prévues par la présente Constitution et exerce leurs attributions conformément à la Constitution de la transition.

« Les institutions d’appui à la démocratie sont dissoutes de plein droit dès l’installation du nouveau Parlement.

« Toutefois, par une Loi organique, le parlement pourra, s’il échet, instituer d’autres institutions d’appui à la démocratie ».

Le deuxième alinéa règle définitivement le sort de la HAM et de toutes les autres institutions d’appui à la démocratie pendant la période de la transition, même après avoir constamment demandé leur reconduction pour la troisième République. C’est cette disposition de la Constitution qui a d’ailleurs justifié que certaines d’entre ces institutions, notamment l’ONDH et la CVR, ont confectionné leurs rapports finaux, à déposer aux archives nationales.

Il est important de relever que ces dispositions constitutionnelles donnent plein pouvoir à l’Assemblée nationale d’apprécier l’opportunité de recréer d’autres institutions d’appui à la démocratie pour la troisième République (alinéa 3 de l’article 222).

Et par rapport au CSAC, la Constitution ne renseigne pas qu’il sera l’équivalent de la HAM telle qu’elle a été organisée et fonctionné pendant la transition. Elle ne dit pas non plus que la HAM se muera en CSAC pendant la troisième République.

Dans son exposé des motifs, la Constitution dit expressis verbis que « pour garantir la démocratie en République Démocratique du Congo, la présente Constitution retient deux institutions d’appui à la démocratie, à savoir le commission électorale nationale indépendante (…) et le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication… » La Constitution ne dit pas qu’elle reconduit la Commission électorale indépendante et la Haute autorité des médias, telles qu’elles ont été instituées par la Constitution de la transition.

Lorsqu’à l’alinéa 1er de l’article 222 de la Constitution le législateur parle des « institutions politiques », il se réfère aux institutions de pure nature politiques et classiques à tout « Etat moderne » (Cfr. Traité de Westphalie sur les éléments constitutifs de l’Etat). Or, la HAM, comme la CEI ont été envisagées comme des organes techniques et spécialisés même si, au cours de leur fonctionnement elles ont posé des actes à portée politique. Il y a même lieu de considérer qu’elles ont été des institutions de circonstance.

Il est de droit le principe général qui renseigne que « nul n’a le droit de faire une distinction lorsque le législateur n’en fait pas ; puisque lorsqu’il veut, le législateur dit ou se tait ».
[1]

En empruntant un article défini « les » institutions d’appui à la démocratie sont dissoutes de plein droit, le législateur s’adresse clairement à « toutes » sans faire la distinction, ni donner une survivance à l’une d’entre elles. La conséquence qui s’en suit est que toutes, ayant constitué une importante documentation, sont chargées de la verser aux archives nationales conformément aux règles d’usage en la matière.

En attendant, les animateurs de l’ancienne autorité de régulation viennent de rendre public un communiqué, le 16 mai 2007, réclamant leur survie grâce au principe général de droit relatif à la « continuité des services de l’Etat ». Les mêmes animateurs, en réaction au communiqué du ministre de l’information, presse et communication nationale rendu public la veille, considèrent inopportun l’atelier de réforme du cadre juridique en préparation au ministère et considèrent, in fine, que leur participation à cet atelier est tout autant « inopportune ».

Faut-il rappeler que dans la hiérarchie des sources de droit (règles de droit applicables), il ne peut être fait recours aux principes généraux de droit que si la jurisprudence, les Lois (Lois ordinaires, Constitutions, Conventions et traités internationaux régulièrement introduits dans la législation interne) sont muets. Et qu’en l’occurrence, la Constitution donne une réponse éloquente et définitive.

Ce communiqué de l’ancienne autorité de régulation propose une alternative : continuer à considérer que la HAM demeure une institution républicaine et qu’elle doit prendre part à l’atelier en tant que telle. Que sans elle, le débat est amputé. Ou alors considérer que quelques respectables Sieurs et Dames ayant conduit cette institution ont acquis une bonne expérience à même d’influer positivement aux débats de l’atelier. Les y associer, dans les limites de leur acceptation. Qu’en cas de leur refus, il soit clairement considéré que d’inédits demandeurs d’emploi n’ont aucunement le droit de tenir en état la marche de l’Etat et le déclenchement de la bonne volonté des partenaires qui veulent contribuer à l’assise de la démocratie en RDC.

Même l’argument tendant à considérer que la HAM gère les affaires courantes est non fondé, pour autant qu’en droit la gestion des affaires courantes se limite au stricte nécessaire et à l’urgence. Le gestionnaire d’affaires courantes ne peut donc poser des actes qui engagent l’organisation pour l’avenir.

De plus en plus, il me semble que le débat n’en est pas là. Il tourne autour de trois à quatre individus qui refusent de se faire à la Loi.

Pour autant que ces animateurs de l’ancienne structure de régulation ont déjà produit un important travail qui sera soumis aux échanges des participants à l’atelier, il eût été souhaitable qu’ils viennent expliquer les fondements des choix opérés dans ledit document. Mais puisqu’ils s’y refusent, leur participation restera passive car ces documents seront débattus sans eux. Mais c’est déjà mieux que rien.

L’option levée, une question demeure : quelle est l’autorité qui assume la régulation en l’absence de la HAM et sur base de quel principe de droit ?

L’on pourrait être tenté de croire que la question de régulation devient abandonnée à un vide juridique. Cette considération est erronée pour la simple raison qu’avant l’institution de la HAM, les dispositions qui réglaient la matière demeurent celles de la Loi de 1996 fixant les modalités d’exercice de la liberté de la presse.

Elles prévoient qu’ : « en attendant la mise sur pied de la structure légale chargée du contrôle et de la neutralité des médias publics, conformément à l’article 58 point 6 de l’Acte constitutionnel de la transition
[2], la compétence dévolue à celle-ci demeure assumée par le Ministère en charge de l’information et de la presse »[3] et ajoute, qu’ « il en est de même de la période précédant la mise en place effective des collèges Exécutifs régionaux prévus par la loi sur la décentralisation administrative et territoriale, lesquels Collèges sont reconnus compétents pour recevoir ladite déclaration ».[4]

Pour les acteurs majeurs engagés dans la réforme du cadre juridique régissant la liberté de la presse en RDC et dans la production de l’avant projet de Loi organique sur le CSAC (il s’agit principalement du ministère et des partenaires), il reste à accepter cette dure vérité de la mort juridique de la HAM, d’accepter de faire participer ses anciens animateurs en tant qu’individus (pour autant qu’ils l’acceptent. Et dont de pouvoir passer outre leur refus tendant à un malveillant chantage) au titre de leur expérience en matière de régulation et de lever l’option définitive sur la forme et le contenu de leur contribution.

Si le conflit (il faut ainsi l’appeler) entre les animateurs de l’ancienne autorité » de régulation et ministre de l’information, presse et communication nationale persiste, ce dernier devra saisir la Cour suprême de justice, conformément aux dispositions de l’artyicle ……de la Constitution qui le fonde à réquerir un Arrêt en interprétation des dispositions sujettes à conflit..


Maître Charles-M. MUSHIZI
Avocat à la Cour.
Charles.mushizi@gmail.com - www.freerwebs.com/mushizi
+243 810 516 908

[1] « Ubi lex non distinguit, non distinguere debemus ; ubi lex voluit dixit, ubi lex noluit taquit »
[2] Il s’agit de l’Acte Constitutionnel de la Transition de 1994 produit lors de la Conférence nationale Souveraine et revu à l’occasion de plusieurs autres assises politiques dont les Conclaves politiques qui s’en sont suivies. Le ministère recouvre ainsi ce qu’en droit on appelle une compétence résiduaire, puisque la loi de 1996 demeure en vigueur et le lui reconnaît en se référant à une autre, dont « les dispositions non contraires à celle en vigueur restent d’application ».
[3] Cfr. Exposé des motifs et article 90 de la Loi N°96-002 du 22 juin 1996 fixant les modalités d’exercice de la liberté de la presse en République Démocratique du Congo.
[4] Idem. Dans le contexte politique actuel, il s’agit de la Loi sur la décentralisation territoriale qui sera bientôt adoptée au Parlement.

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